Soins dentaires et handicap ; référent handicap

Accès aux soins dentaires : faites appel au référent handicap

Les soins dentaires sont les premiers auxquels les Français renoncent pour raisons financières (voir l’étude). À cet obstacle s’ajoutent, pour les personnes qui souffrent d’une perte d’autonomie – que cela soit du fait d’un handicap physique ou psychique – des difficultés d’accès vers des cabinets adaptés à leur handicap ou auprès de chirurgiens-dentistes spécifiquement formés à les recevoir et les soigner.

En outre, bien souvent, les deux problèmes se cumulent puisque les personnes en situation de handicap et également les personnes âgées en perte d’autonomie sont celles qui ont les revenus les plus faibles.

Comment aider au mieux ces publics spécifiques particulièrement fragiles et parfois exclus de l’accès aux soins bucco-dentaires? L’Ordre national des Chirurgiens-dentistes (ONCD) se penche en particulier sur cette question et a mis en place depuis 2011 un réseau de référents handicap départementaux pour aider les patients à trouver le chirurgien-dentiste qui leur convient.

Pour le Docteur Dominique Chave, Présidente de la Commission de la Vigilance et des Thérapeutiques à l’ONCD, la communication autour de l’accès aux soins dentaires doit absolument parler de prévention. Elle rappelle que les soins les plus onéreux sont les prothèses mais que les soins de base (c’est-à-dire les soins conservateurs comme le détartrage, le traitement d’une carie ou une dévitalisation) restent abordables et peuvent être remboursés à 100%, notamment lorsque l’on bénéficie de la CMU complémentaire (voir notre article sur le coût et les remboursements des soins dentaires). Elle précise surtout que lorsque l’on rend visite à son dentiste au moins 1 fois par an, on évite justement bien souvent d’en arriver à avoir besoin de ces fameuses prothèses. « Je ne dis pas cela pour prêcher pour ma paroisse, mais puisque l’assurance maladie rembourse jusqu’à deux détartrages par an, autant y avoir recours. Cela évite de graves problèmes de gencives en vieillissant qui provoquent des déchaussements. Faire ces visites de contrôle annuellement permet des garder une bouche et des dents saines et de s’épargner au maximum des soins vraiment coûteux ».

 

Interview du Dr Pasdzierny, référent handicap de l’Ordre des Chirurgiens-dentistes en Meurthe-et-Moselle

66 Millions d’IMpatients : En quoi consiste votre travail ?

Dr Pasdzierny : Le travail du référent handicap est, dans un premier temps, de savoir quel professionnel de santé est accessible à quel type de handicap. Il connaît l’accessibilité des cabinets libéraux (je parle d’accessibilité sur le plan physique mais aussi en termes de formation des praticiens), il sait quels sont les réseaux de soins, les structures mobiles de soins qui ont été mis en place dans son département et s’il existe également une faculté de chirurgie dentaire.

Depuis quand le référent handicap a-t-il été mis en place et qui peut faire appel à vous?

Tout s’est mis en place officiellement en 2011. En 2013, nous avons commencé à former les confrères. Aujourd’hui notre travail est donc de répondre aux demandes des patients d’une part et également des structures qui sont confrontées aux handicaps comme un EHPAD, par exemple.

Dans la pratique, les chirurgiens-dentistes référents vont faire un bilan de l’existant. En Meurthe-et-Moselle, on a choisi d’envoyer un questionnaire aux praticiens pour connaître leur niveau d’accessibilité aux soins. Dans mon département d’ailleurs, c’est un peu particulier car nous avons un annuaire d’accessibilité depuis 2004 déjà et donc une liste de praticiens qui répondent aux besoins du patient.

Ainsi lorsqu’un patient appelle l’Ordre pour obtenir de l’aide ou des informations, l’Ordre va le rediriger vers le référent handicap de son département. Nous allons d’abord déterminer si le patient peut être pris en charge dans le monde libéral, puis lui proposer d’autres offres de soins, à travers les réseaux, les associations…

Vous avez un exemple précis des demandes côté patients ?

Je pense par exemple à la petite-fille d’une dame âgée qui avait un problème de prothèse dentaire mais qui était depuis peu en fauteuil roulant, et son dentiste habituel qui était au centre-ville de Nancy ne pouvait plus l’accueillir car son cabinet n’était pas adapté aux fauteuils roulants. Je l’ai donc aidé à trouver un cabinet libéral en rez-de-chaussée, à proximité de son lieu d’habitation.

Il y a également des situations plus complexes, notamment lorsqu’il s’agit d’enfants avec des syndromes particuliers ou poly-handicapés. Certains confrères ont les compétences pour les soigner (même s’il n’existe pas de spécialité handicap comme il en existe pour l’orthodontie par exemple) et nous orientons évidemment les parents qui ont besoin d’être accompagnés spécifiquement vers ces praticiens.

Je précise qu’en tant que référent handicap ordinal, nous nous devons toujours d’indiquer le nom de plusieurs praticiens pour ne pas en favoriser certains plus que d’autres.

Y a-t-il assez de praticiens mobilisés sur les questions de l’accessibilité ?

Il s’agit de volontariat, et pour vous parler de la Lorraine, nous avons recensé plus de 1800 praticiens, toutes spécialités confondues (pas seulement les chirurgiens-dentistes). Ce nombre est largement suffisant sur ma région et en Meurthe-et-Moselle en tout cas, je n’ai pour l’instant jamais vu un patient à qui l’on n’aurait pas trouvé de solutions de prise en charge pour ses soins bucco-dentaires.

