Le risque zéro n’existe pas avec l’alcool. France Assos Santé, aux côtés d’associations partenaires œuvrant dans la prévention contre les addictions, n’a de cesse de le marteler.
Ce message avait été entendu par 135 députés – dont l’actuel ministre de la Santé, Yannick Neuder –, tous signataires d’une proposition parlementaire de loi (PPL), transpartisane, lancée par les députés Loïc Prud’homme (LFI) et Karine Lebon (Gauche Démocrate et Républicaine), autour d’une ambition fédératrice : agir en prévention contre les risques liés à l’alcool en adoptant des mesures pour protéger les jeunes des publicités en faveur de l’alcool.
Las, cette ambition a été retoquée par la conférence des Présidents des différents groupes politiques, chargée d’établir l’ordre du jour à venir. En lieu et place, la semaine de l’Assemblée nationale du 10 mars s’ouvrira…sur l’examen d’une PPL visant à simplifier l’ouverture des débits de boisson en zone rurale !
Loin de nous l’idée de railler l’enjeu réel de revitalisation de certains territoires, mais ce choix prêterait presque à rire, si l’alcool n’était pas la 2e cause de mortalité évitable, avec 41 000 morts par an – l’équivalent d’une ville comme Montélimar rayée de la carte chaque année. Et comme si ça ne suffisait pas, l’alcool représente un coût social de 102 milliards d’euros par an – urgences, hospitalisations, maladies chroniques, arrêt de travail, invalidité, etc. –, somme qui devrait interpeler dans le contexte actuel de restrictions budgétaires.
Non, le risque zéro n’existe pas avec l’alcool. Et plus on commence tôt à consommer, plus les dommages sur la santé sont importants.
Parmi les mesures de prévention qui font l’unanimité de l’ensemble des experts en santé publique (OMS) et chercheurs (Inserm, etc.) figure la restriction du marketing autour de l’alcool. Les études l’attestent : la publicité a des conséquences directes sur les comportements et l’entrée dans la consommation des jeunes. Selon l’EHESP et l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT), 79 % des jeunes de 15-21 ans déclarent voir des publicités pour l’alcool chaque semaine, et 23 % d’entre eux affirment que ces publicités les incitent à consommer. Un collégien sur dix a déjà connu l’ivresse et 37 % des adolescents de 17 ans déclarent un épisode de binge drinking dans le mois.
Alertés par ce constat accablant, France Assos Santé, avec la Ligue contre le cancer, l’UNAF et des associations d’entraide des personnes en prise avec des conduites addictives de la CAMERUP, a documenté et dénoncé le matraquage publicitaire auquel les enfants sont soumis jusqu’à la proximité immédiate des établissements scolaires, dans le cadre de sa campagne Pas d’alcool sur le chemin de l’école, lancée en juin 2024.
De son côté, l’association Addictions France alerte dans un rapport fourni sur le nouveau « Far West » de la promotion de l’alcool sur les réseaux sociaux, où la profusion et le caractère éphémère des contenus rendent la loi Evin facile à contourner.
Ces deux actions associatives montrent à quel point l’environnement quotidien des plus jeunes est saturé de visuels idéalisant l’alcool (coloré, festif, exotique, grisant, etc.).
A cet égard, nous ne pouvons que saluer le travail et l’engagement des 135 députés, issus de 9 groupes politiques différents, qui ont pris la mesure de cet enjeu capital de santé publique et entendu les attentes des Français. De fait, 89 % de nos concitoyens se prononcent en faveur de l’interdiction de la publicité pour l’alcool à proximité des établissements scolaires, selon l’enquête Toluna-Harris de décembre 2023 pour France Assos Santé.
A contrario, nous ne pouvons que déplorer la décision des Présidents des différents groupes politiques qui n’ont pas jugé prioritaire d’agir pour la protection des jeunes et la prévention des risques liés à l’alcool…au lendemain d’un Défi de janvier (Dry January) qui a mobilisé 17 millions de personnes, soit un Français sur quatre.
France Assos Santé et les associations œuvrant pour la prévention en santé, l’accès aux soins, la protection des familles et la lutte contre le cancer et les maladies liées à l’alcool n’abandonneront pas le combat. Nous continuerons à nous mobiliser pour demander que la protection des jeunes vis-à-vis de l’alcool soit mise à l’agenda des débats parlementaires !