Transports sanitaires : un casse-tête pour les usagers

Comprendre sans se tromper les arcanes des transports sanitaires relève de l’exploit tant les règles sont nombreuses et leur application souvent trop rigide. Zoom sur les principaux points de vigilance.

En théorie, comprendre le fonctionnement des transports sanitaires est simple :  la protection sociale comporte la couverture des frais de transport des personnes se trouvant dans l’obligation de se déplacer pour recevoir des soins ou subir des examens appropriés à leur état, comme l’indique en substance le Code de la Sécurité Sociale. Dans les faits, cependant, la situation est loin d’être aussi limpide. « C’est un sujet sur lequel les usagers sont souvent en manque d’informations, constate Stéphane Gobel, coordinateur de Santé Info Droits. L’enjeu est pourtant important puisqu’il concerne la prise en charge des déplacements par l’Assurance maladie. » Entre des règles parfois confuses, des cas de figure particuliers non prévus par les textes officiels et des difficultés locales liées à l’offre de transports, de nombreuses personnes se retrouvent, de fait, confrontées à des situations insolubles.

La prescription : nécessaire mais pas toujours suffisante

« Les malades ne sont pas toujours au courant des règles de prise en charge, souligne Féreuze Aziza, conseillère technique Assurance maladie à France Assos Santé. Il est complexe de savoir dans quels cas la prise en charge existera réellement. » En effet, il ne suffit pas d’un rendez-vous médical pour bénéficier automatiquement d’un transport sanitaire. Encore faut-il qu’un bon de transport ait été prescrit préalablement par un médecin. « Certains patients se posent la question de la prescription a posteriori, reprend Stéphane Gobel. Il est alors trop tard, et ces malades ne peuvent être remboursés. » En dehors des cas d’urgence, la prescription constitue donc une étape indispensable, mais pas suffisante. Car le transport en question doit encore correspondre à un des cas de figure prévus par les textes.

Et c’est là que les choses commencent à se compliquer sérieusement. « Les critères de prise en charge renvoient à un référentiel de prescription, détaille Féreuze Aziza. Certaines situations ouvrent d’office le droit à la prise en charge (hospitalisation, consultation en rapport avec un accident du travail, transports en série…), d’autres en revanche dépendent de l’état de santé ou de critères compliqués à anticiper. Par exemple, le transport sanitaire en cas d’affection de longue durée (ALD) pour une consultation à moins de 150 km est théoriquement pris en charge, mais l’usager n’y a pas droit s’il est en mesure de s’y rendre par ses propres moyens. Par exemple, les personnes atteintes de mucoviscidose, qui nécessitent des soins de kiné très réguliers peuvent se retrouver ainsi avec des frais de transport importants qui ne sont pas remboursés. »

Des situations particulières insolubles

Plus largement, le fait de souffrir d’une ALD permet la prise en charge des transports sanitaires à deux conditions :  que les soins concernés aient un rapport direct avec l’affection et que l’état de santé de l’assuré justifie le transport prescrit. Ainsi, le déplacement d’une personne atteinte d’un cancer digestif souhaitant consulter un ORL n’est pas pris en charge. Mêmes difficultés pour les personnes en situation de handicap : « Les patients en ALD ne sont pas remboursés des déplacements nécessaires pour les soins courants qui ne relèvent pas de l’affection, déplore Karine Pouchain-Grepinet, conseillère nationale santé à l’Association des Paralysées de France (APF). Quant à ceux qui ne souffrent pas d’une ALD, ils doivent assumer des frais de transports très élevés car le seul handicap ne constitue pas un motif de prise en charge. Au final, ces règles contribuent à précariser les personnes handicapées – qui n’ont généralement que peu de ressources – et à mettre leur santé en danger. »

La complexité des règles ne pose pas des difficultés qu’aux patients : le personnel soignant lui-même semble parfois perdu. Résultat, certains malades se retrouvent avec une prescription médicale qui ne correspond à aucun des cas de figure prévus réglementairement, et d’autres peuvent connaitre des difficultés à obtenir une prescription alors qu’ils y ont théoriquement droit.