De mon point de vue, les déficiences motrices sont bien entendu un problème et les immeubles dans les centres historiques de certaines villes comme Nancy ont des difficultés d’adaptation évidentes, mais ce qui me semble le plus compliqué, c’est l’accueil des personnes avec des déficiences mentales, car nous n’avons aucune formation à la faculté pour leur prise en charge. Le Rapport Jacob en parle bien, à savoir qu’en réalité les praticiens craignent de ne pas savoir gérer cette prise en charge particulière par manque de formation adaptée. Sur ce sujet, il y a une phrase du Rapport Jacob que j’aime citer : “Ta peur me fait peur”.

J’ai vu également le cas de praticiens qui avaient fait tous les travaux nécessaires pour rendre leur cabinet accessible aux personnes handicapées, et qui se sont demandé s’ils n’allaient pas du coup être « étiquetés » et ne plus recevoir que des personnes handicapées, en sachant que ces patients nécessitent une prise en charge plus longue et donc potentiellement une baisse du nombre de patients reçus. La réalité sur le terrain a montré que ces praticiens ont vu leur chiffre d’affaires croître car les patients en situation de handicap ont recommandé leur dentiste à tous leurs proches auprès de qui ils bénéficient d’une très bonne réputation. Je dis souvent que les patients se soucient de nous dès lors que l’on se soucie d’eux, et lorsqu’un patient voit qu’un praticien a fait des efforts sur l’accessibilité, ils se sentent en confiance.

Et comment cela se passe pour la prise en charge des personnes à domicile qui ne peuvent pas se déplacer ?

Le référent a un rôle d’orientation mais également de coordination et dans de tels cas, nous pouvons coordonner des soins à domicile. En effet, dans chaque conseil départemental de l’Ordre des chirurgiens-dentistes, il y a à disposition une mallette de soins pour les prises en charge à domicile que n’importe quel chirurgien-dentiste peut venir emprunter gratuitement. La plupart du temps, c’est le dentiste habituel d’un patient qui fait cette démarche d’aller le soigner à domicile car son patient ne peut plus se déplacer. Si le patient n’a pas de praticien traitant, nous passons par une association de praticiens qui s’appelle DépenDent. Mais ce sont des prises en charge rares et qui ne peuvent concerner que des soins d’urgence car cette mallette ne permet pas de faire de soins de qualité comme ils peuvent être faits en cabinet avec le fauteuil de dentiste, les appareils de radiologie, etc

Selon vous, le grand public est-il assez informé sur toutes ces offres de soins dentaires disponibles pour les personnes en situation de handicap ?

La communication envers le grand public sur le sujet est l’affaire des départements et nous ne pouvons pas vraiment intervenir mais notre travail est de sensibiliser les EHPAD, les réseaux de soins, les Agences régionales de Santé (ARS). Encore une fois en Lorraine, nous avons la chance d’avoir pris un peu d’avance avec notre plateforme handiacces.org, qui pourrait préfigurer d’un modèle à développer sur tous les territoires en France.

Vous parlez d’une avance sur la Meurthe-et-Moselle sur le travail du référent handicap, qu’en est-il des autres départements ?

C’est encore très inégal. Pour l’instant nous avons formé environ 60 confrères chirurgiens-dentistes au travail de référent handicap, sur 99 départements c’est déjà pas mal et d’autres formations sont en cours, bien entendu. Certains en sont encore à envoyer les fameux questionnaires pour recenser les praticiens qui sont en situation d’accessibilité, d’autres l’ont fait depuis longtemps, nous en sommes à la phase d’harmonisation justement. C’est une question de temps mais le processus est en marche.

Quel message voudriez-vous faire passer auprès des personnes qui travaillent sur les questions de handicap et de dépendances ?

J’aimerais faire comprendre que le chirurgien-dentiste est un acteur comme les autres dans la prise en charge globale de la santé des personnes handicapées. Quand j’assiste à des réunions pluridisciplinaires sur la prise en charge des personnes handicapées ou bien également des personnes âgées, on a l’impression que la bouche est désolidarisée du reste de l’organisme. Les soins bucco-dentaires sont rarement une priorité dans les EHPAD, les centres de réadaptation, etc. Lorsque les EHPAD mettent en place des équipes de soins pluridisciplinaires, ils oublient quasiment toujours le chirurgien-dentiste !

2 commentaires

  • LAVERGNE dit :

    Ma belle-sœur handicapée se trouve dans un EPHAD à ANGOULEME.
    Cette personne à une tutrice ??? elle se retrouve à 69 ans avec un appareil dentaire complet qui n’est plus adapté. Donc sans dents? Personne n’est capable de prendre une décision . J’ ais alerté le JUGE DES TUTELLES sans résultats pour l’instant. La vie et le quotidien d’une personne sans dents doit être normale . EST CE NORMAL, EST CE MORAL et bien je vais en déduire que OUI .
    Ou est la responsabilité et l’éthique d’un docteur, d’un dentiste et d’un EPHAD . Je pense, après mures réflexions que je vais faire un reportage vidéo sur les réseaux sociaux pour montrer la pauvreté de notre système en général. Les images peuvent être choquantes .
    MAIS DANS QUEL MONDE VIVONS NOUS???????????????

    • Admin France Assos Santé dit :

      Bonjour,
      Pour obtenir une information individuelle sur toute question juridique ou sociale en lien avec la santé, vous pouvez contacter notre ligne Santé Info Droits composée d’avocats et de juristes spécialisés, soumis au secret professionnel et bénéficiant de sessions régulières de formation en lien avec les associations membres de France Assos Santé. Numéro de la ligne : 01 53 62 40 30 (chaque après-midi à partir de 14h, du lundi au vendredi).
      Elle est également accessible via le formulaire suivant : https://bit.ly/35KOyys
      L’équipe de France Assos Santé

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