Risques liés aux médicaments : à quand un outil centralisé pour informer rapidement toutes les personnes concernées ?

Progestatifs et tumeurs cérébrales : confirmation du risque pour 3 nouvelles substances

Dans le cadre de la surveillance renforcée des progestatifs, EPI-PHARE, le groupement d’intérêt scientifique constitué par l’Agence Nationale de Sécurité des médicaments et des produits de santé (ANSM) et la Caisse Nationale d’Assurance Maladie (Cnam), a conduit une nouvelle étude de pharmacovigilance afin d’évaluer le risque de méningiome associé aux progestatifs. Cette étude montre qu’il n’y a pas d’augmentation des risques avec les stérilets au lévonorgestrel mais elle confirme le risque de méningiome pour 3 nouvelles substances. L’ANSM établit également des recommandations préliminaires afin d’encadrer les risques pour ces substances. Encore faudrait-il que toutes les femmes sous traitement de progestatifs en soient informées.

Un comité scientifique temporaire s’est réuni ce 28 juin pour proposer des recommandations pour limiter les risques au regard de cette dernière étude. Nous nous félicitons d’une large représentation associative, nous espérons vivement que nos recommandations seront suivies.

Les progestatifs, des hormones de synthèse largement prescrites en France

Les progestatifs sont des hormones de synthèse dont l’action est similaire à la progestérone, une hormone féminine naturelle qui sert à préparer l’utérus pour une grossesse. Ces médicaments sont très utilisés pour traiter de nombreuses pathologies gynécologiques, comme l’endométriose, les fibromes, les règles longues et/ou abondantes et les troubles du cycle. Ils sont également prescrits pour remplacer les hormones que l’organisme ne produit plus lui‑même (y compris ménopause). En obstétrique, ils sont utilisés lorsque la stérilité est induite par les hormones ou en cas d’avortements à répétition. Enfin les progestatifs sont également des moyens de contraception et utilisés dans certains parcours de transition.

Les méningiomes, des tumeurs cérébrales bénignes qui nécessitent un traitement chirurgical lourd et à risque

Les méningiomes sont des tumeurs cérébrales rares qui se développent à partir des méninges, les membranes qui protègent le cerveau et la moelle épinière. En France, on observe chaque année environ 9 à 10 nouveaux cas de méningiome pour 100 000 patients. Les femmes sont deux fois plus touchées que les hommes.

Les méningiomes se développent lentement et sont souvent asymptomatiques. Ils sont alors découverts de manière fortuite, lors d’un scanner ou d’une IRM cérébrale. Des symptômes neurologiques, provoqués par la compression du cerveau par la tumeur, peuvent néanmoins se manifester. Ainsi, des maux de tête, des troubles de la vision, de la parole, de l’audition, de l’odorat ou de la mémoire, mais aussi des vertiges ou des crises d’épilepsie, peuvent en être le signal.

Un des facteurs de risque de méningiomes est l’exposition à des radiations ionisantes lors de radiothérapie crânienne. La grossesse, période de changements hormonaux, en est un autre. En effet, ces tumeurs cérébrales sont dotées de récepteurs hormonaux qui les rendent sensibles aux progestatifs.

Si les méningiomes sont des tumeurs bénignes dans 90 % des cas, en cas de symptômes douloureux et handicapants, leur traitement passe par une opération chirurgicale lourde et à risque qui consiste en l’ablation de la ou des tumeurs.

Lien établi entre progestatifs et tumeurs cérébrales

Entre 2019 et 2020, des études épidémiologiques menées par EPI-PHARE ont démontré le risque de méningiome associé à la prise de trois progestatifs : Androcur, Lutényl, Lutéran.

Ces études indiquaient que le risque augmente fortement avec la dose cumulée, la durée du traitement et l’âge de la patiente. En conséquence, les indications de ces médicaments ont été fortement restreintes, leurs prescriptions ont beaucoup diminué et le nombre d’ablations chirurgicales de méningiomes a baissé. Néanmoins des craintes subsistaient pour d’autres progestatifs.

La nouvelle étude publiée par EPI-PHARE visait donc à évaluer chez les femmes le risque de méningiome opéré lié à l’utilisation d’autres progestatifs prescrits en France : progestérone, médrogestone, médroxyprogestérone, dydrogestérone, promégestone, diénogest. Le risque lié aux stérilets hormonaux au lévonorgestrel, a également été étudié.

