Politique de prévention. Cas du diabète

Améliorer les politiques de prévention : focus sur le diabète

La France est une bien mauvaise élève en termes de santé publique, de prévention et de promotion de la santé. Notre culture autour de la santé renverse le fameux proverbe « Mieux vaut prévenir que guérir » puisque les pouvoirs publics, institutions, professionnels de santé, laboratoires pharmaceutiques ou fabricants de dispositifs médicaux, et souvent patients eux-mêmes semblent davantage se concentrer sur l’approche curative des soins que préventive. Aujourd’hui, seuls 5% du budget des ARS (Agences régionales de santé) sont consacrés à la prévention et à la promotion de la santé mais de nombreux acteurs de la santé militent pour que ce budget soit réévalué à 10% au minimum.

Ce faible investissement dans la prévention explique sûrement les résultats d’une récente étude du Commonwealth Fund, menée dans 11 pays et qui montre par exemple que c’est en France que les patients entendent le moins souvent parler d’alimentation et d’activité physique lorsqu’ils consultent leur médecin.

Un prisme sur la santé qu’il est pourtant important de faire évoluer à l’heure où les maladies chroniques progressent et que l’on sait qu’un meilleur environnement et une plus grande prise en compte d’une hygiène de vie, non pas imposée mais adaptée aux situations de chacun,  peuvent très utilement trouver leur place dans la stratégie thérapeutique. Un constat particulièrement vrai pour le diabète, en particulier de « type 2 » qui est la plupart du temps corrélé à l’hygiène de vie, mais aussi de « type 1 » qui peut également être amélioré grâce à de bonnes habitudes alimentaires et une activité physique régulière. Dans les deux cas, il est essentiel de bien suivre le patient dès l’apparition de la maladie pour éviter plus tard de très graves complications (insuffisance rénale, amputations des membres inférieurs, problèmes cardiaques, cécité). La prévention est donc essentielle dans le cadre de cette pathologie.

Une priorité parfois difficile à mettre en œuvre et qui justifie donc que les patients se rassemblent pour s’organiser dans ce sens, notamment avec la finalité que l’approche de prévention puisse être adaptée aux modes de vie des personnes qu’elle vise. C’est une partie du projet Diabète LAB, une initiative portée par la Fédération Française des Diabétiques qui met les patients au cœur du processus de la prise en charge de la maladie.

C’est quoi déjà le diabète ?

Il existe différents types de diabète, celui de « type 1 » et celui de « type 2 ». Dans les deux cas, et pour différentes raisons selon les deux cas, le corps ne parvient plus à équilibrer le taux de sucre (ce que l’on appelle la glycémie) alors présent en excès dans le sang (hyperglycémie). Les traitements vont consister à faire baisser ce taux de sucre (ou taux de glucose).

  • Le diabète de type 1 concerne 6% des diabétiques. Il se déclenche souvent jeune et est lié au fait que le pancréas ne produit plus d’insuline. Il faut alors faire plusieurs injections d’insuline quotidiennes pour rétablir un bon équilibre des glucides présents dans le sang.
  • Le diabète de type 2 est donc, de très loin, le plus répandu. Il se révèle le plus souvent après 40 ans, souvent en lien avec le surpoids, l’obésité et au manque d’activité physique. Le traitement est très dépendant d’une alimentation saine et d’une activité physique régulière auxquelles sont associés des médicaments antidiabétiques oraux et/ou injectables, et parfois également des injections d’insuline comme dans le cas du type 1.

L’un des principaux problèmes dans la vie d’un diabétique, c’est que puisque les traitements ont pour but de faire baisser le taux de sucre dans le sang, il se peut qu’il le fasse parfois trop baisser, provoquant des hypoglycémies. En hypoglycémie, le malade n’a alors plus assez de sucre dans le sang et peut faire un malaise, voire tomber dans le coma. Cela peut arriver du fait que la personne diabétique a mangé au restaurant un repas dont elle n’a pas l’habitude et a donc du mal à anticiper ses besoins en insuline pour son injection, ou qu’elle a fait plus de sport que d’habitude et a dépensé plus de glucides que prévu, ou tout simplement qu’elle a subi un stress car cela peut également jouer sur la glycémie.

