« Le tabac est en passe de devenir totalement ringard aux yeux des jeunes »

Les résultats 2014 de l’enquête « Paris Sans Tabac », publiés récemment, montrent que la prévalence du tabagisme chez les 12-19 ans est en baisse. La cigarette électronique serait clairement à l’origine de cette diminution.

Questions à Bertrand Dautzenberg, pneumologue à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, président de l’Office français de prévention du tabagisme (OFT) et principal auteur de cette étude.

66 millions d’impatients – Quel est le périmètre de l’enquête Paris Sans Tabac ?

Bertrand Dautzenberg – Paris Sans Tabac, avec l’aide du rectorat de l’Académie de Paris, conduit tous les ans depuis 1991 une enquête transversale sur le tabagisme des jeunes des collèges et lycées de Paris. La population de l’étude repose sur un tirage au sort effectué sur les classes de l’ensemble des établissements parisiens. Elle représente 2% des élèves.

L’acheminement des questionnaires (qui sont pré-identifiés par classe et ne comprennent que des questions fermées) par le rectorat et les chefs d’établissements permet un excellent retour des questionnaires. L’échantillon étudié est donc représentatif de la population des élèves scolarisés à Paris (environ 180 000). Le tirage au sort permet d’en sélectionner 3600. Le nombre de réponses est habituellement supérieur à 3300. Les non-réponses correspondent à quelques classes manquantes et à des élèves absents le jour de l’enquête.

66M – Les principaux enseignements de cette enquête ?

BD – Cette enquête montre en 2013 et en 2014 une irruption massive de la cigarette électronique chez les jeunes de 12 à 19 ans avec un taux d’utilisation qui double chaque année. Ses résultats indiquent par ailleurs une baisse du taux de fumeurs aussi bien parmi les collégiens que les lycéens.

Chez les collégiens (12-15 ans), le taux de vapoteurs exclusifs fait plus que doubler chaque année depuis 2011 passant de 1% à près de 6%. Le taux de vapoteurs qui fument en même temps augmente lui aussi de façon importante (1% en 2013 et près de 5% en 2014). Le nombre de fumeurs exclusifs baisse quant à lui. Ils étaient plus de 20% en 2011, ils sont moins de 7% en 2014. Quant à la proportion de jeunes qui ne fument ni ne vapotent, elle était de 80% en 2011. Elle atteint plus de 83% en 2014.

Ainsi malgré l’apparition importante du vapotage, la consommation globale de produits nicotinés baisse. L’évolution est du même type chez les lycéens. Ils étaient 57% à n’avoir adopté ni la cigarette traditionnelle ni l’e-cig en 2011. Ils sont près de 64% en 2014. Le taux de fumeurs exclusifs a été presque divisé par deux. On compte aujourd’hui 11% de jeunes qui fument et vapotent en même temps et 3% de vapoteurs exclusifs. Il n’empêche : le nombre de jeunes qui consomment de la nicotine sous une ou l’autre forme baisse.

66M – Comment expliquer que les jeunes soient moins nombreux à fumer ?

BD – La meilleure explication de la baisse du tabagisme des jeunes est l’apparition de l’e-cigarette. Le tabac ne tient pas la comparaison : c’est un produit qui tue la moitié de ses fidèles consommateurs, qui ruine les consommateurs et les caisses de l’Etat (un coût pour la collectivité de plus de 30 milliards d’euros chaque année), et qui pollue (première cause de pollution intérieure des locaux).

Le tabac est en passe de devenir totalement ringard pour beaucoup de jeunes qui disposent maintenant d’un nouvel élément de comparaison avec la cigarette électronique qui, de plus, est probablement moins addictive que la cigarette traditionnelle.

66M – La cigarette électronique, un outil qui pourrait les détourner du tabagisme ?

BD – La crainte que la cigarette électronique devienne un produit d’entrée dans le tabac est balayée par les données que nous observons à Paris, mais aussi par des données anglaises et américaines. Ce nouveau dispositif apparaît de plus en plus comme un produit possible de sortie du tabac, mais aussi comme un produit qui potentiellement peut aider à dénormaliser le tabac.

Chez l’adulte fumeur, il est clair que la cigarette électronique offre à côté des substituts nicotiniques et des autres traitements, une autre voie de sortie du tabac. Une sortie que certains jugent plus douce, plus plaisante.

On en viendra bientôt à se demander comment on a pu accepter aussi longtemps la vente des produits du tabac. De la même manière que les fumeurs pourraient se demander aujourd’hui comment il était possible il y a encore quelques années de fumer dans les restaurants et trouver cela normal.

66M – Quelle devrait être la position des pouvoirs publics face à ce nouvel usage ?

BD – Il faut réglementer de façon intelligente le produit, ce que va permettre la directive européenne qui vient d’être publiée. C’est aussi ce que va permettre le Plan national de réduction du tabagisme attendu avant l’été et la loi de santé publique. Il est essentiel notamment que les vapoteurs aient de meilleures garanties sur la qualité des produits qu’ils inhalent. Tout en gardant un large accès dans les boutiques ainsi qu’une gamme importante d’arômes afin que le produit reste plus attractif que le tabac.

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