L’asthme : une maladie à ne pas négliger

« Ce n’est que de l’asthme », « T’en rajoutes pas un peu », « Elle est encore fatiguée », etc., l’asthme a beau être fréquent et touché 8 % des Français, il reste toujours globalement mal perçu, mal compris. Or, l’asthme est une maladie chronique dont le retentissement sur la qualité de vie n’est pas anodin. C’est précisément la thématique retenue pour la Journée Mondiale de l’asthme qui se tient ce 2 mai : « Asthme : un défi à relever au quotidien ». Et l’un de ces défis, pas des moindres, vise à vivre le mieux possible avec la maladie.   

Quand elle feuillette les albums photos, Chantal Harnois, 67 ans, ne peut s’empêcher de réaliser à quel point son asthme l’a isolée socialement. Anniversaires, soirées entre amis, fêtes de famille, etc., elle manque souvent sur les clichés pris à l’occasion de ces moments de retrouvailles et de convivialité. Derrière cette absence, une énième crise d’asthme qui l’obligeait, à la dernière minute, à se faire porter pâle. « Je ne parvenais même pas à parler, alors danser… », rapporte-t-elle. L’entourage a fini par s’habituer, mais sans forcément toujours se montrer très compréhensif ni faire preuve d’une grande curiosité à son égard. « La majorité des personnes se sentent mal à l’aise vis-à-vis de la maladie », philosophe la cofondatrice et présidente de l’Association des Asthmatiques Sévères. La réalité veut aussi que l’asthme soit, encore aujourd’hui, considéré par beaucoup comme une maladie bénigne. En forçant un peu le trait, pour nombre de Français, qui dit asthme dit Ventoline. Rien de grave, en somme. « C’est l’asthme de sac à mains », illustre Dorian Chérioux, 27 ans, vice-président de l’Association Asthme & Allergies et porte-parole des patients.

Une urgence vitale

Une ou deux bouffées et ça repart ? Trop souvent sous-estimée, cette maladie inflammatoire chronique des bronches est tout sauf banale. Elle affecte en moyenne 11 % des enfants et près de 7 % des adultes. Au total, 4 millions de personnes seraient touchées par cette pathologie, par ailleurs, en constante augmentation. Selon le livre blanc 33 Propositions pour une meilleure prise en charge de l’asthme et de l’asthme sévère, publié en novembre 2020 par un collectif de sociétés savantes et d’associations de patients asthmatiques, dont Asthme & Allergies, cette pathologie est responsable de plus de 60 000 hospitalisations par an, de 200 000 passages annuels aux urgences et de quelque 900 décès chaque année. Quant au coût pour la collectivité, il se monte à 1,5 milliards d’euros par an.

En résumé, l’asthme n’est pas à prendre à la légère. Et ça commence dès le diagnostic. A cet égard, le parcours de Chantal Harnois, diagnostiquée à 27 ans, est édifiant : « A l’époque, mon médecin traitant m’a dit qu’on ne mourait pas de cette maladie. Et comme elle évoluait de manière progressive, je me suis habituée aux picotements dans les poumons, à la toux, aux sifflements et, avec le temps, à la réduction de mes capacités respiratoires. Je faisais deux grosses crises d’asthme par mois, mais les traitements d’urgence les faisaient passer vite. Donc, je ne m’inquiétais pas spécialement ». Jusqu’au 4 juin 1993 où une nouvelle crise, couplée à une surinfection pulmonaire, a bien failli la faire passer de vie à trépas : secours, intubation et plongée dans le coma de dix jours. « Ça a été une grosse claque, reprend-elle. A partir de ce moment-là, j’ai compris qu’il fallait prendre cette maladie au sérieux. » Pour sa part, Dorian Chérioux est entré dans la maladie par le Samu centre 15. Il avait 21 ans et, derrière lui, plus de huit ans d’allergies à répétition, toux, rhumes, bronchites et de difficultés respiratoires de plus en plus marquées. « Je faisais de l’asthme sans le savoir. Et le lien entre toutes ces complications et la maladie asthmatique n’avait jamais été établi », commente-t-il.