Mais les hyperglycémies longues et répétées sont également à surveiller, car à long terme, ce sont elles qui provoquent les principales complications du diabète (problèmes rénaux et cardiaques, cécité, amputations, etc…).

Un malade du diabète doit donc surveiller plusieurs fois par jour son bon équilibre glycémique. Pour l’aider, il a un lecteur de glycémie qui permet en quelques secondes, grâce à une goutte de sang à prendre au bout du doigt, de mesurer le taux de glucose dans le sang.

LE DIABÈTE LAB

66 Millions d’Impatients avait déjà rencontré Caroline Guillot, responsable du Diabète LAB, qui nous avait présenté ce projet dynamique (lire l’article). Le but du Diabète LAB est simple et clair, réunir des patients pour participer à des études sociologiques portant sur leur vécu, et sur différents thèmes comme les dispositifs médicaux (les lecteurs de glycémie par exemple), l’alimentation, les parcours de soins, la relation aux proches, etc. « Le Diabète LAB s’inscrit dans une démarche scientifique, avec des études qui portent sur des échantillons réfléchis, avec des problématiques de recherche définies. Dans un premier temps, on fait des études qualitatives, donc des entretiens individuels, on fait des observations en vie réelle, des ateliers de co-création. A terme l’idée est de pouvoir mettre au point des questionnaires en respectant la sécurité des données de santé », explique Caroline Guillot. Ces études permettent d’améliorer la connaissance des patients. A la suite de chaque étude, le Diabète LAB réfléchit avec les patients aux solutions à construire pour répondre aux difficultés qu’ils rencontrent dans leur quotidien et qu’ils ont mentionnées pendant les entretiens avec des sociologues du Diabète LAB. Les études peuvent aussi être portées auprès des décisionnaires pour défendre et porter la voix des patients.

Enfin l’avis des patients semble intéresser les professionnels de la santé pour avoir des retours, qu’ils n’ont pas forcément de façon spontanée dans leurs cabinets, sur les représentations et le vécu des personnes concernées. Les fabricants manifestent quant à eux leur volonté d’intégrer les attentes des malades, dès la phase de recherche et développement des futurs dispositifs médicaux. Sur ce point Caroline Guillot précise : « On voulait que les patients ne soient pas seulement sollicités une fois que le produit était fabriqué, en leur demandant s’ils en sont satisfaits, car une telle démarche correspond en fait simplement à une sorte de marketing de réassurance. Il s’agit d’obtenir un taux de satisfaction le plus élevé possible : « 80% des patients apprécient notre produit ! ».  Il n’est pas question ici de dénoncer les pratiques des acteurs de santé, mais bien d’encourager une réflexion et un nouvel élan afin que les innovations correspondent in fine aux véritables besoins des patients, à leurs modes de vie, et qu’elles les encouragent, de fait, à améliorer leur qualité de vie et leur santé ».

Au Diabète LAB, les choses semblent donc bouger favorablement autour de la voix des malades. Mais les laboratoires, les fabricants, les institutions et les pouvoirs publics qui s’assoient désormais autour de la table, l’oreille tendue vers les patients joueront-ils le jeu jusqu’au bout ? Ne sont-ils pas là pour faire bonne figure et finalement ne pas appliquer les recommandations des malades ? Caroline Guillot, qui les côtoie régulièrement, semble sincèrement croire le contraire.

Le Diabète LAB a notamment obtenu le soutien de la DGS (Direction générale de la santé) et de la CNAMts (Caisse nationale d’Assurance maladie des travailleurs salariés). Face au manque d’engagement de l’Assurance maladie dans le remboursement de certains frais de santé, notamment dans le cadre du diabète (pédicurie, parodontie notamment), on peut se demander si ces soutiens pour faire émerger la voix des patients ne sont pas un moyen de faire illusion. Sur cette question à nouveau, Caroline Guillot s’inscrit en faux et argumente : « Au contraire, je pense que le Diabète LAB a progressivement permis de changer la façon dont on interagit avec les partenaires, qu’il s’agisse des fabricants, de l’assurance maladie, des start-ups, des chercheurs, des financeurs, des institutions chargées d’évaluer la qualité et la pertinence des stratégies de santé… On alimente aussi leurs réflexions sur le rôle et la place des patients, sur l’importance de tenir compte de variables jusqu’ici insuffisamment considérées dans les décisions de remboursement : en l’occurrence la qualité de vie ».

