Pour mieux connaître les représentants des usagers, donnons-leur la parole : entretien croisé avec deux d’entre eux

Depuis le 8 janvier, France Assos Santé met en avant les représentants des usagers, via une nouvelle campagne de communication, qui s’affiche jusqu’au 12 janvier dans la presse quotidienne régionale et jusqu’au 15 janvier dans les stations de métro et de RER de Paris/Ile de France. Objectif : mieux faire connaître au grand public celles et ceux que l’on surnomme aussi les RU. Pour en savoir plus sur leur rôle et leur engagement, nous avons interviewé Laurence Grandjean, 50 ans, de la Chambre de consommation d’Alsace et du Grand-Est, et Vincent Leclercq, 34 ans, de l’association à AIDES-Ile de France.

Quel a été le déclic qui vous a conduits à devenir représentant des usagers ?  

Laurence Grandjean – Très tôt, j’ai été confrontée à des situations qui m’ont interpellée et pour lesquelles je pensais que la voix des usagers devait être portée. L’observation et le bon sens ont été les moteurs premiers de mon engagement comme représentante des usagers. À l’époque, il y a vingt-cinq ans, le patient n’était que peu, voire pas du tout associé à son parcours de soins. Il y avait vraiment une scission entre le corps soignant et le patient. En tant qu’individu seul, je savais que je n’aurais pas voix au chapitre. En tant qu’espace d’expression, France Assos Santé, auquel adhérait déjà le collectif associatif dans lequel j’évoluais, m’a semblé le lieu tout indiqué pour apporter ma contribution. Aujourd’hui, je siège en tant que bénévole dans de nombreuses instances au sein du CHU de Strasbourg, dont la commission des usagers (CDU).

Vincent Leclercq – Pour ma part, j’ai grandi dans l’engagement. Ayant rejoint l’association AIDES à l’âge de 17 ans, en tant que bénévole, ça a toujours été naturel pour moi de parler au nom des patients. Et il y a deux ans, j’ai franchi un pas supplémentaire en devenant représentant des usagers, suppléant du moins, dans une clinique d’addictologie qui accueille beaucoup de personnes issues de la communauté LGBT+, concernée par des problématiques liées à la consommation de produits psychoactifs, thématique sur laquelle nous travaillons au sein de notre association.

En quoi consiste votre participation au sein des instances représentatives ?  

Vincent Leclercq – Au sein de la CDU, la discussion est très ouverte, la direction n’est pas sur la défensive. Quand les personnes de l’établissement présentent leurs différents rapports, notre contribution consiste à les amener à dépasser les chiffres énoncés pour aller vers une interprétation des résultats. La problématique de la consommation de produits toxiques entraîne un certain nombre de questions sur l’accueil des personnes. Cet espace est l’occasion de recontextualiser, de rappeler la vie des personnes en situation d’addiction, de gérer la frustration des proches en cas d’échec, etc. Les choses sont rarement simples, notre présence permet de partager avec les personnels soignants ce vécu-là et de réfléchir, le cas échéant, aux solutions qui pourraient être mises en place. À cet égard, j’ai vraiment la sensation d’être utile.

Laurence Grandjean – En commission des usagers, les RU sont respectés, mais au début, on nous regardait comme des intrus, déterminés à révolutionner le système en place. Petit à petit, les mentalités ont évolué : la direction du CHU de Strasbourg et les professionnels de santé se sont rendu compte que notre action ne se voulait pas contre, mais avec eux, dans une dynamique d’échanges. D’autres évolutions sont nécessaires, il conviendra d’œuvrer afin que les RU puissent être associés très en amont dans l’élaboration des axes stratégiques de l’établissement ou encore du projet du CHU. En effet, les RU sont aussi force de propositions et, à ce titre, doivent être partie prenante.

L’un de vos rôles est de défendre les usagers. Ces derniers savent-ils toujours qu’ils peuvent s’adresser à vous ?  

