La Maison des femmes à Saint-Denis : un modèle pour la prise en charge des femmes victimes de violences

C’est un joli jardin fleuri qui dessine les contours d’un havre de douceur au milieu du béton francilien et annonce les chaleureuses couleurs de La Maison des femmes. Cette structure de soins rattachée à l’hôpital Delafontaine à Saint-Denis en Seine-Saint-Denis, accueille, comme son nom l’indique, les femmes de la cité et de ses alentours. Toutes les femmes sont les bienvenues dans ce refuge dédié à leur santé et tout particulièrement prévu, grâce à son organisation innovante, pour accueillir les femmes victimes de violences.

A l’origine de La Maison des femmes, une gynécologue-obstétricienne expérimentée et militante : Ghada Hatem

Un refuge, c’est ainsi que sa fondatrice, Ghada Hatem, a conçu La Maison des femmes. Gynécologue-obstétricienne depuis plus de 40 ans, engagée pour la santé des femmes, la parentalité et une organisation des soins respectueuse de ses patientes et de leurs enfants, le Dr Hatem, était cheffe de service depuis 2011 à la maternité du centre hospitalier de Saint-Denis quand elle a imaginé La Maison des femmes. Elle connaît donc bien les besoins et les difficultés des femmes en général et plus particulièrement ce qui fait défaut à celles qui fréquentent l’hôpital Delafontaine. C’est ce qui l’a poussée à agir et à relever une énième fois ses manches pour lancer ce projet qui cristallise une grande partie de ses combats de médecin et de femme depuis des années.

Il a alors fallu trouver un site pour implanter La Maison, imaginer le lieu, trouver des soutiens, lever des fonds, rassembler les compétences, organiser une nouvelle façon de travailler ensemble. C’est finalement à deux pas du centre hospitalier, au cœur d’un inespéré coin de verdure, dans une petite rue calme, que sera inaugurée en 2016 La Maison des femmes. Elle sera même agrandie en 2021 pour ajouter notamment des cabinets de consultations, une plus grande salle pour les nombreuses activités, un bloc opératoire pour les avortements, une garderie pour les enfants des mamans qui viennent consulter ou participer aux activités.

Réunir en un seul endroit, l’ensemble des acteurs dédiés à la prise en charge des femmes victimes de violences

L’enjeu principal pour le Dr Hatem est de pouvoir proposer un lieu unique qui permette aux femmes victimes de violences de se sentir à la fois soignées et prises en charge à tous les niveaux du lourd parcours médical, psychologique, judiciaire qu’il leur faut affronter. Elle réunit ainsi à la même adresse, des médecins, des infirmières et aides-soignantes, des sages-femmes, des psychologues, psychiatres, pédiatres, kinésithérapeutes, ostéopathes, des chirurgiens, un sexologue, une médecin légiste, une conseillère conjugale et familiale, des avocats et juristes et des policiers. Son objectif est que, des examens aux soins, en passant par les dépôts de plainte, et la prise en charge juridique ou sociale, les femmes victimes de violences puissent trouver, réunis en un seul et même lieu, une écoute et un suivi interprofessionnels coordonnés et bienveillants. « Cette chaîne d’acteurs dédiés à la prise en charge des femmes victimes de violences existe mais elle est morcelée. En outre, bien que l’on fasse des progrès, la formation de l’ensemble des professionnels concernés est insuffisante. Les victimes ne sont souvent pas repérées, ni bien orientées. Enfin, travailler ensemble, en bonne intelligence avec les autres acteurs, permet de ne pas perdre d’informations sur chaque cas. On le sait, dans l’organisation des soins, la déperdition d’informations, du fait du manque de communication, peut-être à l’origine d’erreurs médicales. Ici c’est la même chose mais il faut envisager de travailler avec d’autres types de profession que des soignants pour améliorer la prise en charge des victimes et réduire ainsi les risques de violences et de décès. », explique le Ghada Hatem, qui en profite pour lancer un appel à Jean Castex et le sensibiliser au fait qu’un financement interministériel sur le sujet des violences faites aux femmes ne serait pas du luxe !

