Nitrites et Nitrates dans l’alimentation : l’urgence d’agir !

Un plan d’actions pour l’automne : c’est l’engagement pris par le gouvernement, suite à la publication, le 12 juillet dernier, du rapport de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), confirmant le lien entre l’ingestion de nitrites et/ou de nitrates ajoutés dans les charcuteries et le risque de cancer colorectal. Cette expertise conforte les associations mobilisées depuis plus de deux ans pour obtenir leur interdiction définitive. En jeu, la santé de tous les consommateurs.

Rarement un rapport a suscité pareil suspens. Les experts de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) ne l’ont pas caché, parlant, par la voix de Matthieu Schuler, directeur général délégué de l’Anses, d’une « forte attente », lors de la présentation mi-juillet du document de 300 pages, intitulé Evaluation des risques liés à la consommation de nitrates et nitrites.

Lien confirmé avec le cancer colorectal

Et en la matière, l’Anses ne laisse aucune place au doute. « Il existe un lien entre l’exposition aux nitrites et/ou les nitrates dans les charcuteries et le risque de cancer colorectal », synthétise Matthieu Schuler, confirmant ce que le Centre international de recherche contre le cancer (CIRC) déclare depuis 2015. Et le risque de développer un cancer colorectal est d’autant plus important que l’exposition à ces sels nitrités est élevée. À noter que l’Anses évoque aussi des « associations suspectées », en ce qui concerne d’autres risques de cancers (du sein, des ovaires, de l’estomac ou encore pédiatriques). Mais de nouvelles études doivent être menées pour étayer ou non cette suspicion.

Les nitrites et les nitrates sont des additifs fréquemment utilisés par la filière des producteurs de charcuteries pour garantir une meilleure conservation des viandes transformées (jambons, saucissons, etc.). Ils sont identifiables sous les appellations E249, E250, E251 et E252. Et ce n’est pas tout, alerte l’Anses : les nitrites et nitrates interagissent entre eux pour constituer des composés nitrosés, jugés eux aussi « préoccupants » en termes de cancérogénicité. Matthieu Schuler suggère donc une révision des doses journalières admissibles (DJA) actuelles, jugées « insuffisantes ».

Suppression ou baisse : deux visions opposées

Dans l’immédiat, si l’Anses s’en tient à sa neutralité habituelle, ses conclusions ont tout de même le mérite de la clarté, ce dont se félicitent les associations de défense des consommateurs et/ou patients. « Cette confirmation de la part d’une agence française indépendante justifie plus encore la nécessité de poursuivre notre action, en faveur notamment d’une suppression de ces composés dans l’alimentation », précise Amandine Courtin, responsable plaidoyer à La Ligue contre le cancer, engagée aux côtés de Foodwatch et Yuka pour presser les pouvoirs publics de prendre leurs responsabilités. Ce rapport, de ce point de vue, consolide la mobilisation citoyenne qui soutient les trois organisations, avec plus de 370 000 signatures recueillies à ce jour.

Si pour la Ligue contre le cancer, la mobilisation initiée depuis 2019, porte ses fruits, au regard des avancées enregistrées sur ce dossier, le vote le 3 février dernier de la loi relative à la consommation de produits contenant des additifs nitrés n’est toutefois qu’une pâle copie de la proposition de loi déposée fin 2021 par le député du Modem, Richard Ramos, qui prévoyait leur interdiction progressive, à compter de 2023. Au final, le texte adopté par l’Assemblée nationale se limite à une surveillance et un encadrement progressif de la consommation des additifs nitrés.

« La trajectoire permanente de réduction des nitrites, chère à la Fédération française des industriels charcutiers traiteurs (Fict), l’a emporté sur la trajectoire de suppression », résume Daniel Bideau, vice-président de l’UFC-Que Choisir, qui réclame leur interdiction. « Pendant ce temps-là, il y a de nouveaux cancers colorectaux : chaque année, 4 000 d’entre eux seraient directement liés à la consommation des additifs nitrés, renchérit Amandine Courtin. Aux Politiques, maintenant, de faire preuve de courage. » Quelle sera l’amplitude de la baisse ? Réponse avec les décrets d’application de la loi du 3 février et le plan d’actions « visant à réduire l’ajout des additifs nitrés dans les produits alimentaires », annoncé en débat au Parlement dès cet automne.

