Le Collectif national des associations d’obèses (CNAO) en campagne pour les Journées Mondiales de l’obésité qui se tiennent du 4 au 6 mars. Thème retenu pour cette édition 2024, la lutte contre les stigmatisations. Le CNAO a réalisé un spot dont le message-clé est : « L’obésité n’est pas un choix ». A voir sans modération.
« Moi, je voudrais qu’on me regarde normalement, qu’on me considère comme tous les autres. Ainsi mon poids ne serait pas un frein à l’emploi… », égrène Magloire, animateur de radio et télévision, acteur, et dont le parcours lui a valu d’être victime de grossophobie. Autant dire qu’il sait de quoi il parle quand il nous appelle à mettre fin aux préjugés sur la maladie obésité, à la fin du spot réalisé par le Collectif national des associations d’obèses (CNAO), à l’occasion des Journées Mondiales de l’obésité (4-6 mars). Un spot au titre qui entend justement remettre quelques contre-vérités ou clichés à leur place : « L’obésité n’est pas un choix ».
Des colosses aux pieds d’argile
En France, on estime à 8,5 millions le nombre de personnes en situation d’obésité, en majorité des hommes. Pourtant, rappelle ce spot, pour elles, de multiples obstacles demeurent : pour se vêtir, trouver un travail et même optimiser leur parcours de soins. Car si les préjugés vont toujours bon train, en particulier sur les causes de l’obésité, ramenées encore trop souvent à un manque de volonté, même les professionnels de santé ne sont pas formés aux spécificités de la prise en charge des personnes souffrant d’obésité, avec pour risque majeur le retrait de ces dernières du système de santé. L’acceptation de la différence corporelle permettrait d’améliorer la prise en charge des soins, rapporte Anne-Sophie Joly, la fondatrice et présidente du CNAO. « Sans aller jusqu’à évoquer les doses de chimiothérapie ou d’anesthésique, qui doivent être plus importantes, ou encore les difficultés à trouver les veines, pour une injection ou une prise de sang, en raison du tissu adipeux, les médecins ne sont pas tous équipés, loin s’en faut, d’un pèse-personne ou d’un tensiomètre adaptés. Mesurer la tension fait pourtant partie des recommandations de la Haute Autorité de santé, tout comme prendre le poids, note-t-elle. Or, nous, les patients en obésité, sommes des colosses aux pieds d’argile, à risque de polypathologies. » De fait, l’obésité est associée à de nombreuses comorbidités et à une mortalité élevée. Elle augmente ainsi le risque de maladies cardiovasculaires, de diabète, de troubles musculosquelettiques et de nombreux cancers – de l’endomètre, du sein, des ovaires, de la prostate, du foie, de la vésicule biliaire, du rein et du colon. Et récemment, rappelle Anne-Sophie Joly, la pandémie de Covid a cruellement mis en lumière le lourd tribut payé par les personnes en situation d’obésité qui ont représenté 47 % des hospitalisations en réanimation et 40 % des décès.
Pour cette catégorie de la population, le CNAO réclame d’ailleurs l’organisation d’un suivi plus intensif, avec la mise en place de consultations spécifiques. « L’Organisation Mondiale de la santé (OMS) reconnaît l’obésité comme une maladie depuis 1997, mais pas la France. Et tant que ce ne sera pas le cas, il sera difficile de changer le regard sur cette maladie chronique du tissu adipeux qui va se fibroser », précise Anne-Sophie Joly. Multifactorielle, l’obésité est à la croisée de plusieurs facteurs, parmi lesquels l’épigénétique, la pollution, les naissances par césarienne, avec un impact négatif sur la richesse du microbiote du nouveau-né, la sédentarité, l’alimentation ultra-transformée et le stress. Ajoutons que l’obésité est sur-représentée dans les familles les plus modestes – elle y est 4 fois plus fréquente – et dans certaines régions plus que d’autres.
