« Le muscle, c’est la vie »

Du 1er au 7 juin, se tient la première Semaine du muscle. Initié par l’Institut de myologie et l’association AFM-Téléthon, cet événement entend faire la lumière sur cet organe qui représente entre 40 et 45 % de notre poids. Plus de 600 muscles nous constituent : ce n’est pas tout à fait rien. D’autant qu’ils jouent un rôle de premier plan dans la sauvegarde de notre santé, ce qu’on ignore le plus souvent. Cette semaine de sensibilisation est l’occasion d’en savoir plus. Entretien avec Serge Braun, directeur scientifique de l’AFM-Téléthon.      

Pourquoi mettre le muscle à l’affiche ?

Serge Braun – On ne s’en rend pas toujours compte, mais sans muscle, il n’y a pas de vie. Bouger, évidemment, mais aussi parler, voir, entendre – le plus petit muscle de l’organisme, l’étrier, se trouve dans l’oreille –, respirer, digérer, etc., toutes les fonctions de l’organisme sont dépendantes du muscle. L’essentiel de notre énergie, dont les 4/5e de nos réserves de sucre, est stocké dans nos muscles. L’activité musculaire génère également tout un ensemble de molécules, qu’il s’agisse d’hormones, enzymes, facteurs neurotrophiques (de croissance), substances de signalisation, etc., qui interagissent de manière positive avec les autres organes, y compris le cerveau. Le muscle est même impliqué dans notre espérance de vie, en particulier en cas de fonte musculaire conséquente.

De fait, comme tous les organes, le muscle évolue tout au long de la vie…

S.B. – Après la naissance, notre masse musculaire va être multipliée par vingt, et à partir de l’âge de 30 ans, elle va commencer à diminuer, de 3 à 4 % tous les dix ans, voire beaucoup plus, en cas de pathologie, qu’elle soit directement musculaire ou non. Vers 70 ans, l’individu a perdu environ la moitié de sa masse musculaire. Passé un certain seuil, ce phénomène physiologique, appelé la sarcopénie, peut devenir pathologique. Or il n’existe pas de discipline médicale, à l’instar de la cardiologie, la pneumologie, l’oncologie, etc., pour cette organe. La myologie, qui est la spécialité consacrée à l’étude du muscle est pourtant devenue centrale. Rappelons, par exemple, que le cœur est un muscle.

Diriez-vous que le muscle est un indicateur de notre état de santé général ?

S.B. – Absolument. Maintenir notre masse musculaire est absolument vital pour prolonger notre vie en bonne santé. Notre système immunitaire a besoin de l’activité musculaire pour bien fonctionner et nous défendre efficacement contre les micro-organismes ou les cellules tumorales qu’on fabrique chaque jour. Il faut donc tout faire pour freiner cette diminution inexorable de la masse musculaire, en prenant soin de nos muscles. Le muscle est un enjeu de santé publique majeur.

D’où la nécessité d’informer le grand public sur l’importance de cette organe…  

S.B. – Quand on parle muscle, on pense activité physique. Le lien est indiscutable, mais l’intérêt pour le muscle va bien au-delà de la seule pratique sportive. D’autres mécanismes plus fins se jouent. Avec le cerveau, le muscle est l’organe qui consomme le plus de cholestérol, ce qui se traduit par une baisse du taux de cholestérol sanguin. L’activité musculaire diminue aussi la glycémie, qui est la teneur de sucre dans le sang. Plus spectaculaire encore, elle favorise la fabrication de nouveaux neurones dans le cerveau. Il y a ainsi plein de petits secrets fondamentaux que le grand public ne connaît pas et qu’il est important d’expliquer, dès lors que le muscle contribue à l’amélioration de notre qualité de vie et la diminution des maladies, notamment chroniques.

