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Sport sur ordonnance : belle intention, mais…

Sport sur ordonnance : belle intention, mais…

Le décret n° 2016-1990 du 30 décembre 2016 relatif aux conditions de dispensation de l’activité physique adaptée prescrite par le médecin traitant à des patients atteints d’une affection de longue durée entre en vigueur le 1er mars. Présentation de ce dont il s’agit… et de ce dont il ne s’agit pas, en particulier du fait qu’il n’y a malheureusement pas de prise en charge financière prévue de ces activités prescrites aux personnes les nécessitant.

L’article L. 1172-1 prévoit que, dans le cadre du parcours de soins des patients atteints d’une affection de longue durée (ALD), le médecin traitant peut prescrire une activité physique adaptée à la pathologie, aux capacités physiques et au risque médical du patient. Le décret précise les conditions dans lesquelles sont dispensées ces activités physiques adaptées et prévoit les modalités d’intervention et de restitution des informations au médecin traitant.

Ce qu’il faut retenir du décret

– Une activité sportive, dispensée par des intervenants précis, PEUT faire l’objet d’une prescription médicale…

Cette faculté entre donc dans la palette des prescriptions médicales, au même titre que d’autres traitements recommandés.

– … par le MÉDECIN TRAITANT…

Il s’agit là d’un privilège qui ne se justifie pas spécialement du point de vue de l’intérêt des personnes malades. Un médecin correspondant pour suivi régulier, vers lequel un médecin traitant adresse son patient, n’est pas, a priori, moins qualifié pour prescrire de l’activité physique.

– … EN ACCORD AVEC LE PATIENT…

Décision partagée avec le patient ! Essentielle. Car l’adhésion au traitement – et on le voit en particulier ici avec la prescription d’une activité physique engageant les patients dans une démarche au long cours nécessitant forcément une démarche volontaire  – est toujours un des facteurs les plus influents pour le succès de la thérapeutique.

– … ATTEINT d’UNE ALD…

Restriction regrettable. En effet, c’est exclure des bénéficiaires de cette prescription un ensemble de personnes confrontées à des problèmes ou à des risques pour leur santé et pour qui il serait pourtant avéré que l’activité physique contribue à l’amélioration de leur état de santé. On pense notamment aux malades souffrant d’hypertension artérielle sévère (pathologie retirée de la liste des ALD en juin 2011) et aux personnes en surpoids ou obèses, ne présentant pas (encore) de comorbidité entrant dans le champ des ALD.

… AU VU DE SA PATHOLOGIE, DES SES CAPACITÉS PHSYSIQUES ET DU RISQUE MÉDICAL QU’IL PRÉSENTE…

C’est en effet l’avantage de ce type de prescription : elle est adaptable au profil de chaque malade. Son intensité pourra ainsi dépendre de ce que les uns et les autres peuvent et acceptent de consentir et cette recherche devra inciter les médecins traitants à pousser l’entretien avec leurs patients pour personnaliser leurs prescriptions.

Le décret précise en outre le sens d’une activité physique adaptée au sens de l’article L. 1172-1 et les intervenants en mesure de dispenser cette activité prescrite (1).

Ce que ne prévoit pas le décret

Ni ce décret ni aucun autre texte ne prévoient l’intégration de l’activité physique dans le panier de soins remboursable par l’Assurance maladie obligatoire. Pour quelles raisons, alors même que le bien-fondé scientifique et l’intérêt d’une telle prescription ne sont plus discutés ?

Certes, il existe plusieurs options de prise en charge, par le Réseau Santé Bien-Être, par des collectivités locales ou des complémentaires santé, mais de manière certaine, on n’obtiendra jamais les résultats escomptés en termes d’amélioration de la qualité de vie et d’égalité de traitement tant que la solidarité nationale n’assurera pas l’accès à tous les malades, où qu’ils résident, quels que soient leurs capacités financières ou leur niveau de débrouille pour se rapprocher des bons réseaux.

Comment justifier qu’une personne atteinte d’une ALD à Strasbourg bénéficie d’aides spécifiques pour la prise en charge d’une activité sportive prescrite alors qu’un dijonnais n’y aurait pas droit ?

Les complémentaires santé, nombreuses à proposer des forfaits de prises en charge, pourraient bien renforcer ce type d’offres contractuelles pour attirer à elles de nouveaux clients. C’est d’ailleurs ainsi que le business de la santé prospère et que l’égalité d’accès aux soins se fragmente peu à peu, favorisant les salariés, les intégrés, les informés, aux dépens des non assurés, des éloignés et des exclus.

Et que l’élite active ne se rassure pas pour autant, le prix de leurs complémentaires santé augmentera d’année en année, à mesure que l’on reconnaîtra les prescriptions fort utiles mais hélas non prises en charge par l’Assurance maladie obligatoire.

Si nous n’avons pas vu depuis plusieurs années de vagues de déremboursement ou de transfert de charges de l’Assurance maladie obligatoire vers les complémentaires santé, notre système de prise en charge reste toutefois  sensible aux sirènes de la privatisation rampante. Les nombreux exemples de prises en charge, par les complémentaires santé, de différents objets de santé connectée et, demain, du sport sur ordonnance, doivent nous alerter et nous appeler à réfléchir à la notion de panier de soins remboursables et  au repositionnement de la Sécurité sociale.

La question de la prescription d’activité physique est indissociable de celle de la prise en charge. Sans garantie, les bonnes intentions pourraient causer un peu plus d’inégalités sociales.


(1) « 1° Les professionnels de santé mentionnés aux articles L. 4321-1, L. 4331-1 et L. 4332-1 ;

« 2° Les professionnels titulaires d’un diplôme dans le domaine de l’activité physique adaptée délivré selon les règles fixées à l’article L. 613-1 du code de l’éducation ;

« 3° Les professionnels et personnes qualifiées suivants, disposant des prérogatives pour dispenser une activité physique aux patients atteints d’une affection de longue durée :

«-les titulaires d’un diplôme figurant sur la liste mentionnée à l’article R. 212-2 du code du sport ou enregistrés au répertoire national des certifications professionnelles, ainsi que les fonctionnaires et les militaires mentionnés à l’article L. 212-3 du code du sport ;

«-les professionnels et personnes qualifiées titulaires d’un titre à finalité professionnelle ou d’un certificat de qualifications figurant sur la liste mentionnée à l’article R. 212-2 du code du sport ou enregistrés au répertoire national des certifications professionnelles qui sont énumérés dans une liste d’aptitude fixée par arrêté conjoint des ministres chargés des sports, de l’enseignement supérieur et de la santé ;

« 4° Les personnes qualifiées titulaires d’une certification, délivrée par une fédération sportive agréée, répondant aux compétences précisées dans l’annexe 11-7-1 et garantissant la capacité de l’intervenant à assurer la sécurité des patients dans la pratique de l’activité. La liste de ces certifications est fixée par arrêté conjoint des ministres chargés des sports et de la santé, sur proposition du Comité national olympique et sportif français.

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