La loi « Sport sur ordonnance » : cinq ans d’exercice(s) !

Depuis le 1er mars 2017, toute personne souffrant d’une maladie chronique peut se voir prescrire par son médecin une activité physique adaptée (APA), selon les termes de la loi dite « Sport sur ordonnance ». Conçue pour faire du bien aux patients, l’APA n’est toutefois pas remboursée, sinon partiellement. Et ce n’est qu’un frein parmi d’autres. Bilan cinq ans après la mise en œuvre.    

En ce 5 mars, Mireille remet, pour la première fois depuis plusieurs mois, des chaussures compensées, et non plus ses tennis, pour se rendre chez son kinésithérapeute. Sa voix est allègre. À 52 ans, Mireille se remet d’un cancer du sein gauche sévère, repéré en juillet 2021. Chimiothérapie, mastectomie avec retrait de 4 ganglions, radiothérapie, « mon corps s’est retrouvé très fatigué au terme de tous ces traitements, sans parler du contre-coup », témoigne-t-elle. C’est en échangeant avec une autre patiente qu’elle a eu vent du dispositif proposé par la Ligue contre le cancer, en faveur de la pratique d’une activité physique adaptée (APA) de remise en forme.

C’est ainsi qu’elle a initié des séances de gymnastique douce, trois pour commencer, en guise à la fois d’évaluation personnalisée et d’essai. Cette entrée en matière a d’ores et déjà transformé son quotidien : « J’ai gagné en assurance. Quand je fais mes courses, je ne ressens plus de déséquilibre comme avant. De même, mon bras gauche a retrouvé un peu plus d’amplitude et les étirements qu’on a fait ont apaisé mes douleurs diffuses, en particulier articulaires ». Pouvoir à nouveau se jucher sur des talons, forcément, c’est jour de fête pour Mireille.

« L’impression de lâcher les valises »

En prévision de l’hormonothérapie qu’elle s’apprête à entamer, elle entend continuer à raison de deux séances hebdomadaires. Elle en est convaincue, l’exercice est indispensable. « Le fait d’être active me permet de me réapproprier mon corps, de découvrir même des capacités insoupçonnées, d’atténuer la douleur. C’est l’occasion aussi de partager avec d’autres patientes nos difficultés et d’échanger des astuces. L’exercice nous défocalise de notre maladie : on a l’impression de lâcher les valises », lance-t-elle avec enthousiasme. « L’activité physique est un remède qui mérite la première place », indique le Pr François carré, cardiologue et médecin du sport au CHU de Rennes. C’est précisément l’objet de la loi dite « Sport sur ordonnance » qui fait de l’exercice une thérapeutique à l’égal des médicaments. Entrée en vigueur il y a cinq ans, elle concerne aujourd’hui quelque 10 % de patients atteints d’une maladie chronique, dont le nombre total est estimé à 20 millions.

« Initialement, ce dispositif était réservé aux personnes en affection de longue durée (ALD), précise le Pr Martine Duclos, chef du service de médecine du sport du CHU de Clermont-Ferrand. Mais dans la pratique, il a spontanément été élargi aux maladies chroniques et/ou facteurs de risque, tels que l’hypertension, l’obésité ou encore l’hypercholestérolémie. » Et c’est maintenant officiel : l’amendement voté en 2021 par les députés, entérinant cet état de fait et autorisant aussi les médecins spécialistes à prescrire de l’APA, en plus des généralistes, a été promulgué le 2 mars dernier. En cinq ans, la loi n’a cessé de s’étoffer. C’est ainsi que tous les patients avec un cancer stabilisé pourront bientôt effectuer un bilan médico-sportif, une disposition qui devrait ensuite se généraliser aux personnes diabétiques. Cancer, diabète de type 2, maladies cardio-vasculaires, pathologies ostéo-articulaires, dépression, etc., les innombrables bienfaits de l’exercice ne sont plus à démontrer. Ses bénéfices sont rapportés dans l’expertise collective de l’Inserm de 2019, intitulée Activité physique, prévention et traitement des maladies chroniques.

