Attention les yeux !

« Les lunettes chères, c’est fini ».

C’est en substance ce qu’à annoncé le gouvernement le 20 mars dernier. Et de promettre le plafonnement du remboursement des lunettes à 350 euros pour des verres simples en 2015, à 300 euros en 2016, 250 euros en 2017 et 200 euros en 2018. Il est vrai que la flambée des prix dénoncée par les associations et la presse justifiait d’intervenir pour mettre fin à une exception française qui voit notre pays se singulariser par les prix d’optique les plus élevés en Europe.

Minute papillon : bloquer les remboursements ce n’est pas bloquer les prix !

Certes le contrôle des prix ce n’est plus très tendance depuis les années 80 et le mouvement de « dérèglementation » qui a installé la concurrence comme principal outil de baisse des prix. Soyons clair, ce n’est pas parce que le remboursement sera plafonné à 350 euros pour des verres simples en 2015 que le prix moyen de la paire de lunettes (autour de 600 euros) va baisser.

La solution, c’est plus de concurrence.

Comment faire ? Pas très difficile : certaines complémentaires offrent déjà à leurs adhérents des services de « lecture critique » de devis d’opticien. Ces derniers commencent à s’y faire. Et puis la loi Hamon qui vient d’être adoptée impose aux ophtalmologistes d’indiquer l’écart pupillaire sur les ordonnances, ce qui permettra à tout un chacun de s’adresser à des sites de vente sur internet où la concurrence fait rage : les premiers prix sont autour de 40 à 50 euros ! Gageons que les yeux des Français, qui ne sont pas différents de ceux des Hollandais, des Allemands ou des Américains, trouveront des solutions adaptées à leurs budgets. Aller plus loin ? C’est évidemment possible : plutôt que de réclamer le plafonnement du remboursement des lunettes, les complémentaires auraient mieux fait de tisser des alliances inventives avec les sociétés de vente sur internet !

Un mauvais coup pour les patients.

Car il faudra venir expliquer aux Français qui n’ont encore jamais vu le prix de leurs complémentaires baisser qu’au surplus les remboursements vont baisser ! Autant nous prendre pour des pigeons. Ensuite, si les complémentaires … ne complètent plus, on se demande à quoi elles servent et pourquoi elles sont si chères. Enfin, maintenant à qui le tour ? Après l’optique, le dentaire ? Après le dentaire, l’auditif ?

Une brèche dangereuse.

Car de ce pas, nous marchons vers les surcomplémentaires. Un nouveau marché s’ouvre. Celui de l’option « déplafonnement » : demain nous nous verrons proposer d’acheter, en plus de notre complémentaire, une surcomplémentaire pour ne pas se voir appliquer le remboursement plafonné ! Un juteux marché en perspective pour nos si chères complémentaires. Et les surcomplémentaires de demain seront encore moins solidaires que les complémentaires d’antan : seuls les Français les plus aisés pourront se les payer quand les moins fortunés « danseront devant le buffet vide », comme on disait au XVIIIème siècle, au moment où l’on crée les verres à double foyer… qui permettent de voir aussi les entourloupes !

Christian Saout

Christian Saout est notamment l’auteur d’un ouvrage publié en décembre 2013 : Santé, citoyens ! Il a un long parcours de militant dans la santé depuis 1993. De 1998 à 2007, il a présidé l’association Aides, première association française de lutte contre le sida. Puis, il a été élu à la présidence du CISS – le Collectif interassociatif sur la santé, qui regroupe toutes les grandes associations de patients et d’usagers de la santé – avant de présider la Conférence nationale de santé.

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