« Déserts médicaux » : l’abandon des pouvoirs publics

« Trouver un médecin » devient un sujet d’inquiétudes majeures pour plusieurs milliers d’usagers qui résident dans des lieux isolés ou ont le mauvais goût de tomber malades entre le 1er et le 15 août ou après 19h, ou le week-end…

 

Ces difficultés ne sont pas nouvelles et on ne peut pas dire non plus qu’elles ne soient pas établies par les statistiques, les économistes de la santé et plus généralement ceux qui ont pour mission d’observer ou d’auditer notre système de santé.

 

Pourquoi ces dysfonctionnements perdurent-ils et s’aggravent-ils sans que le pouvoir politique n’intervienne pour les résoudre ?

 

Quels sont les constats ?

  • La France n’a jamais compté autant de médecins : « Au 1er  janvier 2007, la France comptait 208 000 médecins actifs. Il s’agit là d’un maximum historique », explique la DREES 1.
  • Cependant, en raison d’une démographie vieillissante, le nombre de médecins diminuera fortement ces dix prochaines années. Le numerus clausus n’a été relevé que tardivement de sorte qu’il n’y aura pas d’amélioration avant une décennie.
  •  La répartition des médecins selon les régions montre une opposition très forte entre le Nord et le Sud du pays, exception faite de l’Ile-de-France.
  • Les jeunes médecins ne s’installent pas dans des régions jugées moins attractives. Quant à ceux qui y travaillent déjà, ils sont surchargés.

 

 

Qui combat vraiment les déserts médicaux ?

 

Quelques rares parlementaires. Ils avaient déposé des amendements au projet de loi HPST pour :

  • obliger tout étudiant en médecine à un stage en zone rurale ;
  • interdire toute nouvelle installation dans des zones marquées par la surdensité médicale sous peine de déconventionnement ;
  • rendre contraignants les schémas régionaux d’organisations des soins ambulatoires ;
  • créer des « contrats santé solidarité » afin que les médecins exerçant dans les zones « surdotées » s’engagent à contribuer à répondre aux besoins de santé de la population des « déserts médicaux » en prêtant ponctuellement main forte à leurs confrères qui y exercent, faute de quoi ils auraient à payer des pénalités financières sous forme d’une contribution annuelle forfaitaire ;
  • rendre obligatoire la déclaration des absences programmées par les médecins auprès de leurs instances ordinales.

 

 

La plupart de ces propositions ont été écartées par la majorité parlementaire. N’ont subsisté que quelques mesures comme les « contrats santé solidarité » et l’obligation de déclaration de l’absence programmée des médecins.

 

Moins d’un an après l’adoption de la loi, la ministre de la Santé et des Sports annonçait la suspension de ces « contrats santé solidarité » et cette obligation de déclaration des absences.

 

Nous avions exprimé alors notre déception (voir notre « Mauvais point » du 29 juin 2010) et restions dans l’attente de mesures de remplacement.

 

Aujourd’hui, c’est de suppression dont il est question. Une prochaine loi va donc défaire ce qu’une précédente avait timidement tenté d’instaurer pour lutter contre les déserts médicaux.

 

Les seuls acteurs à s’indigner sont les représentants des usagers et quelques rares élus locaux directement confrontés à ces situations.

 

Le gouvernement opte donc pour des conséquences de plus en plus délétères sur tout le système de santé.

 

Ne pas vouloir répartir les médecins en fonction des besoins réels des populations, c’est :

  •  rendre encore moins aisée la permanence des soins sur les territoires de santé ;
  • accroître le recours spontané aux structures d’urgence à un coût disproportionné : 22 € la consultation de ville, une centaine d’euros la prise en charge aux urgences !
  • voir des autorités, préfets et directeurs d’agence régionale de santé, de plus en plus interpellés par les élus locaux, d’autant qu’ « il n’est pas rare de constater le refus de déférer à la réquisition de la part des médecins » . D’ailleurs, « la tendance est d’éviter ce processus, par ailleurs susceptible de mettre à mal l’autorité de l’Etat »  ;
  • décourager les professionnels qui exercent dans les déserts médicaux, en milieu rural notamment où ils sont de moins en moins nombreux et de plus en plus âgés.

 

 

Cette majorité parlementaire et ce gouvernement ont donc choisi leur camp : contre la population, pour les déserts médicaux, avec les médecins.

 

A moins que l’on ait voulu se débarrasser de la patate chaude et la refiler aux agences. Elles se débrouilleront peut-être un peu mieux, notamment si les associations et les élus locaux dans les conférences régionales de santé et de l’autonomie savent mettre la pression face au lobby de la médecine libérale qui exècre toute contrainte. Car pour eux il s’agit de rompre avec le pacte social qui exigeait jusqu’à une période récente qu’en échange d’une rémunération payée par la collectivité les médecins soient répartis en fonction des besoins de la population et non pas en fonction de leurs envies.


(1) DREES, « La démographie médicale à l’horizon 2030 », dans Etudes et Résultats, n°679, février 2009.
(2) Rapport de la mission de médiation et propositions d’adaptation de la permanence des soins, Dr Jean-Yves Grall, août 2007.
(3) Ibid.

 

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