Stocks de sécurité des médicaments : l’Europe n’est pas un obstacle

Lors de l’examen en deuxième lecture du PLFSS 2021, la Commission des affaires sociales de l’Assemblé nationale s’est, une nouvelle fois, opposée à l’allongement de 2 à 4 mois de la durée des stocks de sécurité pour tous les MITM, au motif qu’il s’agirait d’une mesure irréaliste et contraire aux règles de l’UE. Cette mesure, votée en première lecture par le Sénat, avait pourtant pour objectif de lutter contre les pénuries de médicaments, dont le nombre et la durée continuent à augmenter de façon exponentielle dans tous les États membres. S’abriter derrière l’Europe pour refuser d’endosser la responsabilité d’actions impopulaires est un grand classique en France, mais il s’agit en l’occurrence d’un argument sans fondement.

  1. Les entreprises pharmaceutiques disposeront d’un délai suffisant pour pouvoir augmenter leur production et s’adapter aux niveaux de stocks requis en France, sans que cela n’impacte les ventes dans les autres pays de l’UE.

Dans le projet de décret d’application de l’article 48 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, les entreprises pharmaceutiques disposent déjà d’un délai de 6 mois entre la publication du texte et sa mise en application pour augmenter leur production. Ce délai leur permet de constituer des stocks de sécurité sans que cela ne nuise à l’approvisionnement des autres pays de l’UE. Dans le cadre de stocks de sécurité de 4 mois, une période d’adaptation plus longue pourrait néanmoins être prévue pour certains MITM.

Par ailleurs, les plans de gestion des pénuries (PGP) publiés sur le site de l’ANSM montrent qu’il existe déjà des stocks de sécurité de 4 mois pour certains médicaments, sans que cela n’ait aucun impact sur les ventes dans les autres États membres de l’UE*. Il s’agit au contraire d’une bonne pratique qui doit être étendue par la loi à l’ensemble des MITM.

  1. L’obligation de stocks de sécurité de 4 mois pour les MITM s’inscrit dans une dynamique européenne de prévention des pénuries

L’augmentation exponentielle des pénuries de médicaments en Europe et les risques considérables que cela génère pour la santé et la prise en charge des patients ont été constatés aussi bien par le Parlement européen dans sa Résolution du 17 septembre 2020 sur la pénurie de médicaments**, que par la Commission européenne dans sa feuille de route sur la stratégie pharmaceutique de l’UE publiée en juin 2020 (Ares(2020)2858413).

La France n’est d’ailleurs pas le premier pays à imposer la constitution de stocks de sécurité en Europe. En Finlande, cette obligation a été inscrite dans la loi dès 2008 et la durée des stocks pour certains médicaments considérés d’intérêt thérapeutique majeur peut atteindre 10 mois. Aux Pays-Bas, la constitution de stocks de sécurité de 5 mois (4 mois à la charge des producteurs pharmaceutiques et 1 mois à la charge des grossistes répartiteurs) est actuellement en discussion.

Ces mesures nationales devront s’inscrire dans le cadre d’une coordination européenne que le Parlement de l’UE appelle de ses vœux et dont la France pourrait assurer le leadership, comme elle le fait déjà pour les PGP.

*Plan de Gestion de Pénurie PGP_07
Plan de Gestion de Pénurie PGP_44

** A l’article 11 de sa Résolution (2020/2071(INI), le Parlement européen rappelle que: « les pénuries de médicaments ont une incidence directe sur la santé et la sécurité des patients, ainsi que sur la continuité de leur traitement; souligne que, pour les patients, les conséquences des pénuries de médicaments incluent: une progression de la maladie ou une aggravation des symptômes en raison d’un retard du traitement, une transmission évitable de maladies infectieuses, un risque accru d’exposition à des médicaments falsifiés et une importante détresse psychologique pour les patients et leur famille ».

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