Une laryngectomie est une intervention chirurgicale qui consiste à retirer partiellement ou totalement le larynx et qui survient presque systématiquement suite à un cancer de cet organe. Nous avons choisi d’en parler dans le cadre de la 8ème édition du défi collectif national de « Mois sans tabac », qui court tout ce mois de novembre 2023, puisque le tabagisme est le principal facteur de risque du cancer du larynx. Notons que l’alcool augmente également significativement le risque de développer un tel cancer.
Une laryngectomie totale est une lourde opération qui entraîne plusieurs séquelles graves et prive notamment les patients de la parole, puisque le larynx contient les cordes vocales. Heureusement, il existe des techniques pour réapprendre à parler après une telle intervention. Précisons que Santé publique France faisait état en 2018 de 2 753 de cas de cancers du larynx chez les hommes et de 407 chez les femmes. Les femmes, dont la consommation de tabac augmente ces dernières années, sont cependant de plus en plus touchées par les cancers de la zone ORL (bouche, larynx, pharynx, etc.), qui représentent près de 20% des cancers en France.
C’est ainsi l’occasion de faire le point avec l’Union des associations françaises de laryngectomisés et mutilés de la voix (UAFLMV), membre de France Assos Santé, créée en 1960 et qui compte environ 1300 adhérents au travers de ses diverses associations régionales.
Le larynx est un « conduit » qui se situe dans la gorge, au carrefour entre la trachée (par laquelle l’air atteint les poumons) et l’œsophage (par lequel passent les aliments). Il a 3 fonctions qu’il faudra donc maintenir après son ablation :
- Le larynx permet le passage de l’air dans les bronches et les poumons. Au cours de son ablation, le chirurgien va condamner le passage de l’air depuis la bouche vers la trachée et pour permettre aux patients de respirer, il effectue dans le même temps une « trachéostomie », c’est-à-dire qu’il créé un orifice à la base du cou (le trachéostome), vers lequel est déviée la trachée, ce qui permettra ainsi à l’air d’entrer dans les poumons après l’opération ;
- Le larynx intervient dans l’aiguillage du passage de l’air vers les poumons et des aliments vers l’œsophage au travers de la déglutition. Après l’ablation du larynx, comme la trachée sera « séparée » de l’œsophage, les aliments continueront de passer naturellement dans l’œsophage, sans risque de « fausse route ». Mis à part les premiers jours qui suivent l’opération, où il faut prévoir une période de cicatrisation, les patients pourront progressivement s’alimenter comme avant ;
- Puisqu’il contient les cordes vocales, le larynx intervient dans la production des sons qui servent à la parole. A leur réveil de l’opération, les laryngectomisés ne peuvent donc plus parler. Il faudra prévoir la pose d’un implant ou de passer par une longue phase de rééducation afin d’apprendre à utiliser une nouvelle technique pour parler à nouveau.
Réapprendre à parler après une laryngectomie
L’air expulsé de nos poumons fait vibrer les cordes vocales contenues dans le larynx, ce qui produit les sons qui servent à la parole. Après une ablation totale du larynx, les patients ne peuvent donc plus parler comme avant. Après l’hospitalisation, la cicatrisation, la reprise d’une alimentation normale, etc., les patients laryngectomisés vont cependant pouvoir réapprendre à parler grâce à deux techniques possibles :
- Celle de la « voix oro-œsophagienne », qu’on appelle plus couramment « voix œsophagienne » et qui est une voix naturelle que l’on apprend avec un orthophoniste spécialisé. Idéalement, il s’agit de le consulter 3 fois par semaine. Le principe de la voix œsophagienne est de prendre de l’air par la bouche, de « l’avaler », de le faire descendre un peu dans l’œsophage puis de le faire ressortir en « éructant ». Ce petit filet d’air crée ainsi des vibrations au niveau du haut de l’œsophage, qui remplacent les vibrations des cordes vocales et vont permettre de parler à nouveau, après, en moyenne, 6 mois d’apprentissage. « Je pense qu’environ 70% des laryngectomisés parviennent à maîtriser ce type de voix. Dans mon cas, malgré plusieurs mois d’entrainement, je n’y suis pas parvenu. Je n’arrivais pas à sortir la moindre syllabe. J’ai alors opté pour la seconde technique proposée par le chirurgien.», explique Philippe Rabeux, lui-même laryngectomisé et bénévole de l’association d’Ile-de-France. Il précise que les autres patients laryngectomisés qu’il côtoie et qui maîtrisent cette technique de la voix œsophagienne ont souvent une voix moins puissante et qu’elle nécessite plus d’efforts pour parler par rapport à la seconde technique.