Cette étude, menée chez plus de 18 000 femmes opérées d’un méningiome entre 2009 et 2018, montre que l’utilisation prolongée de Surgestone 0,5 mg, de Colprone 5 mg et de Depo Provera 150 mg / 3 ml est également associée à un surrisque de méningiome, augmenté lorsque la durée d’utilisation de ces médicaments dépasse 1 an.

Ainsi, pour le Surgestone, le risque de méningiome est multiplié par 4,1, pour le Depo Provera, par 5,6 et pour le Colprone par 4,1. Le premier n’est plus prescrit depuis 2 ans, le deuxième est très peu utilisé, en revanche le troisième, le Colprone, est beaucoup plus problématique car il est prescrit en remplacement du Lutéran, du Lutényl et d’Androcur. En 2021, environ 52 000 femmes ont été exposées au Colprone selon l’ANSM.

A contrario, les résultats pour les stérilets au lévonorgestrel 13,5 et 52 mg, contraceptifs largement utilisés, ne montrent pas de surrisque. De même, l’exposition à la progestérone et à la dydrogestérone (Duphaston et Climaston) n’est pas associée significativement à un surrisque.

Des études complémentaires nécessaires

Si cette nouvelle étude permet d’y voir plus clair, le tableau des risques de méningiomes liés aux progestatifs n’est pas complet pour autant. En effet, sur la période 2009-2018, le progestatif Visanne et ses génériques, dont le principe actif est le diénogest, n’étaient pas suffisamment prescrits pour disposer de données statistiques fiables permettant de tirer des conclusions sur sa dangerosité. Sa prescription a en revanche beaucoup augmenté à partir de 2020, pour traiter notamment l’endométriose.

Une information imparfaite

En cas d’alerte sur un médicament, l’information circule quelques jours dans les médias et sur les réseaux sociaux puis disparaît. Résultat : de nombreux patients exposés ignorent qu’ils sont potentiellement en danger.

« Aujourd’hui encore l’envoi de courriers d’information aux personnes concernées n’est possible qu’après une longue et laborieuse consultation des bases locales de remboursement de l’assurance maladie. De plus, ces bases ne permettent pas de remonter au-delà d’une période de 24 mois. » souligne Yann Mazens, chargé de mission Produits de Santé au sein de France Assos Santé.

L’information directe des patients, un enjeu majeur de sécurité sanitaire

Pourtant, dans les cas rapportés en pharmacovigilance, notamment sous médrogestone et progesterone, les femmes sont en majorité âgées de plus de 50 ans au moment du diagnostic du méningiome, avec en général 10 à 15 ans de traitement par progestatifs.

Pour l’ensemble des produits de santé France Assos Santé demande de longue date un dispositif sécurisé et centralisé, permettant une information directe des patients sur une longue période. Lors de la crise de la COVID 19, les autorités ont été capables de transmettre des informations personnalisées aux personnes concernées : les moyens techniques et les outils numériques pour un rappel rapide et massif existent. Ne manque plus que la volonté politique. C’est un enjeu majeur de sécurité sanitaire.

Médicaments progestatifs et exposition de la population générale

Médicament Progestatif présent Exposition
Depo Provera 150 mg / 3 ml acétate de médroxyprogestérone Très peu utilisé
Surgestone 0,5 mg Promégestone Plus prescrit depuis 2 ans
Colprone 5 mg Médrogestone 52 000 femmes exposées en 2021
Estima, Progestan Ultrogestan et génériques Progesterone 690 000 personnes exposées en 2021
Climaston et Duphaston Dydrogesterone 264 000 personnes exposées en 2021
Climodiene, Misolfa, Oedien, Qlaira, Visianne et générique Dienogest 50 000 femmes ont été exposées en 2021

Sources : ANSM, Progestatifs et risque de méningiome – Séance du vendredi 13 janvier 2023

Liens utiles :

La base de données publique des médicaments permet au grand public et aux professionnels de santé d’accéder à des données et documents de référence sur les médicaments commercialisés ou ayant été commercialisés durant les trois dernières années en France. : https://base-donnees-publique.medicaments.gouv.fr

Les médicaments peuvent provoquer des effets indésirables. Pour en améliorer la prescription et protéger les autres patients, il est essentiel de déclarer ses effets indésirables à son médecin ou sur le portail des événements sanitaires indésirables : https://signalement.social-sante.gouv.fr/

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