Diabète : des technologies nouvelles pour un quotidien plus confortable

A l’occasion de la Journée mondiale du diabète, zoom sur la façon dont les nouvelles technologies – en particulier les boucles fermées – révolutionnent le confort des personnes atteintes de diabète de type 1.

Cent ans. C’est précisément le temps qui nous sépare de la première injection d’insuline à l’Homme. A l’époque, l’hormone sauve in extremis Leonard Thomson, un adolescent atteint de diabète, et ouvre des perspectives inespérées à tous ceux qui, comme lui, n’avaient alors aucune chance de survie. Un siècle plus tard, l’insuline constitue toujours le traitement de référence du diabète de type 1 et fait partie du quotidien des 240 000 personnes atteintes par cette maladie en France.

Des dispositifs attendus depuis longtemps

Le temps paraît loin où il leur fallait se piquer le bout du doigt six fois par jour pour recueillir une goutte de sang, mesurer leur glycémie et s’injecter une quantité bien précise d’insuline. Les nouvelles technologies ont simplifié ces tâches avec des innovations de rupture : dans un premier temps, les pompes à insuline, remboursées en 2000 ; puis, plus récemment, les capteurs de mesure du glucose en continu, pris en charge par l’Assurance maladie en 2017. Pour autant, « le diabète de type 1 reste une maladie très difficile à prendre en charge, souligne le Pr Eric Renard, responsable du service Endocrinologie-diabétologie au CHU de Montpellier. De très nombreux facteurs (alimentation, activité physiques, émotions…) influent sur la glycémie et imposent une implication importante des patients pour adapter leur insulinothérapie. » Un nouveau grand pas en avant dans la facilitation de la vie des personnes atteintes de diabète de type 1 a heureusement été fait ces deux dernières années avec le remboursement des boucles fermées hybrides.

Ces dispositifs, attendus depuis des années par ces personnes, associent un capteur chargé de mesurer le glucose en continu, une pompe destinée à délivrer l’insuline, et un algorithme d’intelligence artificielle établissant une passerelle entre les deux. Celui-ci commande la pompe en se fondant à la fois sur les données instantanées relevées par le capteur, sur la prédiction modélisée de l’action de l’insuline et sur ce qu’il a « appris » de l’évolution de la glycémie du patient sous l’effet de l’insuline au cours des jours et des semaines précédents. « Il s’agit d’une évolution très importante pour le confort du malade, note Jean-François Thébaut, porte-parole et vice-président plaidoyer de la Fédération française des diabétiques. Elle lui permet de penser un peu moins à sa pompe qui acquiert une forme d’autonomie. Schématiquement, si le capteur indique une tendance hypoglycémique, l’algorithme arrête la délivrance de l’insuline par la pompe. Et si cela ne suffit pas, il alerte le patient par un signal sonore pour qu’il procède à un « resucrage ». A l’inverse, si la glycémie augmente, l’algorithme ordonne à la pompe d’accroître la dose d’insuline administrée. Là encore, si cela reste insuffisant, le patient est averti afin qu’il vérifie le bon fonctionnement de son matériel et, le cas échéant, qu’il effectue une correction manuelle. »

Un diabète mieux contrôlé, une vie simplifiée

Les études cliniques réalisées sur ces bouclées fermées hybrides – appelées aussi boucles semi-fermées, insulinothérapie automatisée ou insulinothérapie en boucle fermée – montrent une amélioration considérable de l’efficacité de l’équilibre glycémique. « Les patients gagnent en moyenne 10 % de temps dans la cible glycémique, c’est-à-dire avec des valeurs normales de glycémie, rapporte le Pr Renard. Ils sont ainsi entre 70 % et 80 % du temps dans la norme et voient les périodes d’hypoglycémie réduites de 50 %. Parallèlement, ils profitent d’une amélioration moyenne de leur hémoglobine glyquée de 0,5 %, une baisse pouvant atteindre 1 % chez certains d’entre eux. Sur le plan médical, les conséquences de ces progrès sont majeures : le risque de complications (rétiniennes, cardiaques, rénales…) devient en effet presque nul lorsqu’on parvient à rester plus de 70 % du temps dans la cible glycémique. »

Au-delà, de ces avancées notables en matière de maîtrise de la glycémie, les boucles fermées contribuent à alléger notablement le poids de la maladie. Les patients savent qu’ils peuvent compter sur un dispositif qui évitera les déviations glycémiques dangereuses, notamment les hypoglycémies nocturnes, et qui les alertera si besoin. « Ils vivent leur maladie de façon beaucoup moins angoissante, souligne Jean-François Thébaut. Avant d’être équipés d’une boucle fermée, certains se réveillaient plusieurs fois par nuits pour se contrôler. Désormais, ils retrouvent un sommeil plus serein. » Idem pour les parents d’enfants diabétiques, eux-aussi très concernés par ces nuits hachées, pour qui le fardeau de la maladie s’est amoindri. C’est la boucle fermée hybride qui se charge aujourd’hui de contrôler la glycémie de leur enfant. « Certains parents ont même pu reprendre une activité professionnelle qu’ils avaient dû arrêter », complète le Pr Renard.

