« Nutri-Score Papers » : comment le lobby agro-industriel essaie de couler le Nutri-Score

Alors que l’exécutif européen s’était engagé à présenter fin 2022 une proposition d’étiquetage nutritionnel commun à l’ensemble des Etats-membres, le sujet semble aujourd’hui bel et bien remisé au placard : il ne figure plus à l’agenda, du moins d’ici à la fin de l’année 2023, et l’échéance des élections européennes en juin 2024 ne laisse guère d’espoir de le voir réapparaître.

Au printemps dernier, France Assos Santé regrettait ce « coup de frein » à la mise en place d’un outil aidant les consommateurs à choisir les produits alimentaires plus favorables à leur santé.

Cette fois, un rapport très documenté du BEUC (Bureau Européen des Unions de Consommateurs, dont deux de nos associations -UFC Que choisir et CLCV – sont membres) publié la semaine dernière en apporte désormais la preuve et en détaille les mécanismes.

Ce rapport (en anglais), intitulé “Food Label Ambush: How intense industry lobbying halted EU plans”, soit « L’étiquetage nutritionnel pris en embuscade : comment le lobbying intense de l’industrie a stoppé les projets de l’UE », met en évidence les mécanismes et l’intensité du lobbying mené l’année dernière pour stopper les projets de la Commission européenne pour la mise en place d’un étiquetage nutritionnel obligatoire des denrées alimentaires, et l’empêcher de choisir le Nutri-Score qui s’imposait pourtant de par son assise scientifique rigoureuse.

Il s’appuie sur des documents obtenus par l’ONG Foodwatch EU via une requête auprès de la Commission européenne qui lui a permis d’accéder au détail des échanges qui ont eu lieu en 2022 entre la Commission et les parties prenantes. Pas moins de 17 rendez-vous ont eu lieu entre les directions générales de la Commission et des acteurs économiques, là où les ONG n’étaient quant à elle reçues… que deux fois, dont l’une lors d’une réunion publique en présence d’autres acteurs : le déséquilibre est de taille ! Plus encore, courriels, lettres et procès-verbaux de réunions montrent en détail le matraquage de l’agro-industrie par de très nombreuses sollicitations pour mettre en garde contre le Nutri-Score jugé réducteur ou non étayé scientifiquement, ; elles mettent en évidence le rôle majeur de l’Italie dans cette opération de lobbying et l’usage massif de désinformations pour disqualifier le Nutri-Score, allant même jusqu’à suggérer que la mauvaise notation des produits sucrés à base de cacao ferait chuter leur consommation, nuisant par là-même aux pays producteurs de cacao ce qui augmenterait l’immigration en Europe » !

Si des arguments de ce type ont de quoi nous faire rire par leur absurdité, force est de constater que « plus c’est gros plus ça passe » au niveau européen : la pression exercée par les industriels sur les décideurs européens via de faux arguments a eu un effet lui bien réel, celui de faire rétropédaler la Commission européenne sur ses engagements, et de rayer le sujet du Nutri-Score de l’agenda bruxellois.

Comme le BEUC, France Assos Santé juge inquiétant qu’un simple outil permettant aux consommateurs d’être informés et de faire des choix éclairés en matière d’alimentation subisse un lobbying d’une agressivité telle qu’il est remisé au placard : qu’en sera-t-il lorsqu’il s’agira de prendre des mesures plus  audacieuses pour aider les consommateurs à adopter une alimentation plus saine et plus durable, par exemple pour contrer  le marketing agressif de produits nocifs pour la santé visant principalement les enfants?

France Assos Santé continuera à défendre avec vigueur la mise à disposition des consommateurs français et européen d’un outil les éclairant dans leurs choix alimentaires tel que le Nutri-Score, et à œuvrer pour que la Commission européenne remette à l’agenda son projet de législation pour adopter un étiquetage nutritionnel obligatoire à l’échelle de l’Union européenne, qui soit basé sur la science, comme c’est le cas du Nutri-score !

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