L’Unaf fête ses 80 ans : entretien au long cours

Ce 3 mars 2025, l’Union nationale des associations familiales (Unaf) soufflera ses 80 ans d’existence. Véritable paquebot, l’Unaf porte aujourd’hui la voix de 18 millions de familles, compte une centaine d’unions départementales et 13 unions régionales. Acteur incontournable des politiques familiales, l’Unaf est aussi un des piliers de la démocratie en santé, en tant que co-fondatrice du Collectif interassociatif sur la santé (CISS), l’ancêtre de France Assos Santé. Marie-Pierre Gariel, administratrice de l’Unaf et membre du bureau de France Assos Santé, revient pour nous sur cette longue histoire, sans oublier d’avoir aussi un œil sur les enjeux qui attendent l’union pour les prochaines années.

Quel bilan dressez-vous de ces 80 années au service des familles ?

Marie-Pierre Gariel – Je mettrais en avant la capacité d’adaptation de l’institution familiale à être restée, tout au long de ces années, force de propositions pour répondre aux besoins des familles, par-delà même l’évolution de la composition des familles. Au début, c’était plus les allocations familiales, puis ça a été les avantages fiscaux, puis les services avec notamment la garde des enfants, qui constitue aujourd’hui un élément primordial dans la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle, en lien avec la place prise par les femmes dans la société et le monde du travail.

Durant toutes ces années, la sociologie de la famille a aussi beaucoup changé. Là encore, il a fallu s’adapter…

M-P. G – De fait, l’Unaf a été capable d’intégrer progressivement, dans sa réflexion et ses missions, des domaines qui, à l’origine, n’intéressaient pas spécifiquement les politiques familiales. Je veux parler de la diminution des familles nombreuses, de l’apparition des familles monoparentales, puis recomposées, puis homoparentales, entre autres.

Au fil des années, vous avez également investi de nouveaux secteurs, dont celui de la santé, par exemple…

M-P. G – On peut toujours dire que la famille est dans tout et que tout est dans la famille ! Mais, oui, il y a des domaines qui ont été plus ou moins investis par l’Unaf. Pour la santé, la porte d’entrée a été la sollicitation faite en 1991 à l’Unaf par les autorités publiques de participer aux discussions, en préfiguration de la loi du 31 juillet 1991portant réforme hospitalière. C’est vraiment à ce moment-là que l’union est apparue comme incontournable, car elle a une vision globale de la santé, et non pas seulement par le prisme de la maladie, du handicap ou de la vieillesse.

A quoi pensez-vous, par exemple ?

M-P. G – Par exemple, la Haute Autorité de la santé (HAS) nous sollicite pour élaborer les questionnaires destinés aux parents dans le cadre de la réforme du bilan de santé en école maternelle. Cela concerne plus globalement l’équilibre de l’enfant par rapport au rythme de vie de ses parents, etc. On tire toujours de multiples ficelles à partir d’un sujet, en l’occurrence ici la santé de l’enfant, mais ça peut aussi être la périnatalité (avec le post-partum, par exemple), les aidants (avec la défense du congé proche aidant), etc.

Le tournant, c’est donc 1991, avec la réforme hospitalière qui a conduit d’ailleurs à la participation des représentants des familles dans les conseils d’administration des établissements de santé…  

M-P. G – En fait, l’Unaf a créé un secteur santé dès 1986 et réalisé depuis de nombreuses études sur des thématiques liées à la santé des familles. Néanmoins, c’est à partir du tout début des années 90 que l’Unaf a perçu l’importance de rendre visible la participation des usagers de la santé, pour que les familles soient mieux entendues lorsqu’elles ont besoin de recourir au système de soins, hospitalier mais pas seulement. Et il y a eu une sorte de conjonction, dans le sens où les instances ont également anticipé qu’il y avait quelque chose à faire autour de cette réflexion.

La suite, ça a été la création en 1996 du Collectif interassociatif sur la santé (CISS) à laquelle vous avez contribué avec l’association Aides, engagée dans la lutte contre le sida…    

M-P. G – L’Unaf et Aides ont pris conscience au même moment qu’elles avaient une parole qui devait s’enrichir des différences, en se rapprochant d’autres associations, qu’elles soient de patients, de consommateurs, de personnes handicapées, etc. L’une et l’autre ont eu cette espèce de génie de se dire qu’il fallait se structurer pour que, ensemble, nous puissions organiser cette participation des usagers afin de la rendre réellement effective et non qu’elle devienne une participation « alibi ». Evidemment, les attentes divergeaient d’une association à l’autre, mais, si cela pouvait passer pour une alliance étonnante, pour ce qui de la représentation des usagers, chacune des associations du collectif, Aides, l’Unaf, Le Lien, la Ligue contre le cancer, APF Handicap, etc., avait quelque chose à dire. En se regroupant, notre parole serait forcément plus forte.

