Alors que Mon Espace Santé fête ses deux ans, le ministère du Travail, de la Santé et des Solidarités dévoile les derniers chiffres concernant l’adoption par les usagers du carnet de santé numérique. Quelles avancées ? On fait le point.
Avec plus de 11 millions de personnes, soit près de 16 % de la population, qui ont activé à date leur compte Mon Espace Santé, le service de l’Assurance maladie et du ministère de la Santé a-t-il trouvé son public ? La dernière enquête de la Délégation ministérielle du Numérique en Santé (DNS), réalisée en janvier sur un échantillon représentatif de plus de 2 000 personnes, nous instruit doublement sur ce point.
L’étude confirme tout d’abord le bon niveau de notoriété de Mon Espace Santé auprès du public interrogé, un plébiscite à tempérer cependant par sa composition. Si près de 35 % des personnes interrogées affirment avoir activé Mon Espace Santé, ce chiffre est à mettre en relation avec les 16 % réels relevés par l’Assurance maladie. Les répondants sont, en revanche, unanimes sur l’intérêt d’avoir à leur disposition leurs documents de santé : 93 % d’entre eux estiment être en droit de pouvoir disposer de tous les documents qui sont émis par les professionnels de santé les concernant, et autant à estimer pouvoir décider qui est en droit d’y accéder. Mon Espace Santé répond donc à un enjeu majeur pour les usagers, à savoir l’accès à leur dossier médical, encore souvent difficile.
En quoi Mon espace Santé peut-il favoriser l’accès à son dossier médical : le témoignage de six usagers et/ou patients
J’ai un parcours complexe, avec beaucoup de rendez-vous et donc de documents qui sont rédigés au fur et à mesure de mes consultations, analyses, etc. Depuis que Mon Espace Santé est alimenté, en particulier par mon hôpital, je reçois beaucoup plus vite les documents de mon suivi médical, et même des documents auquel je n’avais jamais eu accès avant.
Je suis greffée du rein, j’ai donc un traitement lourd et un suivi médical important. Mais je voyage beaucoup. Avoir une copie de mon dossier médical toujours à portée de main, avec l’ensemble de mes comptes-rendus, c’est très rassurant et sécurisant.
Je regrette que mes médecins n’utilisent pas Mon Espace Santé, mes résultats de frottis se sont perdus et je n’ai pas reçu de compte rendu de biologie ni été recontactée par ma gynécologue. C’est inquiétant pour les patients et surtout ça peut être dangereux pour nous. Une intervention était nécessaire dans mon cas, elle a eu un an de retard !
Le centre hospitalier qui me suit pour mon cancer refuse de me fournir directement les résultats d'imagerie me concernant, m'obligeant à chaque fois à faire une réclamation, ce qui induit plusieurs semaines de délai pour les obtenir. Avec tous les outils numériques d’aujourd’hui comme Mon Espace Santé, ça me parait anachronique.
Dans l’hôpital où je suis suivi, ils affirment ne pas pouvoir regarder dans Mon Espace Santé. J’ai dû y mettre moi-même 173 documents et je suis obligé de leur montrer sur l’écran de mon téléphone quand c’est nécessaire, lors des consultations.
En tant que patient chronique, je crois beaucoup dans le Dossier Médical Partagé. J’ai moi-même ajouté pas mal d‘anciens documents, car les médecins n’y ont jamais touché. Mais ça progresse ! Grâce à l’historique que j’avais constitué, ma dentiste a retrouvé un antécédent d’endocardite auquel je ne pensais plus, ce qui a nécessité une adaptation prophylactique avant l’intervention ! Mais j’ai dû râler à mon laboratoire d’analyse pour qu’ils m’envoient sur Mon Espace Santé les comptes-rendus.
