Un nouvel antimigraineux : au prix fort pour les patients !

Depuis le 10 octobre, un nouveau médicament, le Vydura, est disponible dans le traitement des crises de migraine. Une bonne nouvelle pour tous les patients réfractaires ou intolérants aux AINS et/ou aux triptans, à ceci près que pour en bénéficier, ceux-ci devront mettre la main à la poche. A plus de 25 euros le comprimé, coté associations de patients et spécialistes de cette maladie, le cachet passe mal. D’autant plus mal que ça n’a rien d’exceptionnel. L’absence de remboursement est même une exception française.

L’arrivée du Vydura 75 mg (rimégépant) aurait dû constituer une excellente nouvelle. Outre que ce médicament, issu d’une nouvelle classe d’anti-migraineux appelée les gépants, fait la démonstration que la recherche progresse, il comble un besoin. Grâce à cette molécule, la vie des patients qui présentent des crises de migraine sévères non soulagées par les traitements recommandés, à savoir les anti-inflammatoires non stéroïdiens (ibuprofène, kétoprofène…) et les triptans, ou bien non éligibles, en raison de contre-indications digestives ou cardiovasculaires, peut enfin être soulagée. « Ce qui représente environ 10 % de l’ensemble des personnes migraineuses », estime la Pr Anne Ducros, neurologue et spécialiste des migraines et céphalées au CHU de Montpellier. Ce n’est pas tout à fait rien. Combien pourront réellement en profiter ? Là est la question.

Disponible depuis le 10 octobre, le Vydura 75 mg, qui a obtenu une autorisation de mise sur le marché dans deux indications, le traitement des crises avec ou sans aura chez les adultes, et la prophylaxie de la migraine épisodique chez l’adulte qui présente au moins 4 crises de migraine par mois, est vendu non remboursé. « La boîte de 2 comprimés est vendue environ 45 euros aux pharmaciens. Ces derniers la revendent entre 55 à 60 euros », calcule la Pr Ducros. Si le lancement de la boîte de 8 comprimés a été repoussé, ce format devrait suivre, ce qui mettra la boîte, en officine, au prix de 200 euros environ. Rappelons que ce traitement s’adresse à des personnes qui sont en proie à des migraines récurrentes et sévères.

Ça dépasse les bornes

« Les patients sont contents de voir que la recherche avance, mais au bout du compte, ils ont toujours l’impression d’être oubliés », relève Sabine Debremaeker, la présidente de La Voix des Migraineux. Un signal bien moyen alors qu’un autre médicament de la classe des gépants devrait suivre courant 2024, l’Aquipta (atogépant), prévu pour être utilisé comme traitement de fond – avec une forte attente des patients, affirme Sabine Debremaeker. Les gépants sont des antagonistes du récepteur au CGRP, le médiateur principal de la douleur migraineuse. En clair, ils le bloquent. Leur cible est donc la même que celle des anticorps anti-CGRP, disponibles depuis 2021 en France pour les patients réfractaires à tout autre traitement de fond. Mais ce qui différencie les gépants des anti-CGRP tient à leurs multiples avantages. Les gépants se prennent par voie orale, et non pas injectable, et ils sont efficaces à la fois comme traitement de crise et de fond. Pas de danger, donc, en cas de prises régulières d’un gépant prescrit contre la crise migraineuse. De manière générale, ils sont bien tolérés. Mais c’est surtout pour les femmes qui n’ont pas de contraception qu’ils constituent un mieux. « Les gépants et les anticorps anti-CGRP ne sont pas recommandées aux femmes enceintes, en raison d’un manque de connaissances précises, même si les données chez l’animal sont rassurantes. Les gépants sont éliminés complètement en une semaine, alors que les anticorps anti-CGRP restent actifs plusieurs mois, détaille le Pr Anne Ducros. Une femme qui désire un enfant pourrait donc prendre des gépants et stopper une semaine avant la conception. »

