Après plus d’une année de débats dans toute la France, de travaux divers menés par nos instances (CCNE, Assemblée Nationale, Cour des comptes…), mais aussi par des éthiciens, des soignants de nombreuses spécialités confrontés à la fin de vie et leurs sociétés savantes, des chercheurs en sciences humaines et sociales, des juristes, et également par la société civile, les associations de personnes malades et de proches aidants; après la tenue d’une Convention citoyenne dont la qualité des travaux a été unanimement saluée et après des mois de réflexion avec des soignants et des parlementaires au sein de groupes de travail organisés par le Gouvernement, le projet de loi sur l’accompagnement des personnes en fin de vie est enfin arrivé cette semaine en examen à l’Assemblée nationale, en premier lieu par une Commission Spéciale de 71 députés constituée à cet effet.
Avant de s’attaquer à l’examen du texte et des amendements déposés par les députés en vue de son amélioration, la Commission Spéciale avait procédé à une semaine d’auditions de nombreuses parties-prenantes, dont France Assos Santé et plusieurs de ses associations, qui avaient permis de souligner aussi bien les points positifs que ceux soulevant des interrogations ou appelant des améliorations dans le projet de loi.
Au terme de cette semaine d’auditions, dont on ne peut que saluer la richesse des points de vue exposés dans leur diversité, pas moins de 1996 amendements ont été déposés. Plusieurs ont d’ailleurs été travaillés avec France Assos Santé afin que la future loi puisse répondre aux attentes et aux besoins des personnes malades. Les pistes d’amélioration sont en effet nombreuses, et portent pour la plupart sur des enjeux d’une importance cruciale pour les personnes malades : suppression de la mention de moyen terme, accès sur directives anticipées, collégialité de la réflexion, présence médicale accrue … Autant de sujets sur lesquels nous, associations de personnes malades et de proches aidants, avions des attentes, et en premier lieu, l’attente d’un débat parlementaire !
Mais, coup de théâtre, dans la nuit de 13 au 14 mai, l’Article 40 de la Constitution a été brandi par le Président de la Commission des Finances, lui-même saisi par la Présidente de la Commission Spéciale, faisant tomber près de 300 amendements, jugés irrecevables au motif qu’ils auraient pour conséquence d’augmenter les dépenses publiques.
Au temps pour la sérénité et la qualité des débats !
L’utilisation de l’Article 40, et ce qu’il sous-tend, à savoir que l’accompagnement de la fin de vie ne doit pas créer une nouvelle charge pour les dépenses publiques, est non seulement une entrave à l’examen démocratique des différentes mesures du projet de loi et à sa nécessaire amélioration pour qu’il réponde enfin aux besoins des personnes malades, mais plus encore un procédé questionnable étant donnés la nature du débat et ses enjeux éthiques, sociaux et humains, puisqu’il s’agit, rappelons-le, d’améliorer les conditions d’accompagnement et de fin de vie de personnes malades incurables, avec des souffrances réfractaires insupportables.
Certes, de nouveaux amendements seront déposés pour que ces différents enjeux puissent être débattus, mais il faudra pour cela supprimer la prise en charge par la sécurité sociale, ce qui in fine détériore un texte qui se voulait une réponse solidaire et fraternelle aux personnes en fin de vie qui ne trouvent pas de possibilités de soulagement à leurs souffrances insupportables dans le cadre législatif actuel.
France Assos Santé demande au Gouvernement de lever la possibilité de recourir à l’article 40 dans l’hémicycle afin que le débat qui s’y tiendra puisse être le plus complet possible !