Pour nous protéger collectivement et individuellement, faisons nous vacciner contre la grippe ! C’est encore plus important cette année

La campagne de vaccination 2021/2022 contre la grippe a débuté le 22 octobre. Comme chaque année, elle a pour objectif de prévenir et de limiter les conséquences des formes graves sur les populations les plus vulnérables, notamment les personnes âgées de plus de 65 ans. Quelles sont les recommandations à suivre dans cette période où la grippe et le Covid-19 vont co-exister ? Eclairages de Jean-Pierre Thierry, conseiller médical de France Assos Santé.

Rappel sur la grippe

La grippe est une maladie virale respiratoire contagieuse pour laquelle nous disposons de vaccins depuis plus de 50 ans. Elle est dite « saisonnière » car elle se manifeste généralement tous les ans pendant les mois d’hiver, en France et dans l’hémisphère nord, avec un pic le plus souvent en février ou en mars même si certaines années elle a pu démarrer plus tôt, dès l’automne. La grippe touche au minimum 5% de la population chaque année. Comme le Covid-19, elle peut être peu symptomatique voire asymptomatique, sa contagiosité, exprimée par le « R0 » est estimé à 1,5 (pour la Covid-19, le R0 du variant delta est à 6). Les complications touchent avant tout les personnes âgées et les personnes présentant des risques particuliers. La morbi-mortalité attribuée à la grippe concerne en grande majorité des personnes âgées de plus de 75 ans, mais selon les années, des tranches de population plus jeunes peuvent être particulièrement affectées entrainant des arrêts-maladie nombreux et une tension sur les capacités hospitalières, y compris en pédiatrie. Contrairement au Covid-19, les enfants sont reconnus comme l’un des principaux vecteurs de transmission de la grippe saisonnière.

Grippe saisonnière (endémique) et pandémie : différences

Il faut distinguer la grippe « endémique », c’est-à-dire saisonnière, et les pandémies de grippes qui sont expliquées par l’apparition de variants de virus qui n’ont pas encore rencontré l’Homme et sont en général issus d’élevages porcins et aviaires : le nouveau virus va circuler et toucher progressivement l’ensemble de la planète sans caractère saisonnier particulier. En 1918-1919, les trois vagues de la grippe dite « espagnole » ont fait entre 50 et 100 millions de morts dans le monde, elle a été suivie des pandémies de la grippe asiatique (1957-1958) de la grippe de Hong-Kong (1968-1959) de la grippe « russe » (1977-1979) et, dernière en date, de la grippe « H1N1 » de 2009-2010 qui a été assez rapidement contrôlée. Contrairement à la pandémie de Covid-19 qui n’avait pas été anticipée, les scientifiques alertent régulièrement et depuis de nombreuses années sur le risque d’une pandémie grippale due à un variant particulièrement dangereux. C’est ce qui a justifié l’élaboration, relativement ancienne, de « plans pandémies » dans de nombreux pays dont la France. La grippe attendue en 2021-2022 n’est pas une pandémie mais bien une grippe saisonnière.

