Journée Mondiale du diabète : la parole aux jeunes !

Coup de projecteur sur le diabète de type 1 en ce 14 novembre, date de la Journée Mondiale du diabète. A l’occasion de cet événement annuel, la Fédération Française des Diabétiques dévoile les résultats de l’étude « Jeunes Adultes DT1 », initiée il y a quelques mois et consacrée aux problématiques que les 18-40 ans rencontrent au quotidien. Le constat est édifiant. Commentaires, analyse et témoignage.

« Diabète : répondre aux besoins de ses 4 millions de visages ». Pour cette édition 2023 de la Journée Mondiale du diabète, la Fédération Française des Diabétiques (FFD) reprend le même slogan que l’an passé, en le revisitant. Cette fois, la FFD lève le voile sur les jeunes adultes qui vivent avec un diabète de type 1, appelé aussi insulino-dépendant. Cette maladie auto-immune, qui se définit par un déficit en insuline, affecte 6 % de l’ensemble des patients diabétiques, dont la moitié sont des jeunes. Léonie Gerbier est responsable des affaires publiques à la FFD. Elle s’explique sur ce choix que l’on pourrait qualifier, avec moult guillemets, de « minoritaire » : « Ces jeunes adultes représentent un groupe réduit, mais ils ont des revendications assez légitimes ». Encore fallait-il recueillir leur ressenti et leur vécu pour mieux, à la fois, comprendre leurs attentes et les accompagner.

Fin 2022, la FFD a donc constitué le Cercle des jeunes DT1, avec pour objectif de donner davantage à entendre leur voix au sein de la fédération. Il compte vingt membres, âgés de 21 à 42 ans, dont seize femmes. Marie Terebus est l’une d’elles. Pour cette ancienne aide-soignante de 28 ans, diagnostiquée en janvier 2022, cette création a été une aubaine. « J’avais constaté, lors de mes recherches pour trouver des associations de patients, que celles-ci s’adressaient soit aux jeunes patients diabétiques de type 1, soit aux patients âgés, majoritairement de type2 », témoigne-t-elle. S’il n’est pas question d’opposer diabète de type 2 (qui touche effectivement plutôt les plus de 50 ans) et diabète insulino-dépendant, force est d’admettre que les projecteurs sont plus souvent braqués sur la première forme de la pathologie que la seconde. Or, on aurait tort d’en déduire que le diabète de type 1 est plus facile à accepter et gérer. A cet égard, les résultats de l’étude « Quelles problématiques rencontrent les jeunes adultes DT1 au quotidien ? », présentés ce 14 novembre, lors du colloque de la FFD, sont éclairants.

Métiers, permis : un manque de connaissances

Coconstruit avec le Cercle des jeunes DT1, le questionnaire aborde six thématiques : études, vie professionnelle, permis de conduire, assurance emprunteur, accès aux dispositifs médicaux et santé mentale. La FFD misait sur 500 réponses, il y en a eu 706, dont des participants récemment diagnostiqués. En guise de point de départ, cette appréciation globale de Coline Hehn, psychologue de la santé au sein du Diabète LAB, en charge de la production d’informations sur le quotidien des patients, et qui a participé à l’édification de l’enquête : « Il n’y a pas un secteur qui ne soit pas impacté ». A des degrés divers, évidemment, mais bien souvent, les chiffres obtenus ne surprennent pas vraiment. Sur le marché de l’emploi, par exemple, près d’1 personne sur 10 s’est déjà vu refuser une embauche à cause de sa maladie et 1 personne sur 5 a dû réorienter ses choix de carrière pour la même raison. Clairement, le diabète est un facteur discriminant. « Les recruteurs redoutent que le salarié insulino-dépendant fasse un malaise sur son lieu de travail, déplore Léonie Gerbier. Le service juridique de la FFD s’en fait l’écho chaque jour. Ces scores corroborent les données que l’on présente aux pouvoirs publics dans notre plaidoyer en faveur d’une révision de la liste des métiers interdits. » On en recense une quinzaine dans l’armée, la police ou encore les transports. « Je trouve choquant d’être obligé de changer de filière ou de se voir refuser l’accès à certaines écoles, au prétexte que l’on est diabétique. Le sport de haut niveau et le diabète sont parfaitement conciliables, par exemple », réagit Marie Terebus. Et ces renoncements qui surviennent souvent, chez des jeunes adultes, pendant la formation ou au début d’un emploi, peuvent fragiliser psychologiquement. « Devoir renoncer au métier de ses rêves ou changer de voie peut avoir un impact sur l’estime de soi et questionner sur son identité : suis-je plus que ma maladie ? », énonce Coline Hehn.