Le défi : contrôler la maladie

Dorian Chérioux se souvient qu’à l’annonce du diagnostic, il a surtout pensé qu’il avait alors « d’autres projets que d’être asthmatique ». Que l’on soit enfant, et désireux de mener une vie normale et insouciante, ou adolescent, et peu motivé à prendre son traitement alors que la gêne a disparu, ou adulte, et confronté à des incompréhensions dans le cercle des proches ou le travail, l’asthme, à l’instar de nombre de maladies respiratoires chroniques, pâtit d’une méconnaissance et/ou d’idées reçues souvent préjudiciables. « A l’Espace du Souffle de Tours, où je collabore, on accompagne les patients dans la compréhension de l’asthme et de ses traitements, et à faire des projets avec la maladie. Moi, par exemple, je cours le semi-marathon avec un asthme sévère, alors qu’à l’annonce de la maladie, je me voyais dans mon canapé pour le reste de ma vie », témoigne Dorian Chérioux. C’est tout l’enjeu de la prise en charge : maintenir un contrôle optimal de la maladie pour prévenir le risque de crises d’asthme. « Ce contrôle doit mener à l’absence de symptômes dans l’accomplissement d’une vie sans limitation, à la normalisation de la fonction pulmonaire et à éviter la mortalité engendrée par la maladie », stipulent les auteurs du livre blanc.

On l’a dit : un asthme non soigné, ou non maîtrisé, peut mettre la vie du patient en danger. « Selon de nombreuses études, 60 % des personnes asthmatiques sont insuffisamment contrôlées, indique le Pr Gilles Garcia, pneumologue à Antony, près de Paris, et président d’Asthme & Allergies. Et toute personne asthmatique, quel que soit le degré de sévérité de son asthme, peut être confrontée à une crise anormale. » Toujours selon le livre blanc de 2020, 40 % des patients ne consultent pas un spécialiste (délais d’attente trop longs, éloignement du soin, etc.) et 75 % n’ont jamais entendu parler d’éducation thérapeutique du patient.

De l’importance du dialogue

L’ordonnance, en effet, ne fait pas tout. « La prise en charge de l’asthme est conjointe, insiste le Pr Garcia. Il doit s’agir à chaque fois d’une décision médicale partagée. Notre rôle est de conseiller et de donner toutes les informations nécessaires pour que le patient se détermine. A partir de là, on s’adapte et on maintient le suivi, à raison d’une à deux visites annuelles (mesure du souffle, etc.). Il faut surtout éviter que la personne perde le fil de sa maladie, plus encore quand elle est atteinte d’un asthme léger à modéré qui peut connaître de longues périodes de rémission. »

L’asthme est une maladie chronique, il est important d’être bien accompagné, estime Dorian Chérioux. « Au début, mon médecin pneumologue se contentait de renouveler l’ordonnance et moi d’appliquer la prescription. A un moment, j’en ai eu marre, d’autant que la cortisone entraînait des effets négatifs sur ma santé. J’ai fini par le lui dire, et il m’a accordé une heure pour m’écouter, me proposer des solutions par rapport à mes difficultés et faire en sorte d’améliorer la qualité de mon parcours de soins. Aujourd’hui, je vis bien avec un asthme sévère. » L’arrivée des biothérapies a aussi contribué à ce mieux-être, comme en atteste la présidente de l’Association des Asthmatiques sévères : « Je revis, je n’ai plus de crise, j’ai pu reprendre l’activité physique, c’est le jour et la nuit. Mais je reste consciente que la maladie est toujours là. » Quoi qu’il en soit, Chantal Harnois comme Dorian Chérioux doivent désormais penser de temps à temps à vérifier que leur Ventoline n’est pas périmée. « C’est en général le signe d’un asthme contrôlé », renchérit le Pr Garcia. Un bon signe.

En savoir plus

https://asthme-allergies.org

Liste des écoles de l’asthme : https://asthme-allergies.org/liste-officielle-ecoles-de-lasthme-france

https://asthmatiques-severes.fr

Le livre blanc de l’asthme : https://splf.fr/wp-content/uploads/2020/11/ASTHME-LIVREBLANC-nov2020.pdf

Crise d’asthme : les bons réflexes   

Toux, essoufflement, gêne respiratoire, oppression thoracique, etc., les crises surviennent quand les symptômes apparaissent. Mais leur intensité et/ou leur fréquence peuvent varier. « Il existe deux cas de figure, précise le Pr Gilles Garcia. Soit la poussée est explosive, on parle alors de crise aiguë, soit la dégradation est progressive et, dans ce cas, on parle d’exacerbation. » Il faut donc bien connaître ses symptômes pour pouvoir identifier une situation inhabituelle et réagir au plus vite : « Le plan d’action consiste en des prises du bronchodilatateur, dont la Ventoline, jusqu’à 20-30 bouffées, s’il le faut, et de la quantité de cortisone anti-inflammatoire dont la personne a besoin. En l’absence d’effet rapide, il faut appeler le Samu centre 15 et attendre l’arrivée des secours, en poursuivant les prises du traitement d’urgence, comme indiqué dans le protocole que le pneumologue vous a remis en consultation. » L’erreur à ne pas commettre est de prendre sa voiture, pour soi ou pour un proche. A ce stade, le temps est précieux.

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