Angine : des prescriptions massives d’antibiotiques parfaitement injustifiées

La plupart du temps d’origine virale, cette affection est l’objet de prescriptions beaucoup trop nombreuses d’antibiotiques. Combien de temps encore ce dysfonctionnement connu – et dangereux à terme en raison du développement de bactéries résistantes aux antibiotiques – va-t-il durer ?

« C’est comme si j’avais des lames de rasoir au fond de la gorge, Papa », pleurniche le jeune blondinet. L’angine est une affection fréquente provoquée par une inflammation d’origine infectieuse des amygdales, voire de l’ensemble du pharynx. Elle se manifeste par de la fièvre et de vives douleurs au niveau de la gorge, plus intenses au moment de la déglutition.

Chez les enfants de moins de 3 ans, elle est d’origine virale. Rien ne sert, autrement dit, d’utiliser un antibiotique puisque ce médicament n’a aucune efficacité contre les virus. Chez les enfants de 3 ans et plus ainsi que chez les adultes, l’angine peut en revanche être due à une infection bactérienne (Streptocoque bêta hémolytique du groupe A) dans 20 à 30 % des cas.

Près de 40 % des prescriptions d’antibiotiques injustifiées

Les médecins amenés à proposer un traitement contre ce trouble, principalement des généralistes mais aussi des pédiatres et des ORL, disposent d’un « test de détection rapide (TDR) » qui permet en quelques minutes d’identifier la nature de l’infection, bactérienne ou virale. Ce test sous forme de bandelette leur est fourni gratuitement depuis 2002 sur simple demande par une société privée basée dans l’Est de la France, sous mandat de la Caisse nationale d’Assurance maladie (Cnam) – elle rémunère ladite société en fonction des volumes commandés.

Très fiable, ce test demeure toutefois sous-utilisé déplorait déjà en 2010 la Cnam, les médecins préférant, « dans le doute », prescrire des antibiotiques. En France, environ 9 millions d’angines sont diagnostiquées chaque année et 6 millions d’entre elles font l’objet d’une antibiothérapie. Un taux de prescription d’environ 70 %, là où sur le papier il devrait être au maximum de 30%.

Ce constat se retrouve sur d’autres pathologies, estime la Cnam : « Alors que les pathologies hivernales sont en grande majorité virales, on constate de manière récurrente une consommation d’antibiotiques nettement plus forte en hiver qu’en été  ».

Des tests de détection rapides et fiables mais sous-utilisés

En 2008, seulement deux millions de TDR ont été commandés par les médecins. Deux ans plus tard, la Cnam expliquait avoir simplifié le circuit de commande. « Désormais, le bon de commande n’est plus obligatoire : une simple demande sur papier libre suffit. Elle doit comporter l’identification du médecin (ordonnance par exemple) et indiquer clairement le nombre de tests commandés et l’adresse de livraison ».

Depuis fin 2010, les médecins peuvent même commander en ligne les TDR. Ces efforts ne semblent pas avoir porté leurs fruits : les chiffres que nous a fournis la Cnam indiquent en effet qu’en 2013 un peu plus d’1,5 million seulement de TDR ont été commandés (1,44 million par les généralistes, 102 000 par les pédiatres et 1940 par les ORL). Et les prescriptions inutiles d’antibiotiques ont continué de plus belle.

Pourtant, au-delà du coût de ces prescriptions inutiles, face à la résistance aux antibiotiques, une mobilisation durable et déterminée de tous les acteurs, prescripteurs, patients et pouvoirs publics est indispensable, pour que l’efficacité des antibiotiques puisse être préservée.

A quand une campagne de sensibilisation des médecins ?

Un avertissement partagé par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) et lancé la semaine dernière, à l’occasion de la journée européenne d’information sur les antibiotiques, qui fait suite à la publication des résultats d’une étude de l’agence pointant une augmentation de la consommation des anti-infectieux de 6% entre 2010 et 2013 (lire ici le billet publié alors sur le site de 66 Millions d’Impatients).

Il serait peut-être temps de s’atteler à la tâche. En matière d’angine, les prescripteurs ont à leur disposition tous les outils leur permettant de parvenir à une prescription raisonnée d’antibiotiques. Ce dont on convient sans peine chez MG France, principal syndicat représentant les médecins généralistes. Contacté par 66 millions d’impatiens, son secrétaire général appelle de ses vœux la mise en place d’une nouvelle campagne de formation et d’information aux prescripteurs sous l’égide des pouvoirs publics.

Et vous, en bon Impatient, n’hésitez pas à demander à votre médecin si un petit « test de détection rapide » ne s’imposerait pas, en cas d’angine, avant de vous voir prescrire un antibiotique.

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