Il y a en tout cas un manque d’information. Qu’elle soit partiellement donnée par les professionnels de santé et/ou inaccessible à quelques patients, toujours est-il que 70 % des répondants déclarent méconnaître la législation sur l’accès à certaines professions. C’est un peu mieux pour ce qui est de la réglementation qui impose aux personnes diabétiques une visite médicale chez un médecin agréé auprès de la préfecture, avec tout de même 55 % de sondés qui l’ignorent. Sans certificat d’aptitude, l’assurance ne couvrira pas les frais en cas d’accident en lien avec la pathologie. Mais là encore, c’est souvent un parcours du combattant raconte Marie Terebus : « Ni ma diabétologue, ni l’auto-école à laquelle je me suis adressée, ni la préfecture que j’ai contactée n’ont su me renseigner. Et quand j’ai trouvé le médecin agréé, il ne connaissait rien au diabète ».

Impact considérable sur la santé mentale

Aujourd’hui, grâce aux nouvelles technologies, le diabète est mieux contrôlé – ce qui se traduit par une meilleure maîtrise des risques de complications cardiaques, rétiniennes, rénales, etc. – et une qualité de vie du patient améliorée. La plupart des répondants à l’étude de la FFD saluent ces avancées, la quasi-totalité d’entre eux affirmant être satisfaits de leurs dispositifs médicaux (DM). Cette bonne note cache toutefois un bémol : 1 personne sur 2 souhaiterait en effet avoir accès à d’autres dispositifs que ceux dont ils sont équipés. En l’occurrence aux plus performants, à l’instar des boucles fermées hybrides. Si ces dispositifs ne se passent pas complètement de l’intervention du patient, ils sont toutefois suffisamment autonomes (pompes à insuline et capteurs sont couplés) pour alléger le quotidien des malades. « Ces dispositifs sont prescrits par les diabétologues aux personnes qui ont une hémoglobine glyquée supérieure à 8 %, signe d’un diabète déséquilibré, décode la responsable des affaires publiques à la FFD. Nous demandons que ce critère médical, qui n’intègre pas le confort du patient, soit abaissé à 6,5 %. » De nombreux patients prennent le risque de déséquilibrer volontairement leur diabète pour pouvoir être éligibles à ces dispositifs. Marie Terebus ne souhaite pas changer de pompe à insuline, elle lui convient. En revanche, elle aimerait bénéficier d’améliorations. « J’aimerais que ma pompe puisse être connectée à mon smartphone, cela me serait très utile pour injecter l’insuline. Cela se fait sur d’autres pompes. Les industriels qui fabriquent ces dispositifs devraient davantage soumettre leurs idées aux personnes qui vivent avec la maladie », estime-t-elle.