Autre élément à prendre en compte, la nécessité d’obtenir un accord préalable de l’Assurance maladie pour plusieurs types de trajets, en plus de la prescription initiale. C’est notamment le cas lorsque le déplacement dépasse 150 km : « Le transport risque de ne pas être accordé s’il existe des lieux de soins plus proches », note Stéphane Gobel. Mais si ces centres de soins ne peuvent accueillir le patient par manque de place ou défaut d’expertise sur une pathologie rare, la Sécurité sociale pourra cependant refuser la prise en charge du transport vers un hôpital éloigné. « De même, il est parfois logique et pratique de se rendre dans un établissement de santé plus proche de son lieu de travail que de son domicile, comme c’est le cas avec les centres de dialyse nocturnes, illustre Féreuze Aziza. Là aussi, la demande d’accord préalable risque d’être refusée. Toutes ces complexités s’ajoutent à une situation de santé déjà précaire. » A noter, il est essentiel d’attendre la réponse de demande d’accord préalable. L’Assurance maladie a quinze jours pour y répondre. Au-delà, son silence vaut acceptation.

Un accès compliqué aux transporteurs

Parmi les principales difficultés figurent encore celles liées à un défaut d’offre. « De plus en plus d’usagers ont du mal à trouver des véhicules conventionnés, pas assez nombreux », rapporte Stéphane Gobel. Un problème qui se révèle particulièrement sensible dans les Pays de la Loire. « Deux grandes entreprises en situation de quasi-monopole se partagent le marché des transports sanitaires dans la région nantaise, explique Amandine Allaire, coordinatrice régionale Pays de la Loire à France Assos Santé. Depuis environ quatre ans, les usagers alertent les associations locales de la dégradation de la situation : les transporteurs refusent des trajets qu’ils considèrent comme peu rentables, les délais d’attente augmentent, la prise en charge des personnes en fauteuil roulant n’est pas toujours assurée… Nous avons élaboré des outils de signalement pour recenser les difficultés, un comité a été créé, qui réunit les établissements de santé, les associations et les transporteurs pour essayer de trouver des solutions. Mais, pour l’heure, rien n’évolue favorablement. Les autorités doivent agir auprès des transporteurs et clarifier leurs obligations.»

Alors que faire pour éviter les écueils de ce système ? « D’abord, bien se renseigner sur les modalités de prise en charge, conseille Féreuze Aziza., en particulier quand une entente préalable est nécessaire. Pour obtenir les informations nécessaires, ne pas hésiter à se tourner vers les juristes de Santé Info Droits (au 01 53 62 40 30), qui apportent leur expertise sur le droit de la santé à tous les usagers. » Face à un refus de prise en charge de la part de l’Assurance maladie, la première étape consiste à engager un recours amiable. Malheureusement, plus de neuf cas sur dix aboutissent à un rejet de la demande. « Les Caisses sont obligées d’appliquer strictement la réglementation et ne peuvent pas vraiment juger de l’opportunité », reprend Féreuze Aziza. Il reste alors la solution du tribunal pour espérer obtenir gain de cause. »

En Outre-mer, un accès difficile aux transports sanitaires

Les règles de prise en charge des transports sanitaires sont les mêmes en métropole que dans les Outre-mer. En Guyane, toutefois, « ce n’est pas l’Assurance maladie qui rembourse directement les déplacements, mais les établissements de santé », explique Pascale Delyon, coordinatrice régionale Guyane à France Assos Santé. Problème, de nombreux usagers sont très éloignés des centres de soins, voire habitent dans des communes non desservies par la route. Les seuls moyens de les véhiculer sont alors la pirogue ou l’avion. « De nombreuses localités se trouvent à une heure d’avion ou un jour de pirogue des hôpitaux de Cayenne ou de Saint-Laurent. Cette situation induit un coût très important dans le budget des établissements. S’ils refusent la prise en charge du transport, c’est un motif de renoncement aux soins. Il existe évidemment une obligation de prise en charge en cas d’urgence, mais le problème concerne les soins programmés, comme les suivis post-opératoires, gynécologiques…» Ces difficultés, ne sont pas propres à la seule Guyane : c’est également le cas dans les zones montagneuses de la Réunion, elles aussi peu accessibles par la route, et dans les îles détachées de la Guadeloupe.

Pour aller plus loin :

Laisser un commentaire public

Votre commentaire sera visible par tous. Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Logo Santé Info Droits

Partager sur

Copier le lien

Copier