Pour illustrer son propos, Caroline Guillot expose le cas du lecteur de glucose en continu. Ce lecteur est un capteur posé sur la peau et indique une mesure du glucose en continu. Il permet de ne pas avoir à se piquer le doigt plusieurs fois par jour pour mesurer son taux de sucre dans le sang. En outre, comme il lit le taux de sucre en continu, il permet notamment d’anticiper les hypoglycémies qui gâchent le quotidien des malades puisqu’elles provoquent la plupart du temps des malaises plus ou moins sévères. Malheureusement, ce lecteur en continu n’est pour l’instant pas remboursé par l’Assurance maladie, alors qu’il améliore considérablement la vie des patients, leur quotidien. Armés de meilleurs outils de surveillance de leur diabète, ils prennent confiance, peuvent s’intégrer plus facilement dans la vie sociale, et ont davantage envie de se soigner. Caroline Guillot ajoute que : « Les études du Diabète LAB permettent de compléter les études cliniques qui montrent que ce dispositif améliore l’équilibre glycémique car de notre côté nous montrons comment cela améliore la qualité de vie des patients. On a déposé notre étude sur le lecteur de glucose en continu à la HAS (Haute Autorité de Santé) pour alimenter les réflexions sur les conditions de remboursement de ce dispositif. L’étude a a apporté sa pierre essentielle à l’édifice, mais il est certain qu’il ne faut plus maintenant que les discussions tournent en rond et s’éternisent car les patients attendent des actions rapides désormais. En tout cas, sans étude du Diabète Lab nous manquerions incontestablement d’arguments, et donc d’armes d’une certaine façon, pour continuer le combat dans ce sens ».

 

PAROLES DE PATIENTS

  • Laurent, DiabètActeur au Diabète LAB

J’ai participé à plusieurs ateliers du Diabète LAB en tant que patient. J’y ai rencontré d’autres malades, qui n’ont pas forcément le même type de diabète que moi mais qui se heurtent parfois à des problèmes similaires. Par exemple, je suis utilisateur d’un capteur de glycémie en continu, et j’ai été étonné de me rendre compte que certains patients que j’ai rencontrés ne l’utilisent que ponctuellement car c’est trop cher et non remboursé par l’Assurance maladie. Pour ma part, le lecteur de glucose en continu m’a permis de retrouver un meilleur équilibre glycémique. Mes résultats sanguins sont à nouveau repassés à un niveau acceptable. C’est un dispositif qui retire de grosses contraintes dans la longue vie d’un diabétique. On peut vivre quasiment normalement avec ce capteur mais cela me coûte pour l’instant, sans aucun remboursement, 120€ minimum par mois.

Le Diabète LAB permet aux malades de s’exprimer dans un contexte où l’on en a peu l’occasion. Toutes les personnes diabétiques avec qui j’ai discuté ont le sentiment, comme moi, que les médecins ou le personnel en milieu hospitalier aujourd’hui n’ont pas le temps de nous écouter et de s’occuper de nous. Le fait de se regrouper, c’est aussi un moyen de faire entendre notre ressenti. Je suis assez agacé, à vrai dire, par l’attitude de donneur de leçon du monde médical, d’autant que j’ai reçu parfois des conseils tout à fait inadaptés à mon mode de vie ou à ma réalité en tant que patient. Je dois dire que je n’ai pas l’impression d’être correctement pris en charge dans le suivi de mon diabète. En France on nous parle rarement des futures complications. On en parle quand elles arrivent, pas avant, donc on ne cherche pas spécialement à les prévenir. Et en général, c’est le patient lui-même qui se rend compte qu’il y a un problème et décide alors d’aller consulter. On n’est même pas relancé sur nos examens de routine pour voir si notre taux de sucre dans le sang est bien équilibré ou si nos reins, nos yeux, notre cœur fonctionnent bien. Moi je suis suivi à l’hôpital à Paris, et non seulement je n’ai aucune relance sur mon suivi médical, mais depuis quelques mois, je n’arrive même plus à joindre mon diabétologue pour avoir un rendez-vous alors que j’ai appelé une vingtaine de fois. Cette année je suis allé voir mon généraliste pour renouveler mes ordonnances. Dans un tel contexte, il n’y a pas la moindre prévention alors que je suis malade chronique reconnu par l’Assurance maladie en ALD (Affection longue durée).