Au final, toutes ces difficultés entraînent un retentissement psychologique extrêmement lourd chez les jeunes adultes DT1. C’est probablement le constat le plus impressionnant du questionnaire, puisque 77,3 % des participants rapportent un impact négatif du diabète sur leur santé mentale. Impact qui va des troubles anxieux à la dépression, en passant par les troubles du comportement alimentaire (TCA). Un quart des répondants a bénéficié d’un accompagnement psychologique et 30 % auraient aimé pouvoir avoir un suivi. Outre l’acceptation de la maladie, qui se déclare, pour ce qui est du diabète de type 1, très tôt, il faut composer avec les contraintes et bien sûr le regard des autres. « La personne doit vivre constamment avec les dispositifs médicaux sur ou avec elle, développe Coline Hehn. Ils deviennent une partie d’elle et elle doit accepter cette cohabitation. Forcément, cela induit des comparaisons avec ses congénères : pourquoi, moi, finalement. » En cela, l’expérience-patient doit être davantage prise en compte. « Il faut dépasser le factuel, c’est-à-dire les arguments qui se rapportent au médical et à l’économie de la santé », souligne Léonie Gerbier. Le mot de la fin à Coline Hehn : « Pour plaider en faveur des personnes diabétiques, il faut s’inscrire dans un modèle biopsychosocial, qui considère le patient dans sa globalité ». Car, et cela n’étonnera personne, mais ça ne doit pas empêcher de le répéter, les jeunes adultes DT1 qui rencontrent le plus de difficultés sont issus des catégories socio-économiques les moins élevées, avec ce que cela signifie en termes d’isolement, y compris géographique.

En savoir plus

www.federationdesdiabetiques.org

« Vivre ses premières hypoglycémies, ses premières piqûres…c’est violent »

Marie Terebus, 28 ans, diagnostiquée il y a bientôt deux ans et membre du « Cercle Jeunes Adultes DT1 ».

« J’ai été diagnostiquée en janvier 2022, à la suite d’une crise d’acidocétose qui m’a valu d’être hospitalisée durant une semaine. Mais je le savais avant, sauf que je ne voulais pas l’admettre. Le diagnostic, c’est le couperet : je ne pouvais plus fuir la réalité. Je sortirais de l’hôpital avec un cadeau empoisonné. Très vite, j’ai eu besoin de me rapprocher de personnes qui vivaient la même chose que moi, pour légitimer mes pensées, mes émotions. Pour savoir aussi, sans doute, ce qu’il en serait de mon avenir. Vivre ses premières hypoglycémies, ses premières piqûres, etc., c’est violent. C’était important de pouvoir en parler à quelqu’un qui me comprenne, qu’il n’y ait pas forcément besoin de beaucoup de mots. En outre, il ne fallait pas que ce diabète devienne mon ennemi. Il fallait au contraire que j’en fasse un allié, un peu encombrant certes, mais un allié quand même. Je considérais que c’était la meilleure manière, pour moi, de faire comme s’il n’existait pas. Je mène une vie à peu près normale, j’adhère au traitement, mais la charge mentale est importante. Je ne peux plus partir sur un coup de tête, quand je voyage, je dois prendre un bagage de plus, et quand ma pompe à insuline me réveille à 3 heures du matin, elle se moque bien de savoir qu’elle sonne en pleine nuit ! Et puis, je suis tributaire de la disponibilité du traitement. Sans insuline, mon espérance de vie s’effondre.

Ce type de maladie change beaucoup de choses. J’ai perdu des gens que je considérais comme des amis. Dès que j’étais invitée à un repas, on me servait un bol de concombres, tout en me faisant la leçon, ou alors on me faisait remarquer que j’avais beaucoup changé depuis que j’étais malade. C’est tout le problème des maladies invisibles. On me disait, par exemple, que ce n’était que du diabète et qu’en 2023, on pouvait bien vivre avec. Et le diabète est de surcroît une maladie qui véhicule encore pas mal de clichés, notamment sur l’alimentation. Elle est très rapidement assimilée à quelque chose de culpabilisant. J’avais déjà été suivie par une psychologue au moment de ma reconversion professionnelle. Je l’ai recontactée, car j’avais besoin de crier toute l’injustice que je ressentais. Cette personne, extérieure, est essentielle. Ma famille stressait déjà suffisamment pour moi, sans que je les accable en plus avec mon mal-être. En tout cas, mes différentes rencontres avec d’autres personnes atteintes d’un diabète de type 1 m’ont appris au moins deux choses : que je ne suis pas seule et qu’on peut construire une vie, avec des enfants, etc. Et j’espère que ce questionnaire Jeunes adultes TD1 qui dresse un état des lieux global de nos problématiques en cette fin 2023 sera la première pierre qui permettra de faire évoluer la législation et les mentalités. »

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