Jean-Arnaud Elissalde, patient diabétique de type 1 depuis 2005, illustre les atouts de la boucle fermée, qu’il porte depuis juin 2022. « Auparavant, la courbe de ma glycémie nocturne ressemblait à des montagnes russes. Elle était incontrôlée et incontrôlable. Désormais, sauf problème matériel (par exemple un cathéter qui se déconnecte), toutes mes nuits sont plates, ou avec de très petites variations. En outre, cette capacité qu’a la boucle fermée hybride de se passer de mon intervention me déculpabilise. Si la cible glycémique n’est pas atteinte, ce n’est plus ma faute, mais celle de l’algorithme. C’est donc à la fois mieux pour ma santé et pour mon moral. »

Un dispositif pas tout à fait autonome

Reste que ces nouveaux dispositifs, s’ils se révèlent efficaces, ne suppriment pas toute intervention du patient. « La boucle ne peut pas deviner s’il a sauté un repas ou a fait un dîner copieux, s’il a pratiqué une activité physique, etc. La boucle est dite semi-fermée car le patient doit encore renseigner manuellement certaines informations », décrit Jean-François Thébaut. De fait, le patient doit apprendre à compter les glucides qui composent son alimentation pour en informer l’algorithme. Il lui faut également penser à indiquer à l’appareil toute activité physique susceptible de faire varier sa glycémie. Autre exigence, il doit maîtriser le fonctionnement d’une pompe à insuline et être capable d’intervenir pour corriger une éventuelle défaillance matérielle. Pour réunir ces conditions, un cursus d’éducation thérapeutique dans un centre de référence est imposé à toute personne candidate au port d’un système d’insulinothérapie automatisée. Il se déroule en plusieurs séquences plus ou moins étalées dans le temps selon le savoir-faire du patient et implique l’intervention pluridisciplinaire des diabétologues, diététiciens, infirmiers, voire psychologues. Autant de professionnels qui ont auparavant dû recevoir eux-mêmes un bagage technique, spécifique aux boucles fermées, et qui ne se trouvent guère réunis que dans des grandes structures hospitalières ou de grandes cliniques.

Tous les patients ne sont pas éligibles

Se pose enfin la question des indications des différents dispositifs de boucles semi-fermées actuellement remboursés. Sur les trois modèles disponibles, deux sont réservés aux patients diabétiques de type 1 dont l’hémoglobine glyquée dépasse 8 %, excluant par conséquent tous ceux dont le diabète est correctement contrôlé. « Il s’agit de considérations financières qui n’ont rien à voir avec la science, s’emporte le Pr Renard. Ces restrictions sont incompréhensibles d’un point de vue médical, l’insulinothérapie automatisée est bénéfique pour tous les malades, quel que soit le niveau de leur hémoglobine glyquée. » Même tendance du côté de la Fédération française des diabétiques : « Exiger que les patients ne soient pas en équilibre glycémique est injuste, regrette Jean-François Thébaut. Ceux qui le sont ne peuvent profiter de la modernisation de leur dispositif. Certains patients envisagent même de se déséquilibrer volontairement pendant quelques mois pour être éligibles au remboursement. »

« Chaque technologie devrait être accessible à toutes les personnes atteintes de diabète, résume Gérard Raymond, président de France Assos Santé. Mais, au-delà de ces difficultés d’accès que l’on espère provisoires, les boucles fermées constituent un bon exemple de ce que les nouvelles technologies peuvent apporter à l’ensemble des pathologies chroniques : elles transforment la prise en charge et la relation soignants/soignés. Il convient de s’appuyer de plus en plus sur ce que peut apporter le numérique pour faire évoluer notre système de santé en offrant une meilleure prise en charge des patients et en dégageant du temps médical pour ceux qui en ont le plus besoin. »

Pancréas artificiel, une expression exagérée

Certains laudateurs des boucles fermées hybrides n’hésitent pas à les qualifier de pancréas artificiels, suggérant qu’elles se substituent à l’organe défaillant. En réalité, il s’agit d’une expression abusive. « La régulation assurée par le pancréas fonctionne à travers la production de deux hormones : le glucagon pour augmenter la glycémie, et l’insuline pour la diminuer, explique Jean-François Thébaut. Les boucles semi-fermées n’injectent que de l’insuline, pas de glucagon. » L’expression « pancréas artificiel » évoque en outre qu’il s’agit d’un dispositif implanté, ce qui n’est aujourd’hui pas le cas. Enfin, ce renvoi à l’organe sous-entend une totale autonomie de ces dispositifs, ce qui, là encore, n’est pas le cas.

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