J’ai apprécié également de participer aux ateliers du Diabète LAB sur les représentations et les pratiques alimentaires. On a travaillé notamment sur les informations nutritionnelles des produits, notamment sur les glucides cachés dans les produits transformés. Il semble sur ce point malheureusement que les politiques passent plus de temps à discuter avec les industriels de l’agro-alimentaire qu’avec les associations de patients.

Sur la question de la prévention autour du diabète, je vais relativiser mes propos en précisant quand même qu’en France, on a beaucoup de chance car la prise en charge des frais de santé d’une personne diabétique est très efficace. Cependant il reste plein de progrès à faire, comme au sujet du remboursement du lecteur de glucose en continu. Il faut convaincre les pouvoirs publics qu’il ne s’agit pas de rembourser un appareil plus cher que les lecteurs de glycémie classique juste pour améliorer notre confort, car cet appareil facilite réellement la bonne gestion de notre équilibre glycémique et nous permet d’éviter à terme de graves complications.

Je suis également très impliqué sur les questions d’intégration des malades du diabète dans le monde du travail car il y a encore des métiers qui nous sont interdits. J’avais participé à la campagne « Je fais un vœu » mise en place par la Fédération Française des Diabétiques sur le sujet de l’intégration professionnelle. Rappelons que lorsque l’on est diabétique, on n’a pas le droit par exemple d’être ingénieur des Mines, marin, policier, pilote, hôtesse de l’air, contrôleur de la SNCF ou de la sécurité sociale, pompier, etc… Nous nous sommes rendu compte durant cette campagne, en rencontrant notamment des députés, que les élus n’étaient pas du tout au courant de ces aspects et de nos difficultés d’intégration professionnelle. En outre, il n’est pas rare que sur le lieu de travail, les employeurs demandent aux diabétiques de « cacher » leur maladie.

Force est de constater que même dans le milieu médical, le diabète n’est pas forcément bien connu. A la médecine du travail j’ai entendu des aberrations. Une fois un médecin m’a dit que si je mangeais correctement, je n’aurais plus besoin d’insuline, alors que je suis diabétique de type 1 (insulinodépendant) et que je le lui avais spécifié. C’est vraiment méconnaître totalement la maladie.

Il y a également les lois sur l’étiquetage des produits de consommation alimentaire, un sujet sur lequel il est nécessaire là encore de monter au créneau.. Les projets de loi sur ces questions trainent, et changent constamment. Les débats tournent en rond remettant par exemple en cause les alertes de couleur rouge sur les packagings car cela causerait un préjudice aux marques. Mais c’est aux industriels de l’agro-alimentaire de faire attention à ce qu’ils produisent et pas à nous d’en faire les frais sur le dos de notre santé !

Ce n’est pas à l’Etat de tout prendre en charge, comme un Etat providence poussé à son paroxisme, mais j’attends de l’Etat qu’il m’accompagne et se positionne à mes côtés pour m’aider à mieux m’intégrer dans la société pour ne pas créer d’exclusion, aider tous les malades et prévenir au maximum les futurs problèmes de santé. On sait que le diabète tue davantage que les accidents de la route ; or pour la sécurité routière, il y a régulièrement des campagnes de prévention qui passent à la télé, et qui ont montré leur efficacité. Pourquoi n’y a t-il pas ce genre de campagne pour lutter contre le diabète ?

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