polymédication personnes âgées

Polymédication des seniors : nos aînés en première ligne

C’est un problème de santé publique reconnu et bien documenté mais sans avancées majeures depuis de trop nombreuses années. A l’occasion du colloque organisé par le Collectif pour le bon usage du médicament le 22 mars 2019, 66 Millions d’Impatients publie un dossier sur l’excès de consommation de médicaments par les personnes âgées.

Cholestérol, diabète, hypertension, ostéoporose, troubles du sommeil… avec l’âge, la liste des médicaments sur l’ordonnance s’allonge. « Environ 40 % des personnes âgées de plus de 75 ans consomment dix médicaments ou plus par jour », estimait Xavier Cnockaert, responsable du pôle de gérontologie au centre hospitalier de Beauvais, à l’occasion d’une journée organisée en mars 2018 par le Collectif sur le bon usage du médicament. Selon lui, la consommation de médicaments par les seniors a doublé en vingt ans.

130 000 hospitalisations par an

Les accidents liés à la polymédication des personnes âgées occasionnent chaque année 130 000 hospitalisations et environ 10 000 décès, selon les estimations de l’Assurance maladie. Une hospitalisation sur 5 chez les seniors de plus de 80 ans est à mettre sur le compte du mauvais usage du médicament. Dans 45 à 70% des cas, ces effets indésirables seraient évitables.

L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) définit la polymédication comme « l’administration de nombreux médicaments de façon simultanée ou l’administration d’un nombre excessif de médicaments ». Psychotropes, anticholinergiques, antihypertenseurs, antidiabétiques oraux ou encore anti-thrombotiques… La liste des molécules que nos aînés ingurgitent au quotidien est longue comme un jour sans pain.

« La polymédication est habituelle chez le sujet âgé et souvent légitime, estimait déjà en 2005 la Haute Autorité de Santé. Mais elle augmente le risque iatrogénique, diminue probablement l’observance des traitements, et a un coût élevé. Mieux prescrire chez le sujet âgé est ainsi un enjeu de santé publique ».

Un public plus particulièrement touché

Les personnes âgées sont plus particulièrement exposées au risque de iatrogénie médicamenteuse. Elles sont souvent atteintes de plusieurs maladies chroniques et utilisent quotidiennement plusieurs médicaments. Cette polypathologie et cette polymédication s’accompagnent d’un risque accru de prescriptions inappropriées, d’interactions entre les médicaments et d’effets indésirables qui peuvent dans certains cas s’avérer très graves.

Les seniors sont par nature plus sensibles aux effets indésirables des médicaments du fait de leur âge. Au fil du temps, la masse musculaire diminue en même temps qu’augmente la masse graisseuse. Conséquence : l’organisme tend à moins bien évacuer certains médicaments consommés.

Fait aggravant, le foie et le rein ne traitent plus les médicaments aussi efficacement. Au fur et à mesure des prises, les produits contenus dans le médicament tendent donc à s’accumuler. Le corps contient également moins d’eau chez les seniors, ce qui participe à augmenter la concentration du médicament dans le sang et éventuellement à maximiser ses effets indésirables. Des doses bien tolérées par des jeunes patients peuvent générer des effets indésirables chez des personnes plus âgées.

La qualité des prescriptions en question

La fragilité de ce public devrait être l’objet d’une attention particulière de la part des prescripteurs. Ce n’est visiblement pas le cas. D’après une étude citée par Xavier Cnockaert, la moitié des prescriptions à l’intention des personnes de plus de 75 ans en France contiendrait des médicaments inappropriés.

« Plus de 60 % des seniors atteints de démence ont une exposition chronique (au moins trois mois dans l’année) à un psychotrope, alors que ces psychotropes ont une balance bénéfices-risques défavorable », estime ainsi le gériatre.

Les exemples de prescriptions problématiques ne manquent pas. En septembre 2017, France Assos Santé, un collectif qui regroupe 80 associations de patients et de consommateurs, publiait les résultats d’une vaste étude menée avec la revue 60 millions de consommateurs et la société Santéclair sur près de 155 000 personnes dites « polymédiquées » (prise de 7 médicaments au moins de manière chronique) âgées de 65 ans et plus.

