Pénuries de médicaments : la feuille de route 2024-2027 passée au crible

La feuille de route 2024-2027 de lutte contre les pénuries de médicaments a été présentée le 21 février dernier. Objectif : garantir la disponibilité des médicaments et assurer à plus long terme une souveraineté industrielle. Que faut-il en penser ? On fait le point.   

Mieux vaut tard que jamais. Attendue depuis plusieurs mois, la feuille de route 2024-2027 visant à lutter contre les pénuries de médicaments a été dévoilée le 21 février dernier. La précédente, qui avait couvert la période 2019-2022, s’était achevée, sans suite ni renouvellement. L’existence de cette nouvelle feuille de route constitue donc un point positif, surtout dans un contexte de pénuries persistantes.

Catherine Vautrin, ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités, Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’Industrie et de l’Energie ainsi que Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la Santé et de la Prévention, cette nouvelle feuille de route se fixe pour objectif, a-t-il été précisé, d’innover, produire, distribuer, prescrire et soigner.

Concrètement, elle propose de nombreuses aides à destination des industriels, notamment en ce qui concerne la relocalisation de la production et l’augmentation des prix de certains médicaments, à l’instar de l’amoxicilline, de la classe des antibiotiques, en échange du respect par les industriels de leurs obligations de stocks. France Assos Santé demande une totale transparence sur les conditionnalités et contreparties de ces aides. En mars 2023, nous avions dénoncé le chantage à l’augmentation des prix exercé par l’industrie pharmaceutique. Au cours de cette présentation de la nouvelle feuille de route, la Direction générale de la santé (DGS) a reconnu que les augmentations de prix concédées aux producteurs d’amoxicilline se soldaient par un bilan « ni positif, ni négatif ». Une chose est sûre, en revanche, l’impact sera bien négatif pour notre système solidaire d’Assurance maladie. 

La feuille de route facilite également la reprise de l’exploitation et de la fabrication lorsqu’un industriel décide d’arrêter la commercialisation d’une molécule. France Assos Santé espère vivement que cette mesure, déjà inscrite dans la loi de financement de la Sécurité sociale 2024 (LFSS) sera rapidement opérationnelle. Rappel : la création de préparation hospitalière spéciale (possibilité de production hospitalière lorsqu’il n’existe pas de spécialité pharmaceutique adaptée ou disponible), en lien direct avec cette mesure, et qui figure dans la LFSS 2022, est toujours en attente d’un décret d’application…

Autre axe mis en avant : le bon usage des médicaments essentiels, à commencer par les antibiotiques. France Assos Santé se félicite des mesures qui vont dans ce sens et qui sont déjà inscrites dans la LFSS 2024. Pour autant, qui dit bon usage dit information, en amont, et prescription, en aval. Car, faut-il le rappeler, les prescripteurs ont leur part de responsabilité dans le gâchis, la gabegie et les risques qui en découlent. La tendance à incriminer les (seuls) patients est, à cet égard, un peu abusive. Un encadrement des prescriptions – qui préserverait les possibilités de prescriptions hors AMM (maladies rares, pédiatrie…) – doit être mis en œuvre.

Un angle mort dans cette feuille de route : l’augmentation des stocks de sécurité. Seule une obligation de constitution de stocks de sécurité de 4 mois pour l’ensemble des médicaments à intérêt thérapeutique majeur permettrait de limiter les interruptions de traitements, les effets indésirables consécutifs à un changement de traitement en urgence, bref les pertes de chance.

Deux chiffres et un rappel pour terminer. Emettre des feuilles de route, c’est bien, les évaluer, c’est mieux. En 2023, 4 925 signalements de risque ou de ruptures ont été recensés, contre 1 499 en 2019. Enfin, ces feuilles de route doivent nécessairement s’accompagner d’un rappel à la loi, notamment vis-à-vis des industriels qui ne remplissent pas leurs obligations pourtant inscrites dans le code de la santé publique. Ce qui vaut aussi pour les sanctions prévues.

Notre feuille de route, à France Assos Santé, c’est de veiller à la bonne application de la loi.

Laisser un commentaire public

Votre commentaire sera visible par tous. Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Logo Santé Info Droits

Partager sur

Copier le lien

Copier