Laurence Grandjean – Au sein du CHU de Strasbourg, il existe plusieurs possibilités de nous contacter : il y a le livret d’accueil, des affiches dans les services et dans les pôles, où figurent nos mail et numéro de téléphone dédiés. Mais au-delà de la question de la visibilité, l’autre problème tient à la méconnaissance de nos missions, y compris chez les professionnels de santé. C’est pourquoi, au sein du CHU de Strasbourg, nous avons décidé, conjointement avec la direction, de délocaliser la CDU dans les services. Cette itinérance nous permet d’associer, outre les patients, les équipes de soins ainsi que les associations de patients qui agissent dans ces services. Il y a un double aspect, pédagogique et amplificateur.

Vincent Leclercq – Nos coordonnées sont dans le livret d’accueil de l’établissement, il y a également des affiches, mais avec le titulaire du mandat, nous discutons sur l’opportunité d’être davantage présents, en organisant par exemple des permanences. Nous sommes toutefois dans une structure où les patients sont plutôt sur des séjours courts et ponctuels.

Que diriez-vous à une personne qui réfléchirait ou hésiterait à s’engager comme représentant des usagers ?

Vincent Leclercq – Pour moi qui ai toujours été militant, cet engagement permet d’acquérir une meilleure connaissance du système de santé, notamment par la formation qui est prodiguée par France Assos Santé pour être RU. Je ne pensais pas, par exemple, que cet écosystème était aussi structuré et codifié. L’approche dans l’instance au sein de laquelle je siège est moins frontale que ce que j’ai pu connaître, cet engagement permet d’acquérir une meilleure connaissance du système de santé et de constater qu’il y a d’autres manières plus apaisées, plus constructives d’échanger avec le personnel de santé. On n’est pas obligé, en outre, d’être immédiatement expert. Les formations proposées par France Assos Santé nous permettent de bonifier notre apprentissage. C’est important en vue d’une représentation de qualité, comme il est important qu’il y ait des contre-pouvoirs pour veiller au bon fonctionnement du système de santé.

Laurence Grandjean – La dynamique associative permet de participer aux débats locaux, régionaux, nationaux. Nous sommes en contact direct avec les instances décisionnaires, ce qui nous permet de porter et défendre des propositions au nom des patients et usagers, mais aussi de s’inscrire dans un processus de plaidoyer afin de faire évoluer des situations ou des réglementations. Pour preuve, les évolutions enregistrées depuis la loi de 2004, dite loi Kouchner, et, plus récemment encore, lors des premiers temps de la pandémie, la mobilisation des associations et de France Assos Santé a permis, par l’interpellation des élus de proximité, de gérer au mieux la situation.

En conclusion, il n’y a que des bénéfices à s’investir ? 

Vincent Leclercq – Être RU, c’est une manière de contribuer à un effort de solidarité. Quand on est malade, on n’est pas toujours en mesure de faire valoir ses droits. On a besoin de relais. Les représentants des usagers jouent ce rôle de relais.

Laurence Grandjean – Les représentants des usagers produisent du bien collectif. Leurs actions profitent à toute la société. Aujourd’hui, une des difficultés pour assurer cet engagement reste la relève dans toutes les missions des RU. Pour assurer ce renouvellement, et plus particulièrement auprès des personnes actives professionnellement, le cadre réglementaire doit évoluer. Actuellement, il ne prévoit qu’un temps limité pour accomplir cette mission, loin d’être suffisant pour assurer une présence assidue et se former. Un travail reste à mener auprès des pouvoirs publics afin de faire évoluer ce cadre. Mener à bien une représentation des usagers quand on a plusieurs mandats peut demander de prendre sur son temps propre. Si, personnellement, mon emploi du temps professionnel me permet certains aménagements, cela peut être un frein pour d’autres personnes.

Vous aussi, vous souhaitez vous engager en tant que représentant des usagers ?

Vous voulez en savoir plus sur les représentants des usagers ?

Retrouvez le dossier tiré de notre enquête exclusive, soulignant leur engagement.

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