guide sur les droits dont peuvent se prévaloir les patientes enceintes lors des soins d'obstétrique

Violence obstétricale : la Fondation des Femmes siffle la fin de la récré

La Fondation des Femmes vient de publier un guide juridique remarquable sur les droits dont peuvent se prévaloir les patientes enceintes lors des soins qui leur sont prodiguées pendant la grossesse et l’accouchement. En creux de cette publication, la question des maltraitances obstétricales dont se plaignent un nombre grandissant de femmes.

C’est un « petit guide juridique pour connaître vos droits pendant le suivi de grossesse et l’accouchement ». On ne saurait le dire mieux. La Fondation des Femmes, une association qui milite pour que progressent les droits des femmes et le respect d’une meilleure égalité entre les sexes a publié la semaine dernière ce guide.

« Le droit à l’information, c’est quoi ? », « Le consentement, c’est quoi ? », « Concrètement, je décide de quoi ? »… En quelques questions, ce court document dresse l’inventaire des droits auxquels les femmes enceintes peuvent prétendre pendant leur grossesse et au moment de l’accouchement.

L’état du droit des patientes enceintes en questions

Avec en préambule ce rappel essentiel en provenance directe du Code de la Santé publique (Art. L-1111-4) : « Toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des explications qu’il lui fournit, les décisions concernant sa santé ». Qu’on se le dise !

« Ce guide ne s’intéresse pas aux aspects médicaux de la grossesse et de l’accouchement, explique Clara De Bort, ancienne directrice d'hôpital, spécialiste des droits des femmes et des droits des patients, qui a participé à la conception du guide de la fondation. Il a pour objet de rendre accessible au plus grand nombre des éléments de droit qu’il est essentiel que les femmes connaissent ».

On y apprend entre autres informations, qu’à tout moment la future maman peut refuser un toucher vaginal, une péridurale, un déclenchement, un décollement des membranes, la présence d’internes, d’externes, d’étudiant(e)s sages-femmes ou en soins infirmiers ou de tout acte qui la mettrait mal à l’aise, la dérangerait ou lui ferait mal.

L’obligation de recueil du consentement trop souvent ignorée

C’est le cas par exemple pour l’épisiotomie dont La Fondation des Femmes rappelle qu’elle n’a jamais démontré son bénéfice tant du point de vue de la mère que de l’enfant. Pour Clara De Bort, militante engagée de la défense des droits des patients, celui des femmes notamment, cet acte étant réalisé sur une patiente en principe en pleine conscience, le professionnel de santé est tenu de recueillir son consentement avant de le réaliser.

« Un consentement sans chantage, précise-t-elle. Les professionnels ne sont pas formés à demander ce consentement et éventuellement à recevoir un refus. Ce manque de formation peut se traduire par une demande formulée de façon à ce qu’elle soit acceptée. Ce n’est pas ça le consentement ». Le guide précise que le consentement doit être libre, c’est-à-dire donné sans aucune forme de contrainte (pression, menace ou chantage) et éclairé, c’est-à-dire donné après que la patiente a reçu toutes les informations médicales pertinentes.

« L’absence de recueil du consentement de la femme ne peut être justifiée qu’en cas d’urgence vitale ou d’impossibilité pour la femme d’exprimer sa volonté (ex : inconscience), peut-on lire dans le guide. Dans ce dernier cas, ses proches doivent être consultés ». Selon le Collectif interassociatif autour de la naissance, 85 % des épisiotomies sont pratiquées sans demande de consentement et les trois quarts des femmes qui ont eu une épisiotomie en ont souffert.

Les maltraitances obstétricales dans le viseur de la Fondation

Le recueil du consentement s’impose aussi avant de réaliser une expression abdominale, une technique qui consiste à appliquer une pression sur le fond de l’utérus afin de raccourcir la durée de l’expulsion. Technique que la Haute Autorité de Santé recommande depuis 2007 d’abandonner, considérant qu’il n’existe pas de raisons médicales justifiant cette pratique. « Si elle est malgré tout pratiquée, la Haute Autorité de Santé préconise de la justifier sur le dossier médical », rappelle la fondation.