- Celle de la « voix trachéo-œsophagienne », qui nécessite alors la pose d’un implant placé entre la trachée et l’œsophage. C’est alors, comme avant, l’air des poumons qui génère les vibrations à l’origine des sons, mais pour ce faire, il faut cependant boucher systématiquement l’orifice créé au niveau du cou lors de la trachéostomie, en appuyant dessus, afin que l’air puisse passer par l’implant de la trachée vers l’œsophage. L’air remontant ainsi vers le haut de l’œsophage permet à cette partie de vibrer, comme dans le cas de la voix œsophagienne. Cette technique induit une nouvelle intervention chirurgicale pour la pose de l’implant, sauf quand l’implant a directement été posé lors de la laryngectomie. L’avantage de cette voix est qu’il n’y a en général aucun apprentissage à prévoir et que l’on peut parler quasiment tout de suite après l’opération. Il faut juste un peu de temps pour se familiariser avec le procédé. L’implant a cependant des inconvénients : outre qu’il faut appuyer systématiquement à la base du cou pour parler (il existe des systèmes pour contourner cet aspect, mais qui ne fonctionnent pas pour tous les patients selon Philippe Rabeux), il faut surtout changer l’implant en moyenne tous les 6 mois, au cours d’une consultation à l’Hôpital, qui ne requiert cependant pas d’intervention chirurgicale.
À quand le remboursement d’implants adaptés aux fuites trop fréquentes
Certains patients, comme c’était le cas de Philippe Rabeux, doivent changer leur implant tous les mois, ce qui est assez contraignant, d’autant plus que les patients s’en rendent compte car l’implant devenant défectueux laisse alors légèrement passer les liquides absorbés dans la trachée, ce qui provoque des toux pénibles et peut évidemment abîmer les poumons. Il existe cependant des modèles d’implant adaptés à cette problématique, pour lesquels Philippe Rabeux a opté, mais qui ne sont pas remboursés par l’Assurance Maladie et qui coûtent 2200€ (contre 220€ pour les implants remboursés). Philippe ajoute qu’il a gardé ce type d’implant spécifique 3 ans pour le premier, 2 ans pour le deuxième, et que cela fait déjà 1 an qu’il porte le 3ème. La prise en charge de ces implants spécifiques, « amortis » au bout de 10 mois, pourrait à la fois permettre de diminuer le coût des remboursements d’implants « classiques » des patients devant changer leurs implants trop fréquemment, tout en leur apportant un vrai bénéfice en termes de de santé et de qualité de vie.
Philippe Rabeux expose les missions et les combats des associations régionales et de l’Union des laryngectomisés et mutilés de la voix :
« Nous soutenons les malades et leur entourage au travers des associations régionales, grâce à nos bénévoles, anciens patients eux-mêmes, qui témoignent que la vie continue après une laryngectomie malgré les grands bouleversements qu’elle entraîne. Nous voyons les personnes soit avant leur opération, soit après celle-ci à l’Hôpital. Nous leur remettons de la documentation ainsi qu’une ardoise pour leur permettre de s’exprimer après l’intervention. Lorsque l’annonce de l’ablation a lieu quelques jours avant l’intervention, les patients ont peu de temps pour s’y préparer. Parfois, il faut même opérer en urgence. Heureusement, les progrès des traitements ces dernières années, notamment avec la chimiothérapie, la radiothérapie et les nouvelles techniques de chirurgie, permettent de préserver de plus en plus les organes touchés et d’éviter les laryngectomies totales.
Par ailleurs, certaines associations régionales sont engagées dans la prévention contre le tabagisme, premier facteur de risque du cancer du larynx. Elles interviennent, par exemple, en milieu scolaire, mais aussi dans les écoles d’infirmiers(ières), dans divers salons, etc., pour témoigner des conséquences de la laryngectomie.
L’Union, pour sa part, gère plutôt les relations avec les institutions pour faire reconnaître les droits des laryngectomisés. Dans l’ensemble, la prise en charge des traitements dans le cadre d’une laryngectomie est bien organisée et bien couverte. Cependant les patients sont encore trop souvent livrés à eux-mêmes en sortant de l’hôpital. Le suivi avec les professionnels de santé en ville mérite d’être vraiment amélioré. On a, par exemple, déjà vu arriver à l’association des patients laryngectomisés qui ne portaient pas de filtre protecteur au niveau de leur trachéostome. Ils savaient à peine que cela existait. A propos de ces filtres, nous organisons des actions pour que soient remboursés les plus protecteurs d’entre eux, qui ont été bien remboursés pendant la crise de la COVID et sont désormais limités à 3 boîtes de 30 filtres par an alors qu’il faudrait le changer tous les jours et que la COVID est loin d’être derrière nous. Concluons en précisant que nos associations et l’Union sont un peu en péril en raison des baisses des subventions cette année, alors même que personne ne remet en question l’utilité de nos actions… ».
Pour contacter l’Union des associations françaises de laryngectomisés et mutilés de la voix (UAFLMV): info@mutiles-voix.com ou uaflmv@orange.fr
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