Hausse des franchises et des participations, hausse des complémentaires : la santé va coûter cher en 2024 !

Alors que les associations d’usagers et les professionnels de santé se sont insurgés contre la hausse des franchises médicales et des participations forfaitaires, le gouvernement a décidé de les doubler en 2024. Cette décision intervient sans consultation des représentants des usagers, lesquels seront pourtant directement impactés, et avec un projet de décret déjà rédigé.

Pour rappel, les participations forfaitaires ont été créées en 2004 et les franchises en 2008, dans un esprit de responsabilisation citoyenne des usagers, et pour rappeler que la santé n’est pas gratuite – même finalité pour le forfait « urgences » instauré en 2021. Ces participations, pour lesquelles un simple décret ou arrêté suffit à faire évoluer le montant, sont des leviers très simples à activer pour trouver des économies, quand bien même mettraient-elles à mal le principe même de la socialisation de la santé choisi comme modèle de protection sociale, où chacun cotise selon ses revenus pour recevoir les soins dont il a besoin.

France Assos Santé s’indigne des déclarations qui tendent à faire passer les usagers pour des personnes irresponsables, voire des enfants gâtés qui demandent que tout soit gratuit. D’abord, rappelons que les médicaments et les soins sont prescrits : il s’agit d’un acte médical, et non pas d’un loisir pour les usagers. Ce sont les prescripteurs qui peuvent maîtriser leurs prescriptions, pas les usagers ! Par ailleurs, la santé est loin d’être gratuite pour les usagers. La communication selon laquelle les restes à charge seraient les plus faibles en France cache une réalité bien plus complexe. La preuve par 4 :

  1. Les restes à charge calculés après remboursement de l’Assurance maladie obligatoire et complémentaire ne tiennent pas compte de la cotisation à ladite complémentaire. Or celle-ci peut représenter des sommes très élevées pour certaines catégories de personnes, en particulier les personnes âgées et celles exclues des contrats collectifs, qui doivent payer intégralement leurs cotisations pour des contrats non négociés, globalement moins protecteurs. Le juste calcul devrait donc prendre en compte ces cotisations dans l’ensemble des pays, notamment avec la hausse des cotisations de cette année, tout en distinguant les différentes catégories de personnes.
  2. Le reste à charge moyen ne reflète pas la réalité individuelle des personnes, car celui-ci est très inégalitaire en France. Les sujets âgés et les personnes malades et en situation de handicap accusent les restes à charge les plus élevés.
  3. La totalité des restes à charge ne sont pas du tout repérés par les comptes officiels. Il s’agit de l’ensemble des frais pas du tout remboursés, et qui pèsent sur le budget des personnes malades ou en situation de handicap : produits d’hygiène indispensables pour les soins, petit matériel médical, produits dermatologiques, frais de transports non remboursés, parkings payants dans les hôpitaux, frais d’hébergement en cas d’hospitalisation d’un proche, soins de supports, etc. Selon notre étude, réalisée en 2019 portant sur 351 personnes malades, aidantes ou en situation de handicap, ceux-ci s’élèvent en moyenne à 1 000€ par an, qui viennent s’ajouter aux autres restes à charge. Parmi les personnes sondées, 70 % déclaraient avoir déjà renoncer à des soins du fait de ces restes à charge.
  4. Il est bon de rappeler que l’Assurance maladie est financée à 37 % par les cotisations sociales et à 55 % par les contributions sociales diverses, impôt et CSG. Concernant le financement global des régimes de base de la Sécurité sociale plus largement, il est constitué à 54,4 % par les entreprises et à 45,6 % par les ménages.

Bref, on vous rassure : les usagers ont parfaitement conscience que la santé à un coût, et il pèse bien sur leur budget !

Passer de 50 cts à 1€ pour les franchises, de 1 à 2€ pour les consultations et de 2 à 4€ pour les transports, peut paraître insignifiant pour certains, mais ce sont des restes à charge qui s’ajoutent aux restes à charge. Si les personnes les plus précaires bénéficiaires de la Complémentaire Santé Solidaire (CSS) sont exonérées du paiement de ces participations, encore faut-il pouvoir y accéder :

  • Le plafond (809€) reste en dessous du seuil pauvreté fixé à 1 102€, et encore pour la partie payante (1 093€) !
  • Le taux de recours reste encore bas : il était de 56 % en 2021, mais seulement de 33 % pour la CSS payante, d’après les derniers chiffres officiels.

Ainsi, des personnes, dont les revenus se situent au niveau du seuil de pauvreté, et qui ne peuvent bénéficier de contrats collectifs négociés et pris en charge a minima à 50 % par l’employeur, ne peuvent accéder à la CSS. Conséquence : elles sont dans l’obligation de payer des cotisations élevées qui s’ajoutent aux franchises, participations, dépassements d’honoraires de plus en plus nombreux, et autres restes à charge – typiquement les personnes âgées. C’est parmi les personnes aux revenus modestes que les renoncements aux soins sont les plus nombreux.

Il est encore temps de faire machine arrière et d’avoir le courage politique de prendre les mesures qui pourraient réellement sauvegarder notre système de protection sociale. D’autres pistes d’économies, à court et long terme, sont possibles et constitueraient, qui plus est, une véritable politique de santé publique. Cela passe par un travail d’envergure sur la pertinence et l’efficience des soins et des parcours ainsi que par la mise en place d’une politique bien plus stricte en matière de règlementation et de taxation des produits néfastes pour la santé, mesures qui permettraient de financer de façon bien plus importante la prise en charge d’actions de prévention et de promotion de la santé, source d’économies substantielles et durables.

Si le gouvernement maintient la mise en œuvre de cette mesure, nous demandons a minima :

  • La suppression de la possibilité de récupération des franchises et participations sur cinq ans, pour la ramener à deux ans au maximum ;
  • Que le recouvrement des participations et franchises non prélevées, en cas de dispense d’avance de frais, se fasse dès atteinte du plafond de 50€ pour éviter le prélèvement d’un coup de sommes importantes ;
  • La suppression de la possibilité de prélever les franchises et participations sur les prestations en espèce, telle que les indemnités journalières, pension d’invalidité, rentes accidents du travail, etc.

2 commentaires

  • Claire dit :

    Merci pour votre article.
    je viens de nouveau d’entendre Mme Vautrin asséner un « la santé c’est pas gratuit, c’est bien de prendre conscience du prix des médicaments ».
    oui les usagers n’ont pas attendu pour savoir ce que la santé leur coûte. de telles décisions éloignées de la réalité ça a aussi un coût pour la santé.
    j’espère que vous pourrez enfin porter ce discours devant un responsable du gouvernement. je doute juste que l’écoute et la bienveillance soit au rendez vous. dommage.

    la conséquence c’est aussi le renoncement aux soins et la perte de chance.

  • Jackie dit :

    Je suis atterrée et indignée! Agée de 67 ans, ayant besoin d’un transport pour tous mes rendez-vous médicaux et 7/8 médicaments par jour, je paie 175 E par mois de complémentaire en ayant 1081 E de revenus. Il est évident que la médecine à deux vitesses s’accélère, les « gueux », les « mal foutus » n’auront pas d’autre choix que de se laisser mourir, la solidarité va disparai^tre.
    J’ai la chance d’avoir des médecins et des infirmières compétents et dévoués, mais surchargés de travail. C’est le secteur de la santé dans sa globalité qui va mal et qui a besoin d’e^tre soigné.

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