Dépôt de documents, engagement des différents acteurs : des chiffres en hausse
Concernant l’implication des professionnels de santé vis-à-vis de Mon Espace Santé, France Assos Santé constate peu d’amélioration. Alors que notre enquête rapportait, fin 2022, que seulement 18 % des personnes sondées avaient pu échanger avec un professionnel de santé concernant Mon Espace Santé, l’étude de la DNS estime, un an plus tard, à environ 21 % la proportion des usagers de la santé qui ont entendu parler de Mon Espace Santé par leur médecin. Un point d’amélioration à surveiller, d’autant que, selon notre enquête, dans 1 cas sur 4, l’accueil du médecin était défavorable à Mon Espace Santé, alors même que 57 % des usagers se déclarent prêts à l’utiliser sur recommandation de leur médecin.
Avec 300 000 nouvelles activation chaque mois, l’adoption du carnet de santé numérique progresse de manière constante. C’est aussi la même proportion d’usagers (350 000) qui l’utilisent chaque semaine. Si ces chiffres peuvent sembler encore en deçà des attentes, il y en a un qui ne ment pas, celui des documents envoyés vers les comptes Mon Espace Santé. La cible officielle des 250 millions de documents dans Mon Espace Santé par an est en effet en passe d’être atteinte, avec près de 20 millions de documents envoyés chaque mois à la fin de l’année 2023. C’est plus du triple de documents comparé à il y a un an. Le service est sur le point de franchir l’obstacle du « contenu » qui avait provoqué l’échec de feu le Dossier Médical Partagé, avec un total d’à peine plus de 10 millions de documents en près de dix ans. Et cette performance peut encore être améliorée, car les médecins de ville ne sont, à ce jour, qu’à la moitié de l’objectif fixé par les pouvoirs publics.
En un an, les usagers et patients ont eux aussi été actifs : ils ont doublé le nombre de documents ajoutés par leurs soins, pour dépasser les 13 millions fin 2023. Parmi ces ajouts, on dénombre plus de 850 000 directives anticipées ou encore 900 000 comptes-rendus de biologie, selon la DNS.
L’étude du ministère met en avant la bonne confiance des usagers dans la sécurité de Mon Espace Santé (75 % des répondants). Un chiffre proche de notre enquête de fin 2022, qui indiquait que les inquiétudes sur la sécurité des données représentaient un frein pour 20 % des répondants. En revanche, les personnes interrogées continuent de regretter un manque d’information sur le service et son utilité de cet outil numérique, comme c’était déjà le cas un an plus tôt. Pourtant, 91% des utilisateurs sont prêts à recommander Mon Espace Santé à un proche, ce qui tendrait à prouver que c’est en l’utilisant qu’on se rend compte de ses bénéfices.
Des résultats encourageants, donc, après deux ans de fonctionnement, mais des progrès restent à faire pour convaincre et imposer Mon Espace Santé dans les parcours de santé de tous. Fin 2022, France Assos Santé avait identifié trois pistes à développer pour favoriser l’essor de Mon Espace Santé :
- La nécessité de renforcer auprès de tous les publics l’information sur les bénéfices attendus de Mon Espace Santé afin d’amplifier son appropriation et son utilisation ;
- Le rôle insuffisant des professionnels de santé dans le déploiement de l’usage de l’outil alors qu’ils ont un rôle majeur de prescripteurs ;
- La nécessité de ne pas laisser sur le bord du chemin les publics éloignés du numérique et/ou du système de santé, et de concrétiser les travaux pour déléguer l’accès à un aidant.
Ces objectifs restent d’actualité !
Bonjour, je regrette que les vaccinations ne soient pas automatiquement renseignées comme c’était le cas pour le site dédié au covid. C’était un outil intéressant et il a été supprimé mais non repris dans l’espace santé.
Les analyses de sang sont enregistrées si le laboratoire d’analyse est équipé du bon logiciel.
Bonjour, mon espace santé est très mal conçu et si les professionnels n’y mettent pas systématiquement leurs données, ça ne sert quasiment à rien. Comment l’état peut payer des environnements aussi mal pensés, compliqués et au final qui ne vont pas servir à grand chose. Ca doit faire au moins 30 ans que le sujet est sur la table pour un tel résultat, c’est affigeant… Je ne sais pas comment a été faite la conception de l’espace mais surement pas avec le retour des pros et des patients. C’est surtout la société de développement qui a du gagner pas mal d’argent sur le dos de l’état.