Vers un encadrement des tarifs des soins optiques, dentaires… et auditifs ?

Vers un encadrement des tarifs des soins optiques, dentaires… et auditifs ?

 

En 2008, 15,4 % de la population adulte déclare avoir renoncé à des soins médicaux pour des  raisons financières au cours des douze derniers mois. Les contraintes financières se concentrent  principalement sur les soins dentaires (10 % de la population concernée) et également sur l’optique (4,1 %) et les consultations de médecins généralistes et spécialistes [1].


Les tarifs des équipements d’optique, un frein pour les usagers

Concernant l’optique, plus de 2 millions d’usagers renoncent  à se faire soigner, freinés par la barrière du « reste-à-charge » compte tenu des faibles niveaux de remboursement par l’Assurance maladie (environ 4% de la dépense facturée). Après intervention des complémentaires santé, qui couvrent les besoins à hauteur d’environ 66%, les ménages acquittent en moyenne 29% de la dépense [2].

 

Le prix moyen d’un équipement d’optique, établi en moyenne  à  277 euros pour les verres unifocaux, et 591 euros pour les verres progressifs, agit comme un frein pour tous les usagers à qui des corrections sont prescrites, soit qu’ils ne disposent pas de complémentaire (et ils sont environ 5 millions), soit qu’ils ont souscrit des garanties ne couvrant pas l’ensemble du prix (sur ce point, nous notons de fortes disparités entre contrats individuels et contrats collectifs).


Des prix en soins dentaires très disparates, une absence totale de régulation

S’agissant des soins dentaires, la Cour des comptes [3] fait remarquer qu’une couronne en céramique coûte en moyenne deux fois plus cher qu’en Allemagne. Le prix d’un bridge en métal ou en résine, est presque trois fois plus cher en France qu’en Allemagne. La Cour estime en outre que ce secteur souffre d’un «  déficit de réflexion et de pilotage », le désengagement progressif de l’assurance maladie obligatoire (la sécurité sociale ne prend plus à sa charge que le tiers des dépenses en soins dentaires, contre plus de la moitié en 1980, et seulement 18% des soins prothétiques qui sont les plus coûteux) « se faisant sans redéfinition des tâches entre celle-ci et les organismes complémentaires ». « Si l’on juge qu’une plus grande transparence ne suffirait pas à remédier à la situation actuelle, l’autre voie à explorer serait celle de la fixation de plafonds, voire de tarifs opposables », expliquait la Cour en proposant la piste d’un encadrement tarifaire en matière de prothèses en contrepartie de la revalorisation de certains soins conservateurs dans le cadre de discussions conventionnelles.


La faible prise en charge de ces soins génère une hausse des demandes de secours auprès des CASS des CPAM

L’ampleur des restes-à-charge des usagers est à l’origine d’une inflation des demandes de secours formulées auprès des commissions d’action sanitaire et sociale (CASS) des CPAM pour qui les dépenses en optique, prothèses dentaires et appareillages auditifs représentent l’un des postes de dépenses le plus important [4].

 

Afin d’aider les usagers à s’équiper de dispositifs optiques, dentaires et auditifs dont les prix sont libres et  très faiblement remboursés par l’Assurance maladie, l’Assurance maladie attribue donc des aides extralégales à des usagers en souffrance. Quoi de plus logique ?


« Les soins dentaires et optiques sont l’un des prochains chantiers du gouvernement »

C’est ce qu’a déclaré la ministre en charge de la santé. Sans donner de calendrier précis, elle a déjà établi un plan de charge qui débuterait par une régulation des prix des lunettes et des prothèses dentaires. « La tarification de ces produits doit être mieux encadrée », estime Marisol Touraine, comme le CISS qui proposait avec ses partenaires associatifs en 2011 la mise en place d’un système de régulation des prix, y compris de ceux des prothèses auditives…


Un encadrement à l’instar du système retenu pour les médicaments remboursables ou une régulation par conventionnement avec les principaux payeurs que sont les complémentaires ?

La première option présenterait l’avantage de fixer le « juste  prix » ou tout au moins un « Prix Limite de Vente (PLV) » au niveau du Comité Economique des Produits de Santé (CEPS) afin de ne pas laisser s’établir un écart insoutenable pour les usagers entre la base de remboursement de l’Assurance maladie et le prix facturé.

 

La seconde, quant à elle, permettrait aux complémentaires d’agir pour encourager leurs adhérents à se diriger vers des réseaux de soins négociés par contractualisation avec les professionnels.

 

Une enquête menée par IPSOS pour la Mutualité française [5] montre que plus de 8 Français sur 10 sont intéressés par le tiers-payant, une amélioration du remboursement ou par des tarifs négociés avec les opticiens par leur complémentaire santé.

 

Au total, 2 Français sur 10 accepteraient d’être orientés par leur complémentaire santé vers des opticiens agréés.

 

La constitution de tels réseaux ne pourrait toutefois se développer qu’à la condition qu’une disposition législative renforce leur régime juridique – en tranchant notamment sur la possibilité d’instaurer des différences dans le niveau des prestations lorsque l’assuré choisit de recourir à un professionnel de santé, un établissement de santé ou un service de santé membre d’un réseau de soins.


Quelles qu’en soient les modalités, l’encadrement des prix dans les domaines de l’optique, du dentaire et de l’auditif paraît incontournable, dans l’intérêt de tous les usagers mais aussi des acteurs du secteur qui gagneraient à être davantage perçus comme des professionnels de santé et moins comme des commerçants. Cet encadrement doit aller de paire avec une transparence maximale de la part des professionnels, des établissements de santé et  de l’Assurance maladie, pour faciliter l’accès aux soins, et aussi pour que les usagers ne soient plus des « payeurs aveugles »… lorsqu’ils peuvent payer.



[1] Etude de l’Institut de Recherche et de Documentation en Economie de la Santé (IRDES), novembre 2011.

[2] DREES, Comptes nationaux de la santé, 2010 – Le 1% manquant correspond aux prestations versées au titre de la CMUC pour les bénéficiaires gérés par les organismes de base.

[3] Rapport de la Cour des Comptes sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, septembre 2010.

[5] Enquête réalisée du 28 mai au 2 juin 2012 par IPSOS pour la Mutualité française.

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