La clé, c’est la contraction musculaire… 

S.B. – C’est en effet mécanique au départ. Mais une contraction musculaire induit en réalité plein de réactions. Nos muscles, par exemple, sont impliqués dans la régulation de notre température corporelle. Quand il fait froid, nous tremblons : ce réflexe sert à produire de la chaleur et ainsi à lutter contre le froid. Même chose avec la chair de poule qui est provoquée par de minuscules contractions musculaires sous la peau, destinées à générer de la chaleur. Et évidemment, la contraction musculaire active aussi toute une série de réactions biologiques, essentielles au fonctionnement de l’organisme.

Une Fondation de myologie doit s’ouvrir en 2027, portée par l’Institut de myologie et l’association AFM-Téléthon. Dans quel but ?

S.B. – La mission première de cette fondation sera la recherche autour du muscle dans tous ses états. L’Institut de myologie, dédié au muscle malade, est appelé à élargir son champ d’action et à s’intéresser au muscle sain, tout au long de la vie. Des passerelles sont possibles. Par exemple, les mécanismes pathologiques des myopathies, de l’ordre de plusieurs centaines et qui touchent environ 150 000 personnes en France, se retrouvent dans le processus de vieillissement du muscle, à l’instar de la sarcopénie. De même, un muscle est un organe qui ne cesse de se régénérer après une blessure, un claquage, etc., à la manière de la peau qui cicatrise. Or, dans certaines pathologies musculaires, on essaie de stimuler ces mécanismes de régénération pour les traiter et préserver ainsi la qualité de vie de la personne. Cette transversalité vaut également pour le muscle entraîné, blessé du sportif de haut niveau, que l’on soigne parfois de façon assez similaire à ce qui se pratique dans certaines myopathies. Au final, les avancées issues de la recherche peuvent être utiles pour empêcher ce phénomène physiologique de fonte musculaire, qui apparaît lors d’une immobilisation prolongée, avec l’âge, etc.

Auriez-vous un exemple pour illustrer cette transversalité ?

S.B. – Je pense à l’hormone de croissance GDF5 qui diminue avec l’âge, mais qui augmente dans la pathologie neuromusculaire par un mécanisme de compensation, dans lequel le muscle malade essaie de contrecarrer sa dégénérescence. L’administration de cette hormone pourrait, au cours du vieillissement ou d’un vol spatial, freiner la fonte musculaire, ou aider à une meilleure récupération après une longue immobilisation, due à une maladie ou une fracture, par exemple.

Ce qui n’empêche pas de miser aussi sur l’activité physique…

S.B. – Il est important de ne pas dissocier l’exercice et la recherche. Des études, par exemple, montrent que dans des maladies neuromusculaires, y compris des maladies qui touchent la moelle épinière, l’activité physique, combinée à des traitements qui s’attaquent à la cause, peut non seulement atténuer l’impact des maladies sur le quotidien, mais également potentialiser l’effet des médicaments. La recherche est une discipline en soi qu’on doit promouvoir, car on l’a trop longtemps négligée. On maîtrise l’imagerie de tous les tissus, cœur, cerveau, etc., à l’exception du muscle. Rares sont les médecins qui maîtrisent cette technique : on ne sait ni observer ni analyser le muscle avec l’IRM – et c’est justement une des spécialités de l’Institut de Myologie. Or, on en a besoin à la fois pour comprendre une pathologie et suivre les effets des traitements, de manière fine et objective. C’est aussi l’objet de cette Semaine du muscle : amener à considérer le muscle différemment afin de pouvoir initier des programmes ambitieux de recherche et d’application. Aujourd’hui, il y a plein de thérapies innovantes qui se sont développées dans le domaine des maladies neuromusculaires et qui sont appelées à s’appliquer à d’autres pathologies.

Vous pensez à la thérapie génique ?

S.B. – Entre autres, mais c’est vrai que c’est la plus parlante. La première fois qu’une thérapie génique a été administrée par voie intraveineuse, c’était en 2019, dans une maladie neuromusculaire rare, l’amyotrophie spinale infantile qui se caractérise par une faiblesse musculaire progressive. Aujourd’hui, c’est devenu un médicament et, surtout, cela a ouvert la voie à plein d’autres applications, actuellement en cours d’essais, sur le modèle de ce qui s’est passé avec les thérapies anti-sens, qui interfèrent avec notre ARN et permettent de moduler la fabrication des protéines. Avant d’être prescrites dans de nombreuses maladies, ces molécules ont d’abord été utilisées dans les myopathies.