Plus forte et davantage diffusée aussi…

M-P. G – Le CISS, c’était l’assurance d’être présent partout. En région Provence-Alpes-Côte d’Azur, je me souviens très bien que ce sont les autorités de l’ARS PACA qui ont sollicité l’Union régional des associations de familles (Uraf) – dont j’étais la vice-présidente à l’époque – pour créer le CISS PACA, afin d’avancer sur la question des droits des usagers. Ce n’était pas forcément le cas dans l’ensemble du réseau de l’Unaf, mais l’Uraf PACA a vite considéré que le fait de pouvoir compter sur un collectif de militants pour améliorer la prise en charge des patients, leurs droits, etc., constituait un plus pour les autorités sanitaires. Il faut se souvenir qu’à cette époque, l’usager du système de santé n’avait guère son mot à dire.

En 2017, le CISS est devenu l’UNAASS. Où en est aujourd’hui le réseau associatif ?     

M-P. G – On commence à sortir de la période qui a consisté à structurer le collectif, avec toutes les pesanteurs qui se rattachent à cet exercice, pour entrer dans une phase de construction d’une vraie politique de représentation des usagers, avec notamment ce grand axe de la formation qui prend bien ses marques et, en même temps, cette volonté de développer et de rendre visible le réseau de France Assos Santé.

Au sein de l’Unaf, des personnes s’interrogent-elles encore aujourd’hui sur l’intérêt de faire partie du réseau de France Assos Santé ?

M-P. G – Non, car il y a une réelle plus-value à France Assos Santé, en raison de l’expertise des équipes, et du service plaidoyer en particulier, dans les différents champs de la santé (publique, numérique, médicaments, etc.) qu’à l’Unaf, moi, par exemple, je n’avais pas. Or, pour pouvoir être à la hauteur des enjeux et réagir au bon moment, une structure comme celle de France Assos Santé est très utile dans un secteur aussi complexe que celui de la santé.

Le mois de mars 2025 marque le 5e anniversaire du Covid. Quel regard portez-vous sur la démocratie sanitaire ?     

M-P. G – Je dirais qu’en matière de démocratie, de manière générale, il faut toujours rester vigilant. Malgré tout, en santé, il faut continuellement veiller au maintien de l’équilibre entre des forces qui pourraient sembler contradictoires, avec d’un côté les « sachants » et de l’autre les représentants des usagers qui ont des choses à faire valoir, y compris dans la formation des professionnels de santé. Chacun à sa juste place, et ça, ce n’est jamais acquis.

Quatre-vingts ans d’histoire pour l’Unaf, nous le disions. Quelle ambition pour les prochaines années ?

M-P. G – C’est toujours d’apporter les bonnes réponses aux besoins des familles et, donc, de défendre un modèle de politique familiale qui ne soit pas un modèle de politique sociale ciblé sur les familles les plus pauvres ou les plus en difficultés. L’Unaf représente toutes les familles, celles qui peinent comme celles qui sont plus à l’aise. Aujourd’hui, un des grands challenges est de donner confiance aux familles, notamment pour mener à bien leur projet d’enfant, car si le taux de natalité est descendu à un peu moins de 1,7 enfant par famille, le désir d’enfant est toujours, lui, de 2,2. Depuis 2014, nous alertons les pouvoirs publics. Donc, pour l’Unaf, c’est le combat de la volonté politique de soutenir les familles.

Fin 2025, les mandats des représentants des usagers (RU) en Commission des usagers seront renouvelés. Ce sera sans doute aussi un temps fort pour l’Unaf… 

M-P. G – Le réseau Unaf est celui qui fournit le plus de RU à France Assos Santé, ce qui est assez normal. De par notre ancienneté, nous avions déjà un vivier très important. Il n’empêche, on a prévu de mobiliser notre réseau, dont les Unions départementales des associations départementales (Udaf) pour leur demander s’ils rempilent et les conseiller pour aller chercher de nouveaux candidats. Des webinaires sont d’ores et déjà prévus pour sensibiliser les présidents des Udaf. Plus globalement, je suis assez optimiste concernant cette échéance. Compte tenu de la notoriété acquise par le réseau, France Assos Santé est aujourd’hui plus apte qu’il y a sept ans à faire comprendre en quoi il est important de se mobiliser en tant que représentant des usagers.

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