La médecine scolaire en manque d'effectifs

Notre médecine scolaire en manque d’effectifs

Les 12 millions d’écoliers qui viennent de rejoindre les maternelles, primaires, collèges et lycées de France en cette rentrée 2015 bénéficient d’une médecine scolaire qui manque cruellement de moyens et présente de grandes disparités selon les académies. En effet, les métiers de médecins et infirmières scolaires, deux professions qui dépendent non pas du ministère de la Santé mais de celui de l’Education nationale, souffrent d’un manque de reconnaissance et d’effectifs largement décriés.

Des problèmes d’effectifs en médecine scolaire

Ils sont aux alentours de 1500 médecins scolaires et un peu moins de 7000 infirmières pour 12 millions d’enfants et d’adolescents. Cela représente 8000 élèves pour chaque médecin, un peu plus de 1700 pour chaque infirmière. En 2011, un rapport remis à l’Assemblée nationale sur la médecine scolaire avance que « la mission parlementaire a mis en évidence que la profession de médecin scolaire était menacée par des perspectives démographiques encore plus défavorables que pour le reste des professions médicales. La cause réside dans l’insuffisante attractivité de la carrière proposée au sein du ministère de l’Éducation nationale ». L’argument salarial est souvent avancé, les médecins gagnant de 2 092€ à 5 162€ entre le début et la fin de leur carrière, selon leur classe et les attributions (grille UNSA), les infirmières de 1 514€ à 2 796€ selon leur catégorie et leur classe… Des montants et surtout des évolutions effectivement peu alléchantes. Ainsi, comme le remarque le Docteur Christine Cordoliani, médecin conseiller technique à Versailles, les effectifs d’Ile-de-France suivent ceux des déserts médicaux de la région, le Val-d’Oise et la Seine-Saint-Denis ayant davantage de problèmes à recruter que Paris ou les Hauts-de-Seine. En Bretagne, le Docteur Marie-Hélène Lépinette, médecin de secteur, déplore qu’il manque la moitié des effectifs nécessaires à sa région. Elle parle de 12 médecins titulaires pour 200 000 élèves en Ille-et-Vilaine, un département très déficitaire où se trouve pourtant le Centre Hospitalier Universitaire de Rennes qui représente un grand pôle d’attraction pour les professions médicales.

Gérer les priorités

Face à ce défaut d’effectifs, les médecins et infirmières doivent faire des choix et prioriser certaines missions.
Les lycées professionnels et particulièrement la visite médicale des élèves de moins de 18 ans en formation professionnelle et affectés à des travaux réglementés font partie des priorités. À ce titre, bien souvent, on remarque que les lycées professionnels sont plus attentifs que les lycées généraux à la santé des élèves, du fait de l’obligation de sécurité.
Pour l’Ile-de-France, le Docteur Christine Cordoliani avoue que les zones géographiques socialement sensibles font l’objet de plus de visites de médecins scolaires que les villes « favorisées ». « Dans les villes socialement aisées, les élèves souffrent davantage de stress dû à la pression de réussir ou d’anorexie, malgré tout la médecine scolaire y dépiste moins de cas d’enfants en difficulté que dans les communes en situation de précarité où l’absence de médecins scolaires serait catastrophique. », précise-t-elle.
En Ille-et-Vilaine, le Docteur Lépinette reconnaît qu’il est tout bonnement impossible de voir 100% des enfants de 6 ans pour la visite médicale obligatoire. Elle s’attarde davantage sur l’intégration individuelle, notamment des élèves handicapés, ceux souffrant de maladies longues, et ceux présentant des troubles de l’apprentissage. Elle travaille alors principalement sur la coordination entre les équipes soignantes, pédagogiques et la famille.
Ne pouvant voir un à un tous les élèves dont elle a la charge, elle organise cette coordination également pour dépister les élèves en difficulté. Elle peut s’appuyer sur le concours des centres de Protection Maternelle et Infantile (PMI), des chefs d’établissements et des enseignants, des parents eux-mêmes et bien entendu des infirmières scolaires qui, selon elle, sont tout à fait compétentes pour donner un avis et orienter un enfant en difficulté vers un médecin.

Dépister n’est pas soigner…

Malgré des moyens qui continuent de se réduire, les médecins et infirmières scolaires s’organisent donc au mieux pour repérer au maximum les enfants et adolescents ayant des soucis de santé physiques, psychologiques ou des difficultés d’apprentissage. Les parcours d’intégration individuelle des élèves en difficulté sont de plus en plus considérés et intégrés par les équipes soignantes et par les enseignants.

Malgré cela, le Docteur Cordoliani objecte que le meilleur des dépistages et la meilleure des prises en charge à l’école ne servent à rien si l’on ne donne pas aux familles les possibilités de faire suivre leur enfant par des professionnels du soin. Elle voit régulièrement des familles qui baissent les bras, notamment sur des cas de dyslexie, dans des départements comme le Val-d’Oise ou la Seine-Saint-Denis où il y a trop de difficultés d’accès aux soins.

Dans ces départements, les orthophonistes font cruellement défaut. Le seul recours pour les familles reste l’hôpital public, où il y a environ 6 mois d’attente. Malgré les alertes des médecins et infirmières scolaires, dans ces cas-là, les parents finissent par se dire que si l’hôpital ne trouve pas de rendez-vous rapide pour leur enfant, c’est que cela ne doit pas être si grave et ils se démobilisent. « Dans les cas de dyslexie », explique le docteur Cordoliani, « même si la prise en charge par un orthophoniste est longue et compliquée, nous parvenons à travailler avec les enseignants, en leur demandant de privilégier l’oral par exemple, mais quand il s’agit de problèmes psychologiques, c’est beaucoup plus délicat car les enseignants ne sont pas formés pour cela. Il faut toutefois reconnaître des avancées car ces dernières années, les professeurs se sont beaucoup impliqués dans les projets d’intégration individuelle, ce qui n’était pas évident au début, où certains arguaient que l’école n’était pas un hôpital. ».

Heureusement, cette conception de la place à accorder à la santé de chacun dans l’environnement quotidien collectif a évolué. S’il semble évident que l’école se doit de s’adapter pour accueillir tous les élèves, sans discrimination, ceux-ci ne devraient-ils pas pouvoir bénéficier en parallèle de soins adaptés et accessibles aux pathologies que la médecine scolaire a pour mission de dépister ?

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