En savoir plus

https://lemuscle.fr

Alzheimer : l’effet préventif de l’activité musculaire

Ce 4 juin prendra fin la manifestation « Bouge ton cerceau », troisième du nom. Initié par la Fondation Vaincre Alzheimer, ce défi participatif, qui a débuté le 3 avril dernier, vise à informer le public sur les bienfaits de l’activité physique sur le cerveau, notamment en prévention du déclin cognitif. Explications.

L’hypothèse d’un effet protecteur de l’activité physique n’est pas nouvelle. Nombreuses, en effet, sont les études pré-cliniques, sur des modèles expérimentaux, ou les études observationnelles, sur l’Homme, dont les conclusions tendent à montrer l’impact positif de l’exercice régulier, voire quotidien en matière de réduction du risque de développer certaines maladies neurodégénératives, comme la maladie d’Alzheimer. Ce qui reste plus opaque, c’est la compréhension des mécanismes en jeu. Or, de récents travaux ont permis de livrer des indices sur ce mystère. Plusieurs pistes se font jour, nous explique le Dr Marion Lévy, responsable Etudes et Recherche de la Fondation Vaincre Alzheimer. « Au niveau cellulaire et moléculaire, l’activité musculaire entraîne la libération de molécules appelées myokines, et d’acide lactique, si l’exercice est soutenu. Une fois dans notre cerveau, elles induisent une augmentation de neurotrophines, qui sont des facteurs essentiels au développement du système nerveux. En l’occurrence, ces protéines favorisent la formation de nouveaux neurones (neurogenèse). » Et, détail qui a son importance, cette action semble cibler l’hippocampe, la zone du cerveau en lien avec la mémoire à court terme et spatiale. « Dans la maladie d’Alzheimer, reprend le Dr Lévy, on note une diminution du volume de cet organe. La neurogenèse pourrait donc contrer cette atrophie et permettre à l’hippocampe de conserver une activité quasi normale. »

Un investissement au long cours

L’autre piste concernerait l’oxygénation du cerveau, nécessaire à son bon fonctionnement. « Avec l’âge et la maladie d’Alzheimer, il a été observé que le débit sanguin cérébral pouvait diminuer, avec pour conséquence d’entraîner une moins bonne oxygénation des tissus cérébraux, dont certaines régions impliquées dans la mémoire et les fonctions exécutives (planification, traitement de l’information, résolution des problèmes, etc.) », développe le Dr Lévy. Or, l’exercice physique contribue à augmenter ce débit sanguin cérébral. Il est donc important de l’encourager chez des patients atteints de la maladie d’Alzheimer qui peuvent avoir un risque accru de chutes, du fait des problèmes cognitifs qui altèrent le jugement ou la perception spatiale. Les personnes, qui sont à un stade léger à modéré de la maladie, ont encore des ressources qu’il convient d’entretenir, assure le Dr Lévy : « Elles peuvent tout à fait rejoindre un club de randonnée, par exemple. Les interactions sociales décuplent les gains ». Pour autant, ne pas attendre pour miser sur l’activité physique. Bouger est un investissement au long cours, en particulier en ce qui concerne la maladie d’Alzheimer. « Elle débute toujours par une phase silencieuse qui peut s’enclencher entre quinze et vingt ans avant l’apparition des premiers symptômes. Concrètement, il peut être intéressant, vers la quarantaine, de dégager un peu de temps pour pratiquer de l’exercice régulièrement, marche, vélo, natation, etc., selon nos goûts. » L’effet papillon d’une contraction musculaire vaut peut-être effectivement le coup de se mettre en mode actif !

https://bougetoncerveau.vaincrealzheimer.org

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