La PPL Valletoux (PPL =proposition de loi, initiative du député Fréderic Valletoux) dont le titre est « Améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels » vient de finir son trajet à l’assemblée nationale. Le texte sera transmis au Sénat pour un examen à la rentrée. Le texte – de 11 articles initialement – s’est enrichi et compte désormais 40 articles. France Assos Santé, qui salue quelques articles structurants, regrette la tiédeur du texte en matière d’accès aux soins. Concernant la démocratie en santé, quelques avancées mais on ne voit pas comment les conseils territoriaux de santé vont devenir la future maille stratégique des politiques de santé. Voici notre analyse.
Propos préalable : le texte n’a été voté à l’assemblée que par 66 députés votants, ce qui est tout à fait scandaleux pour une proposition de loi censée retraduire la mobilisation des CNR (Conseil national de la refondation) santé territoriaux (pour rappel 150 CNR territoriaux avec les usagers/les professionnels ont eu lieu partout en France l’année dernière pour échanger sur l’avenir du système de santé).
Un récapitulatif de nos points positifs et nos points négatifs sur les deux thématiques clés pour notre union, à savoir l’accès aux soins et la démocratie en santé :
Accès aux soins
Notons que si ces mesures sont de bon sens, elles ne sont pas de nature à changer la donne pour les dix prochaines années de décrue massive des effectifs médicaux.
Nous sommes déçus sur les points suivants :
Cette PPL, tourne autour des sujets de répartition de l’offre libérale, sans jamais les traiter directement. Trois exemples emblématiques : la régulation, les CPTS (communautés professionnelles territoriales de santé) et la permanence des soins
C’est un peu comme si, dès que l’on s’approchait du cœur du sujet de l’accès aux soins, on s’en éloignait aussitôt par peur de crisper les organisations existantes. Un pas en avant, deux pas en arrière.
Démocratie en santé
Les CTS (conseils territoriaux de santé), organes de démocratie en santé sur lesquels se sont appuyés les 150 CNR territoriaux de l’année dernière sont désormais chargés d’élaborer le projet territorial de santé, d’assurer son suivi et son évaluation en lien avec l’agence régionale de santé (ARS) et de définir « les objectifs prioritaires en matière d’accès aux soins, de permanence des soins et d’équilibre territorial de l’offre de soins ».
Les professionnels y siégeant « s’organisent pour répondre aux objectifs prioritaires », et « veillent à réduire les inégalités de densité démographique des différentes professions de santé en vue d’atteindre ces objectifs ».
Si nous saluons le renforcement de cet organe de démocratie en santé local, considéré parfois comme inopérant, nous avons des interrogations sur les modifications législatives proposées :
- Deviendront-ils des entités exécutives locales ou resteront-ils des instances de concertation, ce qui pose évidemment la question du rôle des DT ARS (délégations territoriales des Agences Régionales de Santé) dans le cas d’une transformation du CTS en l’exécutif local. En cas de maintien en tant qu’instance de concertation, on ne voit pas bien la différence avec l’ancienne mouture
- Quels moyens attribués à l’animation territoriale de ces CTS actuellement très dépourvus en matière de financements fléchés (il faut plus d’un ½ ETP d’agent pour animer une communauté locale !)
- On ne perçoit pas bien l’articulation entre les PRS (Projets Régionaux de Santé), les projets territoriaux de santé des CTS et les projets médicaux/établissements/santé des structures de santé /médico-sociales de ville : ils ont tous des périmètres géographiques différents et des objectifs contractuels définis avec des tutelles distinctes !
- Enfin la tenue avec succès de certains CNR santé ont montré à quel point il fallait s’interroger sur la manière d’animer ces instances (méthodologies de co-construction, travail par projet d’expérimentation etc.), et la loi est muette sur ces sujets. Il faudrait pourtant qu’elle se positionne sur les trois points suivants :
- Que les instances fonctionnent en partant des expériences des usagers et des professionnels, en utilisant des méthodes collaboratives
- Que les fonds FIR (Fonds Intervention Régional) dédiés aux innovations organisationnelles soient conditionnés à la présence effective d’usagers dans les projets
- Et enfin que les institutions (ARS/CPAM notamment) se positionnent en accompagnateurs/facilitateurs des projets
Une PPL ou la représentation des usagers n’a pas sa place ?
De notre côté, nous avons proposé des amendements sur la représentation des usagers mais qui n’ont pas été pris en compte. Ils proposaient :
- La modernisation du cadre d’exercice de la représentation des usagers dans les établissements de santé :
- Attribuer automatiquement la présidence de la CDU (Commission Des Usagers) à un représentant des usagers (RU) lorsqu’il candidate à ce poste
- Améliorer le fonctionnement de la CDU dans l’accès aux plaintes et réclamations
- Permettre aux CDU d’augmenter le nombre de représentants des usagers dans les CHU/CHR
- La valorisation/reconnaissance du mandat de représentant des usagers
- Instaurer une exonération fiscale des rémunérations liées aux mandats de représentants d’usagers
- Compléter la formation initiale obligatoire des RU d’une vraie politique de formation continue
- Reconnaitre la représentation des usagers dans les nouvelles organisations territoriales (SAS, DAC, CPTS)
Notre combat ne s’arrête pas ici nous défendrons nos propositions de modifications législatives auprès des sénateurs dès la rentrée.