« Une perte de chance »

L’exercice est conseillé avant tout traitement médicamenteux pour la dépression légère à modérée, le diabète de type 2 et l’obésité. L’activité physique adaptée (APA) réduit l’impact des séquelles neuromusculaires après un AVC, fait baisser de 30 % la mortalité chez les patients ayant eu un infarctus et améliore grandement la qualité de vie des patients souffrant de pathologies ostéo-articulaires. En cancérologie, elle est préconisée à toutes les étapes de la maladie, pour lutter contre la fatigue et/ou la toxicité des traitements, ainsi que pour prévenir le risque de récidive. « Ne pas prescrire une activité physique adaptée à un patient chronique est une perte de chance pour lui », souligne le Pr François Carré, coauteur de l’expertise de l’Inserm.

Comme pour un médicament, les objectifs de progression et la posologie (combien de séances par semaine, à quelle dose, etc.) sont définis par le médecin traitant, lors d’une consultation destinée à mesurer la motivation du patient, son niveau d’exercice habituel et ses capacités à pratiquer une activité physique, en lien avec sa pathologie. Ce doit être du sur-mesure, pour ne pas dégoûter le patient, dont le rapport à l’effort physique est bien souvent entaché de « pensées limitantes », selon les termes du Pr Martine Duclos. Laure a 59 ans. Prise en charge au CHU de Rennes pour une insuffisance rénale, elle a suivi, fin 2021, un programme d’activité physique adaptée (APA) de huit semaines, à raison de 2 séances hebdomadaires. « Cet accompagnement adapté à mes capacités m’a permis de me sentir plus légère, notamment mentalement, ce qui est important quand on souffre d’une maladie chronique. Cela aide à être positif et à aller de l’avant. »

Deux limites : la formation des médecins et la prise en charge

À l’instar de Laure, la loi « Sport sur ordonnance » a-t-elle réussi à convaincre patients et médecins au terme de ces cinq premières années ? « Cette loi a permis de faire bouger les lignes », estime le Pr Duclos. Pour preuve, la construction sur tout le territoire de 500 Maisons sport santé d’ici à 2024, destinées à accueillir et orienter le public et à former les professionnels de santé, ou encore la multiplication des centres et autres clubs labellisés sport santé. Il faut également citer la mobilisation de plusieurs fédérations sportives. Témoin, le Médicosport-Santé, élaboré par le Comité national olympique et sportif français (CNOSF). Ce Vidal de l’activité physique adaptée recense la totalité des offres spécifiques de plus de 50 fédérations : ça va du foot en marchant au tennis sur une moitié de court avec balles en mousse en passant par le volley avec filet abaissé.

Mais de nombreux obstacles subsistent. Malgré les efforts de la Haute Autorité de santé pour communiquer sur ce dispositif, le Pr Carré regrette « le manque de formation des médecins sur les modalités de prescription, ce qui explique une participation insuffisante du corps médical, en particulier, en ville, et le manque quasi-total de prise en charge, ce qui représente un frein majeur pour les patients ». C’est plus particulièrement le cas pour ceux qui n’intègrent pas un programme d’activité physique adaptée au sein d’un établissement hospitalier ou de réadaptation par l’effort, qui dure en général entre deux et trois mois. Il existe également des disparités territoriales : la ville de Strasbourg, par exemple, prend intégralement en charge la première année pour toute personne engagée, sur prescription médicale, dans un parcours sport santé. Cela dit, de plus en plus de mutuelles proposent de rembourser une part du reste à charge. Enfin, des expérimentations financées par l’Assurance maladie sont en cours, affirme le Pr Duclos, « destinées à évaluer l’efficience sur trois ans des prises en charge pluridisciplinaires, comprenant l’APA, de maladies chroniques ». Mais, ajoute la médecin du sport, « on sait que la moitié des patients soignés pour une ALD arrêtent leurs traitements médicamenteux, bien qu’ils soient pris en charge à 100 % ». Ce ne serait donc pas qu’une question de remboursement.

Et si le point faible n’était autre que l’absence d’éducation à la santé ? Tous les médecins s’accordent pour le dire : il n’y a rien de plus difficile que de changer son mode de vie. Les bonnes habitudes doivent donc être prises tôt. Mette l’accent sur la prévention dès le plus jeune âge et donner les moyens à chacun de faire des choix éclairés figurent au nombre des principales mesures demandées par France Assos Santé dans le document « 20 propositions pour améliorer la participation des usagers au système de santé », publié à l’occasion des élections 2022.

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