PLFSS 2024 – Indemnités journalières maladie : Non à la privatisation du système de contrôle !

France Assos Santé demande la suppression de la disposition visant à permettre la suspension automatique des indemnités journalières versées par la Sécurité Sociale suite au contrôle mandaté par l’employeur. Il n’appartient pas à des médecins contrôleurs privés de suspendre des prestations relevant de l’Assurance maladie !

Le contrôle des arrêts de travail par les employeurs trouve sa motivation première dans l’obligation légale de maintien de salaire à leur charge, qui peut être levée dès lors que le médecin contrôleur estime l’arrêt non justifié.

Le Gouvernement souhaite aller plus loin en actant dans l’article 27 du PLFSS la possibilité de suspension automatique des indemnités journalières (IJ) maladie à l’issue du contrôle mandaté par l’employeur si celui-ci conclut à l’absence de justification de l’arrêt de travail

Cette disposition est inacceptable pour les associations représentant les usagers !

Par ailleurs, rien dans l’article du projet de loi, ne vient permettre d’assurer correctement le contradictoire : aucun délai n’est précisé avant la suppression des IJ pour permettre à l’assuré de former un recours, aucune information ni accompagnement de l’assuré dans le cadre du recours n’est mentionnée, et aucune mesure suspensive de la suppression des IJ en cas de recours déposé n’est indiquée.

En outre, cette proposition porte en elle l’idée que la hausse des dépenses d’IJ trouve une de ses causes principales dans l’abus des assurés sociaux et des médecins prescripteurs.

Or comme l’indique la CNAM dans des documents internes[1], l’augmentation du taux de recours aux IJ explique 14% de la hausse des dépenses, et cette augmentation est accrue depuis la crise sanitaire, qui a eu des impacts sur la santé physique et mentale de la population. Les principales causes de la hausse des dépenses restent structurelles :

  • Effet démographique avec une hausse de la population active, dont le vieillissement de la population bénéficiaire d’IJ, sachant que le taux d’activité des 55-64 ans est passé de 44% en 2010 à 60% en 2022.
  • Effet de l’inflation avec la hausse des salaires et de fait du montant moyen des IJ avec une hausse du SMIC de 5.5% en 2022 et 2023, contre 1.1% en moyenne entre 2014 et 2020.

Si l’on constate une augmentation du volume des arrêts de travail de moins de 3 mois depuis la crise sanitaire, celle-ci n’est que de 0.5% (+3.2% sur la période 2020-2023 contre +2.8% sur 2015-2019).  Les pics de volume d’une manière générale se retrouvent principalement pendant les périodes de maladies saisonnières, avec notamment entre décembre 2022-2023 un pic important d’arrêts liés à la grippe.

Par ailleurs, comme l’indique la Commission des Comptes de la Sécurité Sociale dans son dernier rapport : « Les dépenses au titre des IJ présenteraient un dépassement de 0,3 Md€ par rapport à l’objectif en LFRSS 2023. Ce dépassement est quasiment intégralement dû au contexte inflationniste persistant qui a tiré à la hausse le coût moyen des arrêts de travail de façon plus importante qu’anticipée en construction. Finalement, l’effet prix des IJ s’établirait à +4,5% en 2023. L’augmentation des volumes d’IJ est, elle, conforme à la construction LFRSS pour 2023. »

Sans ignorer l’existence d’arrêts de travail injustifiés, aucune analyse ne permet aujourd’hui de conclure à une ampleur ni un impact significatif de ces derniers.

Pour France Assos Santé, le contrôle des arrêts maladie indemnisés par l’Assurance maladie doit rester l’apanage de l’Assurance maladie, avec des garanties de débat et de recours. Le risque de dérive vers une privatisation du contrôle de l’assuré social, et de l’instrumentalisation par l’employeur de cette procédure vis-à-vis de salariés en position de fragilité, est inacceptable.

Une meilleure solution consisterait à mettre en place un véritable accompagnement des travailleurs en renforçant les mesures de prévention, l’amélioration des conditions de travail et le lien entre le service de santé au travail et le médecin traitant.

La santé au travail est un enjeu majeur, en termes d’amélioration des conditions de travail et de lutte contre les risques psychosociaux, dans un contexte de dégradation de la santé mentale des Français depuis la crise sanitaire. La prévention des risques psychosociaux et de dégradation de l’état de santé des travailleurs, doit être avant tout renforcée grâce à l’amélioration des conditions de travail et des solutions d’aménagements facilitées.

Le service de santé au travail doit aussi avoir un rôle plus accru dans l’entreprise et le médecin du travail devenir un vrai spécialiste de l’emploi avec un lien renforcé avec le médecin traitant qui se retrouve souvent isolé et sans connaissance réelle de l’environnement de travail de son patient. Un repérage en amont des personnes en situation complexe avec un véritable accompagnement et la mise en place d’un référent parcours de santé au travail, pourrait constituer des pistes permettant de mieux préserver la santé des travailleurs et de fait leur activité professionnelle.

La lutte contre la hausse des dépenses liées aux arrêts de travail doit trouver son sens en tant que politique de Santé Publique, et non en tant que politique purement économique.

 

 

[1] Présentation Focus IJ, Conseil CNAM du 14/09/2023

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