Depuis la première ouverture en 1995 d’une maison des usagers (MDU), à l’hôpital Broussais, à Paris, d’autres espaces de ce type, dédiés aux patients, aux associations ainsi qu’aux représentants des usagers du système de santé, ont essaimé sur l’ensemble du territoire. Une MDU pour quoi faire ? Visite guidée à plusieurs voix de la maison des usagers du centre hospitalier de Niort (Deux-Sèvres). Bientôt dix ans d’existence, et une exemplaire co-construction centrée autour de la participation des usagers de la santé.
Impossible de rater la maison des usagers du CH de Niort. Il y a d’abord son emplacement, au niveau de l’entrée de l’hôpital général, à deux pas des guichets d’accueil et d’admission, et juste en face des machines à café, lieu généralement propice à scruter l’environnement proche ; il y a ensuite l’espace lui-même, spacieux et tout en transparence, rappelant les relais presse dans les lieux de transit, tables et fauteuils en plus. Au final ? Une maison des usagers (MDU), sur le passage de toute personne se rendant à une consultation, à la visite d’un proche, etc., et qui, de surcroît, attire l’œil.
De l’aveu même de Nadine Joseph-Henri, chargée de la cellule juridique et des relations usagers à la Direction des usagers et de la qualité du CH de Niort, elle a été « agréablement surprise » quand elle a découvert ce lieu, dont la vocation est d’accueillir, informer, écouter et aider les usagers du système de santé. « Avant, les associations étaient éparpillées dans l’hôpital ou au sein des services, à l’instar de la Ligue contre le cancer, en oncologie, ou de l’UNAFAM, en psychiatrie, précise-t-elle. En les réunissant dans un lieu unique, elles bénéficient d’une plus grande visibilité ». Inaugurée en mai 2015, la maison des usagers de l’hôpital de Niort est aujourd’hui « bien identifiée », assure Nadine Joseph-Henri.
Un espace interassociatif ouvert et modulable
En bientôt dix ans, la MDU du CH de Niort est coanimée par 28 associations, contre 8 initialement, parmi lesquelles des associations de santé locale qui n’ont pas d’agrément santé mais qui s’intègrent dans l’histoire du territoire. Cette croissance est probablement à mettre sur le compte de l’étroite collaboration entre une direction historiquement sensibilisée à l’information et la représentation des usagers et un tissu associatif local vivant et aspirant à faire vivre la démocratie en santé. Dotée d’un numéro de téléphone et d’une adresse mail uniques, accessibles sur son site internet, la maison des usagers affiche le planning des permanences des associations, également disponible sur le site. Parmi celles-ci, Renaloo, dont le représentant, Laurent Di Meglio, est aussi président de la Commission des usagers de l’hôpital et membre du bureau national de France Assos Santé. Il y a essentiellement deux profils de personnes qui franchissent la porte de l’espace des usagers, observe-t-il : « Il y a les personnes malades qui viennent chercher de la documentation, parler de leur pathologie, voire échanger directement avec le permanent de l’association qui les concerne, en particulier si elles ont pris rendez-vous au préalable, et il y a celles qui s’adressent à nous pour des renseignements en vue par exemple d’une médiation ou pour évoquer une problématique à laquelle elles ont été confrontées ». L’espace prévoit, à cet effet, une salle plus confidentielle, protégée des regards.
Les associations qui sont trop modestes pour avoir un espace public en ville peuvent aussi profiter de cette MDU pour organiser leur assemblée générale annuelle. D’autres encore l’utilisent pour y programmer des groupes de paroles. En décembre, par exemple, le comité France Parkinson 79 en a prévu deux, concomitamment, l’un pour les patients, l’autre pour les aidants : « Cette bulle qu’est la maison des usagers de l’hôpital de Niort est très pratique, se félicite Katia Bodinier, déléguée départementale de l’association, basée à Thouars. Elle constitue une opportunité pour déployer les groupes de paroles, y compris là où nous n’avons pas d’autres lieux pour nous faire connaître et assurer ce type de soutien. Cet espace nous permet de donner un repère aux personnes touchées par la maladie de Parkinson ainsi qu’à leurs proches ». Et, bien sûr, les permanents assurent la documentation et l’orientation pour toute personne en quête d’information, quelle que soit la maladie qui l’a amenée à s’adresser à la maison des usagers.
