Pour une meilleure prévention des maladies rénales

En cette 20e Semaine nationale du rein qui se tient jusqu’au 15 mars, des stands d’information et des lieux de dépistage gratuit vous attendent partout en France. Pour cette édition 2025, l’accent est mis sur la nécessité d’une détection précoce. Un chiffre : 6 millions de Français ont les reins malades et l’ignorent. Or, un dépistage tardif peut entraîner des conséquences graves, voire irréversibles. Associations et spécialistes sont unanimes : une meilleure prévention s’impose.

Une personne sur dix en France est concernée par la maladie rénale, sous une forme plus ou moins avancée, ce qui représente plus que le nombre total de cancers diagnostiqués chaque année ; 100 000 patients sont dialysés ou greffés. L’association France Rein, dont les principales missions sont d’informer, soutenir et défendre les patients insuffisants rénaux, est à l’origine de cette semaine nationale du rein. « Avec une prévention plus structurée, il y aurait 20 % de personnes en moins en dialyse », estime son président Jan-Marc Charrel. Pour Renaloo, autre association de patients, qui vient de lancer une grande campagne nationale de sensibilisation avec l’Assurance maladie intitulée « Ne pas faire contrôler ses reins, c’est comme ne pas faire contrôler ses freins », la prévention est également une urgence médicale, mais économique aussi. « La maladie rénale altère profondément la qualité de vie des malades et est extrêmement coûteuse pour l’Assurance maladie, en particulier quand elle devient chronique. Le coût moyen annuel d’un patient dialysé s’élève à 63 000 euros. La facture totale de la prise en charge pour les seuls patients en traitement de suppléance (dialyse ou greffe) grimpe à 4,4 milliards par an », rapporte sa fondatrice, Yvanie Caillé.

Un manque de sensibilisation

En cause, le manque de sensibilisation et de prévention. Les raisons de cette carence sont nombreuses. La maladie rénale est silencieuse, souvent asymptomatique, y compris jusqu’à un stade avancé. Par ailleurs, le rein, organe pourtant vital, est mal connu du grand public, ainsi que de nombreux médecins généralistes. S’il fait partie de l’appareil urinaire, ses multiples fonctions, toutes importantes, sont souvent moins immédiatement évidentes. « En plus de l’élimination de l’eau et des déchets, les reins assurent de multiples contrôles, dont ceux de l’élimination du sel et de l’hypertension artérielle, de la production d’EPO (érythropoïétine) et de l’absence d’anémie, de la production de la vitamine D active, de l’élimination du calcium et du phosphate et de la solidité du squelette… », détaille le Pr François Vrtovsnik, chef de Service de Néphrologie à l’Hôpital Bichat à Paris, président de la Société Francophone de Néphrologie Dialyse et Transplantation (SFNDT). D’après Renaloo, 3 Français sur 4 se déclarent non ou mal informés sur la maladie rénale chronique. A l’occasion de cette semaine du rein 2025, une fiche d’information a donc été éditée, à l’attention des médecins généralistes. Un document auquel France Rein a contribué pour porter la voix des patients. « Les généralistes sont souvent dépourvus face à cette maladie complexe. Nous pouvons les aider à mieux accompagner leurs patients, à savoir quand il faut demander l’avis d’un néphrologue et comment lui passer la main », explique Jan-Marc Charrel, lui-même insuffisant rénal chronique.

Une généralisation du dépistage pour les profils à risque

Les profils à risque de développer une maladie rénale chronique sont pourtant clairement identifiés : il s’agit de personnes souffrant d’hypertension artérielle, de diabète ou d’obésité. Le vieillissement est également un facteur aggravant. Mais certaines maladies rénales rares, auto-immunes ou génétiques, touchent majoritairement des personnes jeunes et sans facteurs de risque. Elles représentent environ un quart des causes de dialyse. Certains signes doivent aussi alerter : fatigue persistante, troubles digestifs, œdèmes, etc. Associations de patients et spécialistes, tous demandent une généralisation d’un dépistage pour ces profils à risque, recommandé annuellement, mais trop peu réalisé, rappelle Renaloo qui a contribué au rapport Charges et produits pour 2025 de l’Assurance maladie. Pourtant, il repose sur deux tests simples et peu coûteux : une prise de sang (taux de créatinine) et un examen des urines.

Pour le Pr François Vrtovsnik, « un dépistage précoce permet notamment de ralentir l’évolution de la maladie, d’éviter la dialyse et de préserver la qualité de vie. Quand l’insuffisance rénale est aiguë, un traitement adapté permet souvent la guérison. Quand elle est chronique, c’est-à-dire qu’elle dure depuis plus de trois mois, c’est beaucoup moins le cas ». Les dégâts occasionnés sont souvent irréversibles. Des traitements de suppléance sont nécessaires, avec un impact sévère sur le quotidien et l’espérance de vie des patients. « La maladie rénale chronique est aussi un facteur de risque majeur d’accidents cardiovasculaires et d’autres complications graves », complète Yvanie Caillé.

Des traitements récents efficaces pour ralentir la maladie 

Une bonne nouvelle, cependant. « Des traitements récents ont démontré leur efficacité pour ralentir la progression de la maladie rénale chronique et réduire le risque d’insuffisance rénale terminale », se réjouit la fondatrice de Renaloo, tout en regrettant « leur insuffisante utilisation faute, on y revient toujours, d’un manque d’information des médecins généralistes ». Pour le Pr Vrtovsnik, un autre signe est encourageant. Selon les données du dernier rapport de l’Agence de la biomédecine registre rein, le nombre de nouveaux patients qui commencent un traitement de suppléance a diminué en 2022. Et les premiers chiffres pour 2023, qui restent à consolider, semblent vouloir confirmer cette tendance : « C’est une nouvelle majeure ! Elle pourrait être le résultat d’une meilleure prise en charge médicamenteuse et d’un meilleur accompagnement de la maladie par les professionnels de santé (infirmières, IPA, diététiciennes, psychologues..), mis en place depuis 2020 pour les formes les plus sévères. C’est pour l’instant un peu spéculatif, mais ça semble aller dans le bon sens », se félicite le spécialiste.

Enfin, en matière de prévention, les associations plaident à l’unisson en faveur d’une implication des patients. « Il faut qu’ils deviennent acteurs de leur santé. Qu’ils s’intéressent à leur maladie pour pouvoir mieux la traiter, tout en discutant avec les soignants. Qu’ils se tournent aussi vers nous pour avoir un retour d’expérience, trouver une parole réconfortante, pour confronter la parole médicale », souligne Jan-Marc Charrel de France Rein. Pour Renaloo, qui appelle à la « révolution du rein », il est indispensable de mettre en place une stratégie nationale de santé rénale, impliquant également les patients. Ses 10 propositions pour refonder la prise en charge de la maladie rénale chronique ont justement cet objectif.

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