Des solutions par type de produits

Il y a, de fait, urgence à agir. « Plus de la moitié des Français dépassent les recommandations du Programme National Nutrition Santé (PNNS) de limiter sa consommation de produits de charcuterie à 150 g par semaine », rappelle Daniel Bideau. À défaut d’interdiction, l’Anses invite à prendre des mesures, selon « deux voies complémentaires », insiste Matthieu Schuler : un changement des comportements individuels et une « approche aussi basse que raisonnablement possible de l’ajout intentionnel des nitrites et nitrates dans l’alimentation ». Les réduire implique de facto une augmentation du risque microbien (salmonelle, listeria et Clostridium botulinum). Pour autant, cet argument sanitaire, aussi indiscutable soit-il, n’est pas indépassable.

« Pour le jambon cuit, la réduction des nitrites pourrait s’accompagner du raccourcissement de la date limite de consommation (DLC). Pour le jambon sec, cela supposerait un contrôle strict du taux de sel et de la température au cours des étapes de salage, de repos et d’affinage », détaille Laurent Guillier, chef de projet spécialiste de l’évaluation des risques à l’Anses. Certains industriels et artisans proposent déjà des jambons cuits sans nitrites. Mais attention aux fausses alternatives aux sels nitrés, vendues (au prix fort) comme la solution, à l’instar des bouillons de légumes. Ces produits, dits « sans nitrites ajoutés », contiennent des nitrates qui se transforment en nitrites lors de la digestion. Les nitrates sont en effet présents dans l’eau de distribution et les légumes-feuilles.

De l’inégalité dans l’assiette aux inégalités de santé

Pour Daniel Bideau, l’état de grâce dont bénéficie la filière porcine doit cesser. « Il n’y aurait pas autant besoin de ces additifs si les éleveurs misaient sur des races de porc de qualité supérieure, maîtrisaient mieux les conditions sanitaires de leurs stabulations (et des abattoirs) et respectaient le bien-être animal, explique-t-il. Tout est lié, car ces élevages hors sol favorisent aussi la pollution des nappes phréatiques ». Même partition à la Ligue contre le cancer. S’il faut améliorer l’information auprès des consommateurs, Amandine Courtin met en garde contre une tendance forte à « faire reposer la prévention sur les comportements individuels » : « Nous savons combien les facteurs socio-économiques sont déterminants en matière de prévention, de dépistage et d’accès aux soins ».

Pour éviter l’écueil d’un marché à deux vitesses, un pour les précaires et l’autre pour les plus aisés, la seule parade, c’est donc l’interdiction des composés nitrés. « En ce qui concerne les produits phytosanitaires, nous sommes depuis quarante ans sur une trajectoire de réduction, observe Daniel Bideau. Ne pas fixer un objectif précis revient à enterrer un texte de loi. » Et même cette précaution ne dispense pas de rester vigilant, qu’il s’agisse de veiller à son application ou d’éviter son dépeçage au fil du temps.

1 commentaires

  • Fag64 dit :

    Le Danemark utilise moins de nitrites et pourtant le nombre (%) de cancer colorectaux est plus élevé qu’en France . Tous les pays du monde autorisent ces conservateurs. Si on regarde autour de nous on voit que le sujet est plus complexe et qu’une interdiction ne réglera pas le problème contrairement à ce qui est dit ici. Vous ne parlez guère des risques soulignés par l’ANSES en cas d’interdiction et vos conseils aux fabricants de charcuterie relèvent du y’a qu’à – faut qu’on. Toujours plus facile de désigner un bouc émissaire surtout quand c’est un méchant industriel . Vous aviez noté aussi que les artisans ne sont pas favorables à une suppression de ces additifs. Comme disait ma grand mère : « in médio stat virtus »

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