En janvier dernier, un collectif de 35 citoyens, tirés au sort, a été mis en place par le Conseil économique, social et environnemental (CESE). Sa mission ? Contribuer à améliorer la stratégie vaccinale contre la Covid-19. Actions, observations, impressions : bilan d’étape trois mois après son installation, avec deux de ses représentants.
Henri, 70 ans, et Marjorie, 45 ans, sont les deux porte-paroles du collectif citoyen chargé, depuis la mi-janvier, de faire des propositions en faveur d’une stratégie vaccinale la plus efficace possible. Respectivement à la retraite et en invalidité, l’un et l’autre profitent de leur temps libre pour arpenter sans relâche le terrain. « Cela vaut le coup de s’investir, vu le contexte inédit que nous connaissons, et de glaner des informations sur la mise en pratique de la vaccination », explique Henri, Breton du Finistère nord. Médecins, pharmaciens, centres de vaccination, patients : tous les jours, il prend son bâton de pèlerin pour, dit-il, « nourrir sa réflexion ».
À des milliers de kilomètres de là, dans la Drome, Marjorie multiplie aussi les contacts, avec les professionnels de santé, le directeur de l’agence régionale de santé, les élus, fait la tournée des marchés, et répond volontiers à tous ceux qui la sollicitent. « Au début, je ne me sentais pas forcément légitime, raconte-t-elle. Mais au vu de toutes les questions qui m’ont été posées, je me suis dit que je rendrais service si je pouvais relayer les inquiétudes des citoyens de mon département au niveau du gouvernement. Et c’est ce que je fais. » Tous les territoires sont d’ailleurs représentés au sein du collectif, chacun avec sa géographie et ses problématiques propres. « J’ai parfois l’impression qu’on ne vit pas dans le même pays », observe Marjorie, par ailleurs bénévole au centre communal d’action sociale de sa localité.
Des difficultés détectées grâce au collectif
La communication et l’accès à la vaccination constituent deux des axes principaux autour desquels s’organise le travail des 35 citoyens, saisis par le conseil d’orientation de la stratégie vaccinale, sur un certain nombre de questions également à son ordre du jour. Les échanges se font directement avec son président, le Pr Alain Fischer. Organisées en sessions et intersessions, les consultations au sein du collectif citoyen, ponctuées le cas échéant d’échanges avec le professeur d’immunologie, débouchent sur une série de recommandations. Voilà pour le plan de travail. Quant à l’ambiance, elle est à la fois studieuse et constructive, de l’avis de l’ensemble des acteurs.
« Nous nous sommes entretenus six fois avec le Pr Fischer, il est très intéressé de recueillir des propositions qui viennent de la base, c’est-à-dire de personnes qui ne sont pas dans le circuit de la santé », témoigne Henri. « Ce travail avec le collectif, assez unique en son genre au niveau mondial, nous a permis de faire remonter des difficultés sur le terrain, ainsi que des mesures à améliorer, ou à envisager », assure le responsable de la stratégie vaccinale. Difficile toutefois de mesurer l’impact réel de ces remontées. « Nous avions, par exemple, demandé à ce que les infirmiers et les vétérinaires puissent vacciner, c’est effectivement arrivé, mais on ne sait pas ce qui a été déterminant dans la décision de l’exécutif », rapporte Henri. « Certaines des mesures prises par le gouvernement reflètent ce que l’on a pu préconiser, mais nous ne pouvons pas certifier qu’elles émanent de nos recommandations. En revanche, cet écho donne sens à nos réunions de travail », renchérit Marjorie. À juste titre, si l’on en croit Alain Fischer : « Je peux d’ores et déjà dire que l’une des recommandations du collectif sera prochainement mise en œuvre, à savoir un travail en partenariat avec un influenceur digital ». Le collectif en avait fait une de ses priorités, lors de sa session de la mi-mars. L’objectif étant d’impliquer les jeunes pour qu’ils ne se sentent pas oubliés, en prévision du moment où la vaccination leur sera ouverte.
« On ne travaille pas pour rien »
De même, dans le souci d’une communication claire, cohérente et positive, le collectif a également été sollicité pour commenter un texte sur les grands principes de la vaccination (bénéfices individuels et collectifs) et les vaccins à disposition, en vue d’une prochaine diffusion au grand public. C’était une demande des « 35 » pour tenter de faire taire la cacophonie autour de certains produits, dont l’Astrazeneca, avec pour conséquence, des doses qui ne trouvent pas preneurs. « On ne travaille pas pour rien, c’est motivant », se réjouit Henri. Tout n’est pas réglé, loin s’en faut. Les prises de rendez-vous pour se faire vacciner dans les centres dédiés restent bien souvent « une horreur », regrette le septuagénaire.
Ce constat l’a conduit, en collaboration avec un pharmacien de sa commune, à essayer de faciliter l’accès à la vaccination aux personnes sans connexion internet ou peu à l’aise avec l’informatique. Quant à Marjorie, elle envisage déjà l’après-Covid, sous la forme d’une association : « Grâce au collectif, j’ai pu mesurer les disparités en matière d’accès aux soins, notamment pour les personnes à mobilité réduites qui vivent en zone rurale ». Bref, une expérience enrichissante à plus d’un titre.
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