En creux de ces recommandations, le constat de plus en plus prégnant, documenté par des témoignages de plus en plus nombreux, de pratiques médicales jugées par les patientes au mieux incongrues au pire carrément violentes.  « Ce guide s’adresse en premier lieu aux femmes, indique Clara De Bort. Mais il a aussi vocation à être lu par les équipes de soignants. On espère qu’il pourra en amener parmi elles à s’interroger sur le bien-fondé voire la légalité de certaines de leurs pratiques ».

Les soignants sont-ils prêts à une telle remise en cause ? « Ça dépend des équipes et des services. Je crois que dans bien des endroits et dans bien des têtes, on est encore dans l’idée que les intentions du soignant étant bonnes, le résultat de son intervention sera forcément bénéfique. Sauf que ça n’est pas toujours le cas d’une part. D'autre part le soignant ne peut être celui qui décide, avec son seul système de valeurs. En tout cas, ce n’est pas ainsi que fonctionne le système de santé de notre pays qui prévoit que le patient soit associé et ait son mot à dire dans les décisions qui le concernent ».

Un guide juridique à consulter et à partager sans modération

Les témoignages de maltraitances obstétricales qui fleurissent sur le web, dans les colonnes de la presse ou encore dans les bacs des librairies, le corps soignant semble encore peu disposé à les entendre, tout crispé qu’il est qu’on puisse remettre en cause ses pratiques. La preuve la plus flagrante ayant été fournie par Israël Nisand, président du Collège national des gynécologues et obstétriciens français, dans une interview diffusée en début de semaine sur France Inter (lire encadré ci-dessous).

Il faudra bien pourtant que l’ensemble des professionnels concernés écoutent la voix des patientes et se mettent enfin au boulot afin d’améliorer la qualité des soins. Le plus tôt sera le mieux. En attendant, le guide Accouchement, mes droits, mes choix de La Fondation des Femmes est disponible en téléchargement gratuit depuis son site web. N’hésitez pas à vous le procurer et à le partager, notamment auprès de vos proches qui seraient dans l’attente d’un heureux événement.

QUAND LE COLLÈGE NATIONAL DES GYNÉCOLOGUES FAIT LA SOURDE OREILLE
Interrogé sur France Inter lundi matin, Israël Nisand, président du Collège national des gynécologues et obstétriciens français, a donné un aperçu assez clair du crédit qu’il accorde à la parole des femmes qui sont de plus en plus nombreuses à dénoncer les traitements qui leur sont réservées dans l’intimité du cabinet de gynécologie obstétrique, pendant leur suivi de grossesse ou en salle d’accouchement.
Pour le gynécologue, la question des pratiques maltraitantes ou peu respectueuses des patientes se réduit exclusivement à un enjeu de moyens des maternités. « Quand vous avez une voiture qui n’a que trois roues, eh bien, vous la laissez au garage. Vous attendez d’avoir l’argent pour payer la quatrième roue. Nous demandons qu’on laisse les maternités qui roulent sur trois roues au garage car des personnels maltraités deviennent maltraitants ».
Pas un mot sur la nécessité de repenser les pratiques, réfléchir à réformer les enseignements, prendre en compte la dimension humaine des soins… Nombreuses sont les autres pistes sur lesquelles il conviendrait de réfléchir pour accompagner et faciliter le respect des patients et de leurs droits. L’intervention du Professeur Nisand laisse à penser qu’il préfère se défausser de toute une partie de la question, en victimisant la profession sous l’angle du dysfonctionnement des services par manque de moyens financiers… ce qui ne constitue pourtant pas le seul aspect de la problématique.

1 commentaires

  • Sonia dit :

    Bravo et merci infiniment pour ce guide juridique précieux. Les femmes enceintes apprécieront grandement car il est important de connaître ses droits. Les ignorer revient à en être privée. Il est important que chacune ait la possibilité d’exprimer un choix en toute connaissance de cause, librement et de manière éclairée. Alors Merci de nous éclairer afin de nous donner une plus grande liberté dans ce beau parcours vers la naissance!!

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