Rapport Leonetti : des propositions pour enfin faire connaître la loi du 22 avril 2005 et la faire évoluer

Le 2 décembre dernier, le député UMP des Alpes-Maritimes Jean Leonetti remettait son rapport d’évaluation de la loi relative aux droits des malades et à la fin de vie du 22 avril 2005, issue d’un premier rapport rédigé par le même Jean Leonetti en 2004.

 

Le CISS s’étonne que le Premier ministre ait choisi de confier l’évaluation de la loi du 22 avril 2005 à son propre auteur ! Le CISS regrette, par ailleurs, que ce député publie un livre sur la fin de vie quelques jours avant la remise de son rapport ce qui constitue un mélange des genres pas très heureux.

 

Ces remarques de forme mais pas de détail auraient pu pousser le CISS à gratifier ce rapport d’un mauvais point. Cependant, nous n’oublions pas que notre priorité reste toujours le fond. Or sur le fond, ce rapport a été mené avec sérieux et il décline plusieurs propositions intéressantes en plus de dresser un bilan fouillé de l’état de l’offre en soins palliatifs et du développement de la démarche palliative en France ainsi que des différentes problématiques liées à la fin de vie.

 

Parmi les propositions avancées par le rapport, nous retenons plus particulièrement :

 

  • la mise en place d’un congé d’accompagnement rémunéré,
  • la possibilité pour la personne de confiance de demander l’engagement d’une procédure de discussion de limitation ou d’arrêt de traitement,
  • la création d’un observatoire des pratiques médicales de la fin de vie.

 

La mise en place d’un congé d’accompagnement rémunéré

 

 Le rapport propose la mise en place à titre expérimental sur un territoire donné d’un congé d’accompagnement de 15 jours rémunéré pour un parent accompagnant un patient à domicile.

La démarche nous paraît intéressante mais bien trop timide. Nous souhaitons que ce congé d’accompagnement soit d’emblée mis en place sur l’ensemble du territoire pour tous les bénéficiaires potentiels, quel que soit leur secteur d’activité. Ce congé pourrait s’appuyer sur le congé de solidarité familiale en le renforçant par la mise en place d’une indemnisation s’inspirant de celle proposée dans le cadre du congé de présence parentale. Il est nécessaire de préciser qui finance ce nouveau congé !

 

La durée de 15 jours de rémunération proposée par le rapport Leonetti nous parait constituer un bon début, cependant il faudra rapidement évaluer si elle est suffisante et, le cas échéant, la faire évoluer. Il serait discriminatoire de réserver ce congé aux accompagnants des seuls patients à domicile, et d’en exclure tous ceux qui n’ont pas d’autres choix que de finir leurs jours en établissements. Tous doivent avoir toutes les chances d’être accompagnés par leurs proches lors de moments de vie aussi cruciaux.

 

Enfin, il semble indispensable de préciser si plusieurs proches peuvent prétendre à ce congé pour un même patient ou si le nombre est limité. En cas de limitation du nombre, comment désigne-t-on le ou les proches pouvant en bénéficier ?

 


La possibilité pour la personne de confiance de demander l’engagement d’une procédure de discussion collégiale de limitation ou d’arrêt de traitement

 

La loi du 22 avril 2005 constitue une avancée en matière de droits des malades en instituant le droit de rédiger des directives anticipées que le médecin, dans le cas où le patient est inconscient, a l’obligation de consulter tout comme l’avis de la personne de confiance si elle a été nommée en cas de réflexion sur l’arrêt ou la limitation d’une thérapeutique.

 

Cependant, les auditions réalisées par la mission d’évaluation de la loi, ont a plusieurs reprises mis en doute la pertinence de réserver aux seuls médecins la possibilité d’engager cette réflexion sur la pertinence des traitements engagés en cas d’inconscience du patient. Il semble en effet logique que la personne de confiance soit également habilitée à demander qu’une telle réflexion soit engagée. Le rapport propose de donner cette possibilité à la personne de confiance et nous nous en félicitons, même si elle n’est encore que rarement désignée.

 

La création d’un observatoire des pratiques médicales de la fin de vie

 

 Les conditions de décès en France sont loin d’être satisfaisantes. Une loi peu connue et mal appliquée, des soignants pas préparés, pas formés, des patients mourant seuls sans accompagnement adapté… Voilà les conditions objectivées par les personnes auditionnées. Malheureusement, en dehors d’une étude sur les conditions de décès à l’hôpital[1], ces faits ne sont étayés par aucune étude. Il paraît donc indispensable de mettre en place une réelle évaluation des pratiques dans le domaine de la fin de vie. Cela doit être l’une des missions principales de l’observatoire des pratiques médicales de la fin de vie dont le rapport propose la création.

 

Pour y parvenir, le rapport prévoit la création de cinq équivalents temps plein plus un temps plein de secrétariat. Avec de tels moyens et en s’articulant avec les moyens du centre de ressources documentaires national François Xavier-Bagnoud, l’observatoire pourrait produire les études tant attendues sur les conditions de décès des Français, l’application de la loi et le développement de l’offre en soins palliatifs. Pour mener à bien ce travail, nous espérons la mise en place d’une équipe réellement interdisciplinaire sachant prendre en compte les différents aspects des problématiques au plan médical, mais également social, sociologique, psychologique, économique, philosophique, juridique…

 

 

 

Après l’échec retentissant qui a suivi la promulgation de la loi Leonetti, nous espérons vraiment que les propositions de ce rapport seront mises en application. Il devient en effet  plus qu’urgent que cette loi soit connue, non seulement du grand public, mais aussi de l’ensemble des soignants. Des soignants qui devront, pour l’appliquer correctement, être formés à la démarche palliative et à l’éthique, car l’un ne va pas sans l’autre.

 

Nous faisons le vœu qu’en appliquant ces propositions, voire en améliorant certaines d’entre elles, comme nous le proposons pour le congé d’accompagnement rémunéré, nous parviendrons à bannir ou en tous cas à fortement réduire des phénomènes tels que l’acharnement thérapeutique, la douleur, la souffrance, les décisions de soignants esseulés ou sous le coup de l’émotion, des familles livrées à elles-mêmes et en proie à des deuils pathologiques… Tous ces travers qui font qu’aujourd’hui en France les conditions de décès restent majoritairement inacceptables.

 

Enfin, nous espérons que la mise en œuvre de ces propositions constituera le préalable à un véritable débat national sur les questions éthiques entourant la fin de vie. Un débat incluant l’ensemble de la population, au-delà des tabous, des clivages et des passions.


[1] Etude MAHO (Mort à l’hôpital) menée par le docteur Edouard Ferrand en 2005.

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