La Journée mondiale des rhumatismes en mode « One Health »

Focus sur les maladies rhumatismales en ce 12 octobre, date de la Journée mondiale des rhumatismes. Dans le monde, 1,3 milliard de personnes sont concernées. En France, plus de 12 millions. Le collectif Ensemble Contre les Rhumatismes (ECR), créé il y a dix ans par la Fondation Arthritis, l’Inserm et la Société Française de Rhumatologie, et qui regroupe aujourd’hui une quinzaine d’associations de patients, a placé cette nouvelle édition sous le signe du « One Health », autrement dit « Une seule santé ». De quoi parle-t-on ? Quel est le rapport avec les maladies rhumatismales et musculosquelettiques ? Décryptage avec trois des acteurs mobilisés pour cet événement annuel.  

Le concept du « One Health » n’est pas inédit. Traduit en français par « Une seule santé », il remonte à une vingtaine d’années, avec la recrudescence des maladies infectieuses, consécutive à la mondialisation des échanges. Il vise à mettre en lumière les interconnexions entre la santé humaine, la santé animale et les écosystèmes. « La récente pandémie a montré l’importance de ce concept, dans le sens où le virus du Covid est ce qu’on appelle une zoonose, c’est-à-dire une maladie qui part de l’animal pour aller vers l’homme », recontextualise le Pr Corinne Miceli, rhumatologue à l’hôpital Cochin, à Paris, et coordinatrice du podcast produit par le collectif Ensemble contre les rhumatismes (ECR) à l’occasion de cette édition 2023 de la Journée Mondiale des rhumatismes. Ce podcast en 2 volets va permettre d’éclairer le public sur cette notion et ses liens avec la thématique du jour. Et au-delà du public, les patients eux-mêmes, peu familiers avec ce concept du « One Health ».

A l’appui de ce constat, l’enquête menée par la quinzaine d’associations partenaires de ECR auprès de 715 personnes touchées par des maladies rhumatismales et musculosquelettiques, comme l’arthrose, la polyarthrite rhumatoïde, la spondyloarthrite et ses diverses formes, l’ostéoporose, les lombalgies ou encore la fibromyalgie. « Seuls 5,7 % des participants ont déclaré avoir déjà entendu parler du concept One Health, constate Françoise Alliot-Launois, présidente de l’Association française de lutte antirhumatismale (Aflar). Pourtant, la suite du questionnaire montre que les personnes interrogées établissent des liens entre l’environnement, qu’il s’agisse des polluants, de l’alcool, du stress, etc., et la survenue, puis l’évolution de leur maladie. » Avérés ou non, ces liens rapportés tempèrent, voire démentent la première réponse. « Il y a dans cette contradiction une vraie demande d’informations », estime le Pr Miceli. « Les patients sont friands de vivre différemment, de vivre mieux. Ils ont une vraie envie de comprendre. Comment ce concept peut les aider, c’est justement l’un des objectifs de cette journée de sensibilisation et d’information », complète Lionel Comole, directeur général de la Fondation Arthritis, en charge du pilotage ECR 2023, et lui-même touché par la spondyloarthrite ankylosante.

Environnement : les liaisons dangereuses

Qu’en est-il réellement de ces interactions appliquées aux maladies rhumatismales et musculosquelettiques ? Elles ont surtout à voir avec ce que l’on appelle les facteurs environnementaux. Et de ce fait, souligne le Pr Miceli, elles sont difficiles à documenter : « Si l’on considère les polluants atmosphériques, l’individu migre dans sa vie. Toutefois, l’exposition à des particules de silice serait associée à une augmentation de certaines formes de polyarthrite rhumatoïde ». Considérant toujours cette maladie auto-immune, l’impact du tabagisme sur sa survenue et sa sévérité est admis. L’arrêt du tabac est d’ailleurs recommandé dans la prise en charge de la polyarthrite rhumatoïde et de la spondyloarthrite. Il nuit à la bonne efficacité des traitements médicamenteux. Dans l’arthrose, le climat semblerait avoir une influence sur le déclenchement des poussées inflammatoires. « Elles seraient plus fréquentes dans un climat froid et humide et/ou orageux », précise Françoise Alliot-Launois.

Impossible de ne pas citer le stress et les chocs émotionnels, perçus par plus d’1 sondé sur 2 comme les principaux facteurs associés aux poussées de leur maladie. Imbattable, le stress avec 85 % des suffrages, faisant de ce phénomène à la fois commun et diffus l’ennemi n°1 des rhumatismes, du moins selon les personnes qui en souffrent. Il s’agit d’un ressenti, tempère le Pr Miceli : « Scientifiquement, rien ne permet à ce jour de l’attester, mais la majorité des patients le mentionnent ». En bonne position également, parmi les paramètres considérés comme favorisants, l’alimentation et la sédentarité. A juste titre, même si, rappelle la rhumatologue, « le lien entre la consommation d’aliments ultra-transformés (AUT), gras, sucrés et salés, et l’apparition de rhumatismes inflammatoires n’est pas encore établi chez l’homme. Sur la souris, les AUT ont entraîné une inflammation digestive ». Il semblerait aussi que le surpoids et l’obésité soient impliqués dans la survenue de l’arthrose, et pas seulement du genou, ce qui peut paraître logique, mais également de la main, ce qui est nettement moins attendu. Et cette hypothèse vaut également pour la lombalgie, contre laquelle le mouvement est valorisé. L’activité physique adaptée est un atout majeur dans la prévention primaire, secondaire et même tertiaire des maladies rhumatismales et ostéoarticulaires. « Tous les matins, je commence par une heure de sport, en alternant course à pied un jour et exercices d’assouplissement et de renforcement musculaire le lendemain, et ainsi de suite. C’est devenu une habitude comme petit-déjeuner. Si je n’en fais pas, je sais que j’aurai mal, témoigne Lionel Comole, par ailleurs coureur automobile. Pour moi, la santé est à considérer dans sa dimension holistique. Que fait-on chaque jour pour que, globalement, notre vie soit plus fluide et agréable ? »