Les vaccins contre la grippe

Les vaccins contre la grippe sont disponibles depuis les années 50 et ont été constamment améliorés dans le temps. Le virus de la grippe mute assez souvent, et l’adaptation du vaccin, notamment pour le virus de souche A dit « H3N2 » est indispensable car il est responsable des épidémies les plus sévères. Les vaccins actuels ciblent deux sous-types des souches A et B (le H1N1 et le H3N2 de la souche A notamment et pour cette raison ils sont appelés « quadrivalents ».) La « formule » est adaptée tous les ans en fonction des données issues d’un réseau de surveillance internationale établi avec le concours de l’OMS (celui qui servira à la surveillance du SARS-Cov2). Le vaccin contre la grippe est efficace pour réduire le risque de complications et de mortalité. Il est très bien toléré mais son efficacité varie d’une année sur l’autre en fonction de plusieurs paramètres. Son efficacité est de 20% à 60% selon les années et diminue avec l’âge.
Même si le vaccin permet de diminuer les risques dans tous les cas, les plus mauvaises années, si le virus est particulièrement virulent et/ou si le vaccin est moins efficace, la grippe peut provoquer une surmortalité importante et une saturation des services d’hospitalisations et des urgences. C’était le cas pour la grippe saisonnière de 2014-2015 avec une mortalité excessive de près de 19.000 personnes et, dans une moindre mesure en 2016-2017. En France et en Europe continentale, ce sont avant tout les personnes à risque de complications qui sont vaccinées préférentiellement : les personnes âgées de 65 ans et plus ; les personnes souffrant de certaines maladies chroniques ; les femmes enceintes ; les personnes présentant une obésité avec un indice de masse corporel (IMC) supérieur ou égal à 40. La vaccination est gratuite pour ces personnes, mais toute personne peut se faire vacciner sur prescription médicale et un vaccin quadrivalent, non remboursé dans ce cas, coute environ 12€. Le vaccin contre la grippe peut être administré par un médecin, une sage-femme ou une infirmière avec une prescription médicale, et plus récemment par un pharmacien. Enfin la stratégie vaccinale française vise aussi à assurer une protection indirecte en vaccinant facultativement les professionnels de santé et du secteur médico-social. Les enfants étant l’un des principaux vecteurs de la grippe (leur rôle est bien moindre pour le Covid-19), dans certains pays anglo-saxons la vaccination des enfants est conseillée depuis de nombreuses années. Environ 45% des enfants sont vaccinés tous les ans en Grande Bretagne et aux Etats-Unis, deux des pays qui suivent les recommandations de l’OMS, les jeunes enfants étant par ailleurs considérés comme un groupe à risque de complications.

En quoi la période automne-hiver 2021-2022 est particulière

Il n’y pas eu d’épisode de grippe saisonnière dans la période automne-hiver 2020-2021. Parmi les facteurs susceptibles d’expliquer la quasi-absence d’épidémie saisonnière, l’adhésion de la population aux gestes barrières et les fermetures des écoles ont pu jouer le plus grand rôle même s’il existerait aussi une forme de compétition entre les virus ; le SARS-CoV2 étant 4 fois plus contagieux que le virus de la grippe saisonnière.

L’absence de circulation du virus grippal l’hiver dernier explique l’absence de développement d’une immunité naturelle, surtout chez les jeunes enfants dont on connait le rôle important comme vecteur de contamination.

L’épidémie saisonnière 2021-2022 est donc considérée comme potentiellement dangereuse pour plusieurs raisons :

  • Une contamination importante provocant de très nombreux cas, et donc un pic élevé comme dans les plus mauvaises années, entraîneraient des conséquences importantes en termes de surmortalité des personnes à risque et une forte augmentation des consultations, passages aux urgences, hospitalisations et arrêts de travail.
  • Il n’est pas exclu que les personnes fragiles et vulnérables, notamment celles qui n’auront pas été vaccinées complétement contre le Covid-19 (donc avec le rappel pour les personnes concernées) et contre la grippe, soient particulièrement touchées.
  • Enfin, le risque d’une double contamination par le virus de la grippe et par celui du Covid-19 n’est pas exclue avec un risque de complication multiplié.

Surtout, le contexte hospitalier est également très préoccupant compte tenu de l’état d’épuisement de certains professionnels de santé. Ainsi en janvier 2017, plus de la moitié des établissements hospitaliers avaient déclaré être en tension face à un afflux aux urgences et aux hospitalisations pour grippe saisonnière. Cette situation doit être évitée à tout prix en 2021-2022, sauf à courir le risque de revivre les pires moments de 2020 avec son lot de déprogrammations dont l’impact n’a pas encore été complétement évalué.

Il est donc important d’améliorer encore la couverture vaccinale de l’ensemble de la population éligible contre le Covid-19 (et pour les personnes concernées de recevoir une troisième dose de rappel 6 mois après la deuxième dose). Il est tout aussi important de se faire rapidement vacciner contre la grippe saisonnière afin de réduire les risques et chercher à freiner la circulation du virus de la grippe. Afin d’accélérer la couverture vaccinale de ces deux maladies, l’administration simultanée de la dose de rappel contre le Covid-19 et du vaccin antigrippal a été autorisée par la Haute Autorité de Santé.

Il est tout aussi important de chercher, par précaution, à « amortir » au maximum l’impact potentiel de l’épidémie grippale saisonnière en conservant dans l’immédiat, et sans doute pendant la période hivernale, les gestes barrières et le port du masque dans les lieux clos, notamment dans les réunions familiales pour les personnes vulnérables se retrouvant en présence de jeunes enfants.

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