La pertinence des actes médicaux en question

Bien soigner, ce n’est pas écraser les mouches avec des enclumes. Et bien gérer les dépenses d’Assurance maladie, ce n’est pas les injecter dans des pratiques dépassées et inefficientes !

 

Le 14 décembre dernier, la Fédération Hospitalière de France (FHF) a rendu publics ses constats et ses propositions « pour une véritable maîtrise médicalisée des dépenses de santé ». Humble, elle reconnaît qu’il n’y a rien là de détonnant, que « le sujet est connu depuis plus de trente ans » et qu’ « il serait illusoire d’apporter, en moins d’un an, des solutions radicales. »

 

Toutefois, les résultats de son étude présentent l’intérêt et l’originalité de provenir d’une instance représentative de plus de 1000 établissements publics de santé et autant de structures médico-sociales.

 

Cette « introspection » a ainsi l’avantage d’être incontestable par les praticiens eux-mêmes et surtout de relancer le débat sur l’(in)efficience de nombreux actes, médicaux, biologiques et radiologiques, l’insuffisance des examens cliniques, la géographie des actes et les différences de pratiques entre secteur privé commercial et secteur public.

 

Il est en effet intéressant de relever que les radiographies du crâne ont représenté près de 9 millions d’euros alors qu’on les sait le plus souvent « totalement inutiles ».

Cet attachement à prescrire des actes dépassés par des techniques d’imagerie plus modernes interroge : pourquoi et à qui profitent ces pratiques surannées ?

 

La FHF fait, par ailleurs, un constat, celui de la prévalence des adénoïdectomies (ablation des végétations) dans les régions à faible proportion de chirurgie lourde et, avisée, déduit l’existence d’un « effet de substitution » ou « mécanisme de compensation » qui « existe aussi dans certaines spécialités médicales […] tentées de compléter les activités purement cliniques longues et mal rémunérées par le recours à des machines ».

Cet « effet  de substitution », ou « mécanisme de compensation », ne découlerait-il pas, du moins en partie, de l’ « effet T2A » qui encouragerait les petits établissements à réaliser des actes chirurgicaux non pas inutiles, mais évitables aux moyens de (simples) traitements médicaux ?

 

Autre constat non dénué de sens, concernant cette fois les césariennes : « il existe une différence privé/public certaine, et […] les considérations non médicales sont largement présentes ».

Quelles sont donc ces « considérations non médicales » ? L’absence de réponse est éloquente. Même si la FHF introduit son étude en énonçant qu’elle s’est « refusée à séparer ces deux activités » (public et privé), certains écarts sont toutefois rapportés et se prêtent forcément à une comparaison selon le facteur « rendement ».

 

Concernant la chirurgie de la cataracte, la FHF relève « une densité plus forte de ces interventions dans un certain nombre de départements qui, pour la plupart, se situent sur le littoral de l’océan Atlantique ou de la Méditerranée. »

Si « l’agression visuelle réalisée par la réverbération sur les plans aqueux » est avancée comme cause possible de cette « variation », la densité de l’offre de soins est subodorée en premier plan : faut-il comprendre que plus le territoire comprend de médecins et d’établissements de santé, plus les rémunérations sont à rechercher dans l’exécution d’actes non pas injustifiés mais peut-être contournables ?

 

De nombreux examens seraient en outre prescrits « pour voir… pourquoi pas… ».

Les professionnels de santé cèderaient, selon la FHF, à la « pression des patients désireux d’être rassurés ».

Une autre analyse est permise, celle qui consiste à relier les excès d’actes techniques à un déficit de confiance en l’acte clinique. D’ailleurs, plus loin, la formation clinique des médecins est effectivement remise en cause. Son insuffisance pourrait provenir de la réduction à l’excès des durées moyennes de séjour qui ne permettrait plus de procéder efficacement aux techniques d’entretien, par exemple.

 

Là encore, l’ « effet T2A » joue à plein mais il serait simplificateur de ne viser que cette modalité de financement pour expliquer l’inclinaison des professionnels de santé pour les actes « chers ». Le principe du paiement à l’acte, assujettissant la rémunération des médecins de ville aux nombres d’actes réalisés, est en effet co-responsable de la réduction du temps médical consacré à l’examen clinique. Cette tendance peut conduire de nombreux patients à subir des examens « juste pour voir » pratiqués notamment dans les établissements de santé.

 

Au rayon des causes, la FHF évoque, par exemple, l’attitude des usagers, de plus en plus exigeants, et la judiciarisation qui pousserait à enclencher les « parapluies » pour s’exonérer de toute responsabilité. Est-ce un tort d’attendre de notre système de santé qu’il permette aux patients d’accéder aux technologies modernes de prise en charge ? Est-ce un recul social de réparer les préjudices médicaux de manière plus systématique ? La judiciarisation, souvent caricaturée à l’extrême, n’est pas une déviance sociale ou comportementale, elle procède au contraire du juste droit à réparation des préjudices subis.

 

Parmi les propositions de la FHF, trois semblent être de nature à tendre effectivement vers une plus grande « pertinence » des actes médicaux en France :

  • rendre accessible l’information sur les différences de pratiques médicales entre les territoires ;
  • rendre les « bonnes pratiques » opposables aux acteurs ;
  • adapter le financement des acteurs pour limiter les incitations à la réalisation d’actes inutiles.

 

La 8e proposition, « refonder la logique du contrôle exercé par l’Assurance maladie », aurait pu viser, au-delà du « contrôle par l’Assurance maladie », la « politique de maîtrise médicalisée des dépenses de santé » pour qu’enfin l’Assurance maladie recherche ses marges de manœuvres là où l’inefficience est la plus criante et non plus en se désengageant au profit d’un système de couverture des risques anti-solidaire alourdissant les restes-à-charge et les renoncements aux soins.

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