Petit tour d’horizon, très loin d’être exhaustif, de ce qui se passe à La Maison des femmes

Egalement fortement sensibilisée aux problèmes des mutilations sexuelles, puisqu’environ 15% des femmes qui viennent accoucher à la maternité de Delafontaine ont été excisées, Ghada Hatem a ouvert à La Maison des femmes une unité dédiée aux mutilations sexuelles féminines. En parallèle de cette activité et de l’accueil des victimes de violences, une troisième unité a pris place à La Maison des femmes pour des soins de premier recours, avec un planning familial et également la prise en charge, directement sur place, d’interruptions volontaires de grossesse (IVG). Par cette porte, les équipes de La Maison des femmes espèrent sensibiliser au mieux les femmes à prendre soin de leur santé, à connaître leurs droits, à prendre ou reprendre confiance en elles, à s’entraider pour prévenir d’éventuelles situations de violences.

Enfin, La Maison vit aussi au rythme joyeux d’activités diverses, comme le théâtre, la musique, le jardinage, la danse, les ateliers « beauté ». Autant d’approches psychocorporelles essentielles pour se réapproprier son corps, se réconcilier avec soi-même ou les autres.

La Maison des femmes se fait aussi entendre hors les murs, en proposant des formations et de l’accompagnement à destination des professionnels ainsi qu’au travers de ses interventions auprès des jeunes en milieu scolaire.

La Maison des femmes, un modèle à suivre…

En 5 ans, le projet de La Maison des femmes a fait plus que convaincre, il inspire ! Chaque jour, l’équipe reçoit des demandes de collectivités qui désirent monter un lieu sur le modèle de Saint-Denis. L’essaimage a commencé à Bordeaux avec la Maison d’Ella, à Brive-la-Gaillarde avec la Maison de Soie et à Bruxelles avec le 320 Rue Haute. D’autres à Marseille, La Pitié-Salpêtrière, Reims, Versailles/Plaisir, Rennes et Mexico suivent le mouvement, et un collectif s’est créé, qui regroupe les Maisons des femmes sur le modèle de celle de Saint-Denis.

En attendant, à Saint-Denis, les nouvelles idées ne manquent pas, comme celle d’héberger à La Maison de femmes un centre d’accueil dédié aux violences sexuelles, ouvert 24/24, pour venir en aide aux victimes de viols et d’agressions sexuelles. Toujours avec l’objectif d’améliorer la prise en charge des patientes, il s’agirait de faire sur place les prélèvements et de pouvoir les conserver pour éviter aux victimes de passer par l’étape très pénible des urgences. Le centre s’occuperait aussi d’appeler un policier pour recueillir les plaintes, et de mettre un taxi à leur disposition pour raccompagner les victimes chez elles. Elles pourraient bien sûr ensuite bénéficier d’un suivi avec les équipes soignantes de La Maison des femmes, en attendant de trouver des professionnels de santé pour prendre le relai près de chez elles. 

 

Le regard de Martine Leroy du Planning Familial

« Les structures comme celle de la Maison des femmes sont performantes pour assurer une prise en charge efficace et bienveillante des femmes victimes de violence. Le Planning Familial participe à l’organisation de Citad’elles, à Nantes, imaginée sur le même modèle avec une approche pluriprofessionnelle.

Force est de constater que certains territoires se sont bien organisés pour éviter les ruptures de parcours dans l’accueil et le suivi des femmes victimes de violence. C’est souvent du fait de la volonté combinée des municipalités ou métropoles, des délégations des droits des femmes, des agences régionales de santé, des conseils régionaux ou départementaux, des observatoires départementaux des violences etc. Malheureusement, nous le voyons à travers les retours de nos équipes sur le terrain, il y a beaucoup de territoires où la coordination entre les divers acteurs de la prise en charge des femmes victimes de violences et la formation de ces derniers, ne sont pas assurées. Il serait pertinent, même dans les villages, de former au moins une personne référente, que ce soit à la mairie, dans une maison de santé, dans une pharmacie, qui puisse recevoir et orienter ces femmes.

Je précise que tous les personnels des centres de planification (CPEF) et des espaces de vie affective, relationnelle et sexuelle (EVARS) du Planning Familial sont formés à l’écoute et au repérage des violences. Même au détour d’une simple demande de contraception, d’un test de grossesse, ces structures offrent aux personnes des espaces confidentiels, sécurisants, et non jugeant pour favoriser la parole et permettre les révélations éventuelles. Des conseillères conjugales et conseillers conjugaux sont également présents dans les centres pour des consultations. »

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