Un vrai lieu d’échanges
Cette maison n’est pas qu’un espace associatif ouvert aux patients et/ou leurs proches. « C’est aussi un vrai lieu d’échanges, affirme Claire Laplace, chargée des relations usagers à la Direction des usagers et de la qualité de l’hôpital. Les professionnels de santé y passent également pour venir chercher des informations ou orienter un patient, le cas échéant. Les opérations de sensibilisation que nous menons ensemble, soignants et associatifs, sur les droits des malades, par exemple, ou autour de la prévention (dénutrition, dépistage cancers, etc.), favorisent ses relations et montrent bien l’intérêt de coopérer. » Pour Katia Bodinier, la circulation de l’information profite à tous : « Pour les soignants, pouvoir discuter avec notre permanent, atteint lui-même de la maladie de Parkinson, est un plus dans le sens où nous sommes à même de leur dire ce que nous attendons des professionnels de santé qui passent au domicile, par exemple ». En cela, et pour bien d’autres raisons encore, « il est essentiel d’être présent », complète la déléguée départementale de l’association France Parkinson. De fait, cette présence est aussi un moyen pour les associations de fidéliser les patients et leurs proches, de créer de nouveaux liens et, in fine, de générer de nouveaux adhérents.
En parallèle, ajoute Nadine Joseph-Henri, de la Direction des usagers et de la Qualité, « toutes les personnes nouvellement recrutées par l’hôpital de Niort, services administratifs compris, reçoivent une formation de 1 heure sur les droits des patients ». Concrètement, poursuit Laurent Di Meglio, qui coopère à l’élaboration du contenu de cette présentation, « nous expliquons ce qu’est une association, un représentant des usagers, en quoi consiste l’espace des usagers ou encore à quoi sert la Commission des usagers ». Ce n’est pas tant pour faire la leçon, que pour favoriser le rapprochement avec des personnes que les nouveaux arrivants n’auraient pas forcément pu identifier sans cette brève sensibilisation sur la place des usagers du système de santé.
Favoriser le partage du savoir
Cette acculturation déborde même les murs de l’hôpital stricto sensu, puisque le Centre de formation paramédicale (CFP), adossé (et rattaché) à l’hôpital de Niort – qui réunit l’Institut de formation en soins infirmiers (IFSI), l’Institut de formation d’aides-soignants (IFAS) et l’Institut de formation d’auxiliaires-puéricultrices (IFAP) –, invite régulièrement des patients à s’exprimer devant les étudiants. Depuis trois ans, par exemple, Laurent di Meglio, au nom de Renaloo, et Nadine Joseph-Henri viennent témoigner de la plus-value de l’expérience patient pour mettre en place des soins adaptés et de l’importance de l’aspect relationnel de leur métier. France Parkinson fait aussi de la sensibilisation à l’IFSI, à raison « d’une à deux interventions par an », précise Katia Bodinier. « Notre objectif est d’amener les étudiants à décentrer leur regard, autrement dit à ne pas voir le patient à travers le seul prisme de sa maladie, mais à le considérer comme un partenaire, défend Erika Brousse, adjointe de direction du Centre de formation paramédicale. Or les bilans des étudiants en attestent : en termes de transmission, le vécu du patient évoqué par le formateur n’a pas le même impact qu’un récit fait par le patient lui-même. Dans ce dernier cas, les mots sont incarnés. » L’acquisition des savoirs par le patient, et la valorisation de cette compétence, sont deux données sans cesse mises en avant dans l’enseignement délivré aux futurs soignants du CFP, dont certains exerceront au CH de Niort.
Cette approche plurielle pose d’ailleurs la question éminemment complexe des critères d’évaluation de la qualité des soins. « En matière de ressenti, de douleur, de signes d’alerte, etc., le patient connaît mieux que nous sa pathologie. Un soin réussi, c’est quand il y a rencontre entre la personne malade et le soignant », affirme Aude Parpay-Blouin, puéricultrice et formatrice à l’IFAS et l’IFAP.
De nouvelles perspectives
La maison des usagers du CH de Niort s’apparente ni plus ni moins à un carrefour. Outre les outils, conseils, échanges et doléances, qu’on peut respectivement y trouver, y nouer, y faire ou y recueillir, cet espace facilite la circulation des informations et le dialogue entre les associations de patients, les représentants des usagers et l’hôpital, avec pour résultat de favoriser la réactivité, en particulier en cas d’anomalies ou de dysfonctionnements, ou pour tout sujet à inscrire à l’ordre du jour de la commission des usagers. « Cette transparence fait bouger les choses », note Laurent Di Meglio.
En prévision des dix ans de la MDU, l’ensemble des parties prenantes affiche une ambition commune : rendre plus dynamique cet espace. Si la pandémie de Covid a fatalement entraîné une baisse de sa fréquentation, l’ouverture d’un salon des sorties, prévue au cours du premier trimestre 2025, juste derrière la maison des usagers, est perçue comme un « appel d’air » par Nadine Joseph-Henri, Claire Laplace et Laurent Di Meglio. « Il y aura des patients, des proches en attente, ce qui va générer du trafic, détaille le président de la CDU. Et comme les représentants des usagers ont été associés à ce projet, il a été acté que les permanents pourront aller voir ces personnes. » Quand fluidité rime avec efficacité.
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