Aujourd’hui, plus de 200 gènes de prédisposition à la migraine ont été identifiés. « Depuis une dizaine d’années, on a beaucoup progressé dans la connaissance de cette maladie. Désormais, on possède des données d’imagerie sur toutes les phases de la migraine et on a des marqueurs biologiques », indique la Pr Ducros. D’où l’apparition de nouvelles molécules. Outre les gépants, un nouvel anticorps pourrait bientôt venir renforcer l’arsenal thérapeutique contre la migraine. Il s’agit de l’anticorps anti-PACAP, un autre neuropeptide que le CGRP. Les essais de phase 2 ont donné de bons résultats. Si la phase 3 les confirme, cet anticorps anti-PACAP pourrait être commercialisé d’ici à deux ou trois ans. Se posera alors à nouveau la question de son prix. « Rimégépant ou anti-CGRP, pour tous les nouveaux traitements de la migraine, le patient doit payer de sa poche, dénonce la spécialiste. En ce qui concerne le traitement de fond de la migraine, les deux anticorps anti-CGRP disponibles en officine, Emgality et Ajovy, coûtent respectivement 245 et 270 euros par mois. A raison d’une injection sous-cutanée par mois, cela revient à peu près à 3 000 euros par an ! Vingt-trois pays européens les remboursent, mais pas la France. Ça dépasse les bornes ! »

Une maladie qui gâche la vie

Pour comprendre cette situation, il faut remonter à l’avis rendu par la commission de la transparence de la Haute Autorité de santé (HAS) concernant ces deux traitements. Bien qu’ayant admis l’efficacité des anti-CGRP, cette dernière a tranché en faveur d’une amélioration du service médical rendu (ASMR) de niveau 5, ce qui signifie « absence de progrès thérapeutique » par rapport aux médicaments déjà disponibles. A noter qu’en dépit de cette note, la commission a reconnu l’existence d’un besoin médical non couvert, qui aurait pu, estime Sabine Debremaeker, « permettre le remboursement pour les patients en impasse thérapeutique ». Le blocage est intervenu à l’étape suivante, lors des discussions entre les industriels et le gouvernement menées au sein du Comité économique des produits de santé (CEPS), l’organisme interministériel qui fixe le prix des médicaments. Résultat, la seule option pour pouvoir bénéficier sans frais d’un traitement anti-CGRP consiste à passer par l’hôpital, qui pratique des injections en intraveineuse d’un 3e anticorps, le Vyepti, que les établissements de santé achètent avant de se faire rembourser par l’Assurance maladie. En réalité, d’importantes disparités d’accès existent d’une région à l’autre, obligeant parfois les patients à faire des centaines de kilomètres pour en bénéficier, en plus du prix de l’injection ! « Pour les patients, c’est très injuste, très inégalitaire, commente Nathalie Deparis, de l’Association Francophone pour vaincre la douleur (AFVD). De plus, cela fait peser la logistique sur les centres hospitaliers, déjà surchargés et démunis en moyens humains, notamment. »

« Il est regrettable que les progrès de la recherche ne bénéficient pas aux patients migraineux dans notre pays », s’insurge la Pr Ducros. « C’est une vraie maladie neurologique qu’on ne peut pas continuer à banaliser. Elle gâche la vie », renchérit Sabine Debremaeker. En France, 10 millions de personnes sont concernées et, selon les estimations, la migraine affecte 20 % de femmes contre 3 % d’hommes. « Si la migraine sévère était une maladie à prédominance masculine, il y a longtemps que les traitements spécifiques seraient remboursés », juge la Pr Anne Ducros.

2 commentaires

  • Francon dit :

    à quand le remboursement des gépants , un médicament efficace mais tellement cher ! mon neurologue m’a dit que j’étais la première personne à accepter de le prendre , mais bien sur quand on connait le prix !

  • so dit :

    Bonjour,
    Allergique aux anticorps anti-cgrp je réfléchis aux gepants et je cherche des retours d’expérience. Les prenez-vous en traitements de fond? Quels sont les effets secondaires? Combien coûte le traitement? Merci pour votre retour.

Laisser un commentaire public

Votre commentaire sera visible par tous. Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Logo Santé Info Droits

Êtes-vous satisfait
du site internet de
France Assos Santé ?

Donnez votre avis, en moins de 10 min !

ENQUÊTE

Non merci, je ne veux pas donner mon avis

Partager sur

Copier le lien

Copier