Déménager pour moins souffrir

L’enquête des associations partenaires de ECR apportent des réponses, parfois radicales, à cette question qui semble préoccuper la majorité des patients interrogés. Près de 9 sur 10 répondent en effet avoir adapté leur mode de vie pour gérer au mieux leur maladie. Comment ? En arrêtant de fumer (40,3 %), en mettant en place des outils pour gérer le stress, tels que le yoga, la méditation ou le tai-chi (25,4 %), en modifiant leur alimentation (16,5 %) ou carrément en déménageant pour 3,1 % des participants. Si ces chiffres confirment la plus grande vigilance vis-à-vis de l’environnement dans lequel les personnes souffrant de rhumatisme évoluent, ils confortent également cette tendance de plus en plus affirmée – encouragée aussi – à devenir acteur de sa santé. « Les mesures prises ne sont pas toujours bonnes, mais ce concept de One Health qu’ils disaient ne pas connaître, ils l’ont adopté en agissant sur les paramètres qu’ils identifient comme mauvais pour leur santé », commente le Pr Miceli. « Les maladies rhumatismales et musculosquelettiques sont des maladies chroniques, douloureuses et invalidantes. Il faut soutenir les patients dans cette démarche proactive en faveur d’une meilleure qualité de vie, en les informant sur les outils qui marchent et peuvent soulager, relève la présidente de l’association Aflar. En ce qui concerne la douleur, 70 % des patients souffrant de rhumatismes ne sont pas soulagés ou insuffisamment soulagés. » Alors que la prévalence des maladies rhumatismales ne cesse d’augmenter depuis plusieurs années, le dialogue entre patients et scientifiques doit s’amplifier, dans l’esprit du collectif ECR qui, dès sa création il y a dix ans, a voulu constituer « un unique bloc pour que les chercheurs prennent en compte les besoins et les attentes des patients et que les patients comprennent les travaux des chercheurs », rappelle le directeur général de la Fondation Arthritis, qui soutient la recherche depuis 2016.

Le « One Health » pour tous : place au podcast !

Encore trop d’idées reçues

Qu’il s’agisse de mettre en avant un concept, tel que celui du One Health, cette année, ou de braquer les projecteurs sur les avancées de la recherche, etc., chaque Journée mondiale des rhumatismes est surtout l’occasion de sensibiliser le grand public et de corriger quelques approximations persistantes. « Beaucoup de Français pensent encore que les rhumatismes ne touchent que les sujets âgés, note la Pr Corinne Miceli. Même pour les étudiants en médecine, la rhumatologie n’est pas forcément vue comme une spécialisation très dynamique, alors que tous les âges sont concernés et que, par ailleurs, de nombreux progrès ont été enregistrés ces dernières années, notamment dans le traitement des rhumatismes inflammatoires chroniques avec l’arrivée de biothérapies efficaces. » Lesquelles profitent en l’occurrence aux patients plutôt jeunes, atteints de polyarthrite rhumatoïde et de spondyloarthrite, deux maladies qui concernent au total 2 % de la population. Lionel Comole, 47 ans, a ressenti ses premières douleurs entre 7 ans et 9 ans. « Cela a d’abord pris la forme de cauchemars, la nuit. C’était tantôt des serpents qui venaient me mordre le dos, tantôt des citernes qui explosaient et ma colonne vertébrale était transpercée de débris de métal. Très souvent, je me réveillais en pleurant », raconte-t-il. Ces douleurs vont peu à peu se manifester également durant la journée, plus fortement, mais il ne sera diagnostiqué qu’à l’âge de 20 ans. Entre temps, il aura tout entendu, dont l’inoxydable « c’est dans votre tête ».

Un sous-diagnostic côté femmes

En près de trente ans, le parcours de soins s’est nettement amélioré, au fur et à mesure de l’avancée des connaissances. Pour autant, entre les premiers signes de la maladie et le diagnostic de la maladie, le temps écoulé se compte encore parfois en années. Françoise Alliot-Launois alerte tout particulièrement sur « la moins bonne attention portée aux symptômes des femmes, dont la douleur qui est un marqueur des maladies rhumatismales » : « On les envoie encore trop souvent chez un psychologue ou un psychiatre, et quand on prescrit un premier traitement, c’est un anxiolytique qu’on leur donne, et pas un antalgique ». Problème sociétal – juge la présidente de l’association Aflar – ou non, le fait est que les maladies rhumatismales sont plus présentes chez les femmes que les hommes. « Ce sont des maladies très désocialisantes, témoigne Lionel Comole. Le diagnostic et la prise en charge sont de ce point de vue deux étapes-clés. » Plaidons donc, en cette édition 2023, pour une égalité de traitement, voire une révolution des mentalités. Et, ajoute la Pr Miceli, « pour un engagement plus important des pouvoirs publics en faveur de la recherche fondamentale, aujourd’hui encore majoritairement soutenue par les firmes pharmaceutiques ».

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