En tant qu’association représentant les usagers de la santé et les patients, nous défendons depuis longtemps l’accompagnement au numérique des usagers, particulièrement important dans le contexte actuel de dématérialisation croissante des services publics et de la place toujours plus forte du numérique dans les parcours de santé. La récente réduction drastique du budget à l’inclusion numérique prévue par le projet de loi de finance 2025 constitue, à cet égard, une régression inquiétante. Après les effets d’annonce de ces dernières années pour former massivement des professionnels afin de doter les usagers d’un accompagnement de proximité nous nous inquiétons de ce soudain désengagement.
Les conseillers et médiateurs numériques jouent en effet un rôle crucial pour les personnes éloignées du numérique, un phénomène qui touche près de 16 millions de Français, jeunes comme âgés et sur tout le territoire. Les patients sont confrontés à des parcours de soins complexes, à une offre de santé peu lisible et un recours presque obligatoire aux services en ligne. Cela touche de nombreux besoins pour leurs démarches administratives, faire valoir leurs droits ou simplement prendre leurs rendez-vous médicaux. L’accompagnement numérique est essentiel pour garantir un accès égal aux soins et aux droits. Les chiffres partagés par la MedNum sont pourtant éloquents, 97 % des personnes soutenues par un dispositif d’accompagnement au numérique ont rapporté une amélioration dans leur utilisation du numérique, ce qui tend à démontrer leur efficacité.
En conséquence, la disparition de la majorité des 4 000 postes de conseillers numériques et des autres dispositifs d’accompagnement ou de soutien aux acteurs de l’inclusion numérique risque d’aggraver les inégalités d’accès aux services de santé, en particulier pour les personnes les plus éloignées du numérique, qui sont déjà celles sur lesquelles pèsent le plus les inégalités de santé. Les patients, déjà confrontés à la complexité du système de santé, se verront encore plus isolés. Télémédecine, accès aux droits sociaux en santé, gestion des données de santé et de son carnet de santé numérique (Mon Espace Santé), arrivée des applications mobiles (télésurveillance médicale, etc.), le numérique est partout dans le monde de la santé. Pourtant selon Santé Publique France, 46 % des adultes français se trouvent en difficulté ou grande difficulté pour chercher et utiliser des informations de santé en ligne.
De nombreux rapports comme ceux du Sénat et de le Cour des Comptes pointent notamment le sous-dimensionnement de ces financements ainsi que leur précarité, et le besoin d’une stratégie de formation ambitieuse. Une réduction si drastique mettrait en péril le service rendu aujourd’hui, et qui reste encore insuffisant à nos yeux. C’est particulièrement crucial dans le champ de la santé alors que les conseillers ne bénéficient pas de formations ou de compétences adéquates dans de nombreux cas pour faire face aux demandes des usagers quand celles-ci dépassent le simple accompagnement sur Ameli.fr ou l’ouverture de Mon Espace Santé.
Ne pas investir dans la montée en compétences et la professionnalisation des acteurs de l’inclusion numérique pour un réel service d’accompagnement de proximité c’est hypothéquer les plus de 300 millions d’euros déjà investis ces dernières années dans ce domaine. Le temps des économies qui a consisté à la dématérialisation et la désertification des territoires par les services publics de proximité et de santé est derrière nous. Il est temps désormais d’en réinvestir une partie pour assurer l’accompagnement et donc l’égalité de traitement de tous les usagers. Désengager l’Etat sur ces services revient à briser la continuité du soutien aux personnes éloignées du numérique. Il s’agit d’une question de justice sociale, de santé publique et de solidarité, pas d’économies de bouts de chandelle.