De nombreuses situations à risque

L’étude s’est appuyée sur les données de consommation de plus de 2 600 pharmacies du 1er septembre au 30 novembre 2016. Parmi cet échantillon de seniors gavés de médicaments, la consommation atteint en moyenne 14 médicaments différents.

Ses auteurs ont défini une quarantaine de situations critiques correspondant à des associations de médicaments susceptibles de comporter des risques pour la santé du patient. Près de 90 % des seniors de l’échantillon retenu sont confrontés à au moins 3 de ces situations.

Parmi les situations les plus fréquemment observées, 62% des seniors ayant participé à l’étude ont consommé des antihypertenseurs, médicaments dont la prescription doit être assortie de règles de surveillance régulières. Pour près de 10% de ces patients les prescriptions contenaient quatre antihypertenseurs ou plus ! Ces traitements peuvent provoquer des chutes par baisse de tension.

Les prescripteurs invités à plus de parcimonie

Autre observation : plus de 6 seniors sur 10 consomment des IPP (Inhibiteurs de la pompe à protons : omeprazole, lansoprazole…), en trop grande quantité. D’après la revue médicale indépendante Prescrire, les excès de prescription de ces médicaments indiqués dans les reflux gastriques ou les ulcères gastroduodénaux chez les personnes âgées oscillent de 25 à 86 % selon les études.

« La consommation inappropriée [de ces spécialités], rappelle l’étude, peut provoquer une mauvaise absorption des nutriments, engendrer des risques accrus de diarrhées et d’atteintes pulmonaires infectieuses, des carences, des fractures, etc. »

En conclusion de leurs travaux, les auteurs de l’étude invitent les médecins à ouvrir l’œil et le bon quand vient le temps de prescrire des médicaments à des patients âgés et polymédiqués. Il convient selon eux de « réviser l’ordonnance plutôt que de la renouveler à l’identique. Cette révision doit s’effectuer dans le cadre d’une consultation dédiée ». Rien n’interdit au patient, bien au contraire, d’initier lui-même cette démarche.

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2 commentaires

  • Latassa dit :

    Madame , Monsieur,

    Maman âgée de 91 ans au moment des faits, hospitalisée à la clinique Amboise paré de Thionville pour une convalescence suite à une fracture du col du fémur, lui ont prescrit 27 comprimés par jour, elle a fait un coma hypoglycémique 0,21 chutes dans l hôpital, démence due aux médicaments des soins inappropriés, elle est transférée aux urgences pronostic vital était engagé. En 2013 elle refait une chute et là le médecin a estimé qu’elle avait eu deux ans de sursis, elle est décédée à cause d’une mauvaise prise en charge.
    Aujourd’hui je souhaiterais faire partie de votre association.
    Cordialement.

  • FAVERJON dit :

    Bonjour,

    Ma mère a été détectée Alzheimer il y a quelques années. Les médecins lui ont prescrit des psychotropes qui ont aggravé son état de santé (augmentation du stress / agressivité, douleurs musculaires et articulaires, infections urinaires …). Impossible de changer de médecin (ne veulent plus prendre de nouveau patient) et impossible de revoir le traitement médical. Elle est maintenant en Ehpad où la nouvelle infirmière cadre et le nouveau médecin coordinateur ne veulent pas prendre en compte les résultats d’analyse et les effets secondaires des médicaments ; selon eux « la maladie est fluctuante » ; ma mère va être sédatée en continu avec un neuroleptique qui provoque des chutes, pour éviter qu’elle agresse des résidents, et pour éviter des arrêts maladie des aides soignantes ; elle sera placée en unité spéciale plus fermée qu’une UVP.
    Alors qu’au départ, c’est l’anti dépresseur prescrit par la gériatre qui n’est pas adapté (sérotonine + noradrénaline) !!!

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