Un besoin d’évaluation et de mesures fortes
Selon l’OMS, en France, 29 % des personnes seront obèses à l’horizon 2030 – contre 17 % actuellement. Or, l’obésité coûte aujourd’hui près de 11 milliards d’euros de dépenses par an au système de santé. Des mesures ont été prises, telles que la création en 1985 du Conseil national de l’alimentation, du lancement en 2001 du Programme National Nutrition Santé (PNNS) ou encore en 2016 l’utilisation du NutriScore, ce logo nutritionnel aux 5 couleurs destiné à éclairer les consommateurs dans leurs achats, mais non obligatoire. Mais force est de constater que ces outils de prévention, utiles, n’ont pas permis d’enrayer la progression de l’obésité. La présidente du CNAO réclame un état des lieux précis de la situation épidémiologique et sanitaire des personnes obèses : « La dernière enquête a été réalisée en 2020 par la Ligue contre l’obésité, mais sur un petit échantillon d’individus et sur un temps court, ce qui ne reflète pas la réalité, explique notre interlocutrice. Si on veut être efficace, nous demandons un plan interministériel sur dix ans renouvelables, trans-partisan, sur le modèle des plans cancer, avec un institut dédié, type INCa, pour pouvoir travailler à 360° ».
Outre les mesures de prévention qui portent sur le mode de vie, et notamment sur l’activité physique et l’alimentation, réclamées par les Français eux-mêmes, si l’on en juge par les résultats de l’étude de l’Institut Harris Interactive pour France Assos Santé, parue en février dernier, l’accompagnement des personnes en situation d’obésité passe aussi par une prise en charge pluridisciplinaire et adaptée, qui intègre également traitements médicamenteux et chirurgicaux, en dernier recours toutefois, a souligné la Haute Autorité de santé (HAS), le 28 février dernier, lors de la présentation des recommandations de bonne pratique pour faciliter le parcours de soins des adultes en situation d’obésité. Ce point a d’ailleurs été l’occasion d’insister sur la nécessité pour les professionnels de santé de faire preuve « d’une neutralité bienveillante », selon les termes du Pr Pierre-Louis Druais, médecin généraliste et vice-président de la Commission recommandations, pertinence, parcours et indicateurs (CRPPI) de la HAS. Et ce rappel n’a de toute évidence rien de superfétatoire ni d’exagéré, si l’on en croit le spot du CNAO qui, pour être court, moins de trente secondes, n’en est pas moins éloquent, voire percutant : « Ce qui me touche le plus, c’est le poids de vos mots, ce sont les réflexions de mes collègues, celles de mon médecin, de ma famille ou d’inconnus. L’obésité est une maladie, pourtant, le mal qui m’isole et m’empêche de me faire soigner, c’est la grossophobie… »
Pour aller plus loin : Je n’ai pas choisi d’être gros.se, Anne-Sophie Joly et Richard Zarzavatdjian, éd. Solar (Février 2024)
Lutte contre l’obésité : campagne 2024 du Collectif National des Associations d’Obèses (CNAO)
Prise en charge de l’obésité chez l’adulte : les « 4 D » de la HAS
La Haute Autorité de santé (HAS) est allée droit au but : l’obésité est un enjeu majeur de santé publique, a pointé le Pr Lionel Collet, président de la HAS, lors de la présentation, le 28 février dernier, des recommandations en matière de soins et d’accompagnement des personnes en situation d’obésité chez l’adulte – un an après celles concernant les enfants et les adolescents. Outre l’insistance des intervenants, dont le Pr Pierre-Louis Druais, vice-président de la CRPPI, à rappeler combien l’accueil est fondamental pour établir une relation de confiance durable avec le patient – « tout professionnel de santé se doit de surveiller son comportement », a martelé le médecin généraliste –, il a également été précisé que la prise en charge doit être centrée sur le patient, et non pas la maladie. Pour le Pr Druais, le parcours de soins s’articule autour de quatre axes, qu’il résume en une formule, les « 4 D », pour « dépister, diagnostiquer, discuter et décider ensemble ». Outre l’attention à porter au contexte global du patient, il est une autre dimension à prendre en compte : le temps et donc le risque de non-observance. « La prise en charge d’une personne en obésité, surtout si elle a débuté au moment de l’enfance, s’apparente toujours à une relation très longue. Il est important de repérer les reprises de poids et d’être capable d’en parler avec circonspection mais franchise et clarté », a-t-il développé. Enfin, la HAS a mis en garde contre le recours non pertinent, voire consumériste, selon le mot du Pr Druais, de la chirurgie bariatrique : « La chirurgie n’est pas une finalité en soi ». Elle doit même être abordée comme un dernier recours, avec en aval « la mise en place d’une surveillance à vie, avec plusieurs relais », a martelé le médecin généraliste. Or, aujourd’hui, la moitié des patients sont en rupture de soins deux ans après une chirurgie.
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