Juin sans sucres ajoutés : la chasse est ouverte !

Sans tabac, sans alcool et maintenant sans sucres. Deuxième édition de « Juin sans sucres ajoutés », une opération de sensibilisation lancée et organisée par la Fédération SOS hépatites & maladies du foie. Comme pour les deux autres « mois sans », le principe consiste à réduire notre consommation de sucres, en particulier de ceux dits « cachés » ou « ajoutés », les plus délétères pour notre santé. Prêts à relever le défi ?    

Proposer un mois sans sucres ajoutés en plein mois de juin, celui des fruits et des glaces, est-ce bien raisonnable ? La réponse est oui, et plutôt deux fois qu’une. Le sucre, et surtout les sucres ajoutés ou cachés, a pris une place trop importante dans notre alimentation. L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) l’a rappelé récemment dans son Bilan et évolution de l’utilisation des ingrédients sucrants ou vecteurs de goût sucré dans les produits transformés (mars 2024). Un seul chiffre : sur les 39 101 produits suivis – répartis en 31 catégories d’aliments –, 77 % d’entre eux mentionnent au moins un produit sucrant dans leur liste d’ingrédients, soit 30 034 produits. Glucose, fructose, saccharose, lactose, maltose, sirop de maïs, etc., l’Anses identifie 11 formes différentes de sucres.

Dans les dentifrices pour enfants

À l’aune de ce descriptif, l’initiative « Juin sans sucres ajoutés », lancée en 2023 par la Fédération SOS Hépatites & maladies du foie, et soutenue, pour cette deuxième édition, par l’Association nationale des hépato-gastroentérologues des hôpitaux (ANGH) et l’Association européenne des malades du foie (ELPA), s’impose, ne serait-ce que pour donner des clés de compréhension et des repères. « Comme pour le Dry January et le Mois sans tabac, cette opération a surtout pour but de faire prendre conscience aux Français de leur propre consommation », précise Thomas Laurenceau, membre du comité de pilotage du « Juin sans sucres ajoutés ».

Et le défi qui consiste à réduire sa consommation de sucres ajoutés durant un mois semble rencontrer son public. En témoigne le succès, en termes d’adhésion, de la première édition. Succès qui s’est exprimé à travers un questionnaire envoyé sur les réseaux sociaux et destiné à mesurer l’intérêt, les motivations, le ressenti, etc., des participants. « L’an passé, 89 % des participants se sont déclarés contents d’avoir participé et sur les 88 % qui avaient réduit leur consommation de sucres ajoutés, ils étaient encore 83 %, à six mois, à dire avoir diminué leur consommation, dont 45 % de manière significative », rapporte Thomas Laurenceau. Quant aux bénéfices, ils sont de tous ordres, perte de poids, meilleur sommeil, meilleure humeur et même un palais « tout neuf », capable de repérer le (mauvais) goût des sucres ajoutés.

Si le sucre est nécessaire à notre organisme, en termes d’apports énergétiques, tous les sucres ne se valent pas. Entre des fraises (fructose naturel ingéré avec des fibres, pendant les repas de préférence) et un soda (fructose industriel, sirops divers et variés), par exemple, les premières sont préférables, en termes de moindre dangerosité – en cela, mieux vaut faire la part belle aux légumes. Et, par ailleurs, l’excès de sucres est mauvais pour la santé, ce qui implique de savoir les déceler, y compris là où on ne s’attend pas à en trouver (charcuterie, margarine, potages, sauces chaudes, plats cuisinés surgelés, pain blanc, produits traiteurs frais, etc.), pour ne pas en consommer à son insu. « On en trouve même dans les dentifrices pour enfants », indique Thomas Laurenceau. L’Anses recommande de ne pas excéder 100 g de sucres par jour. En effet, nous ne sommes pas génétiquement programmés pour consommer trop de sucres.

Quand le foie trinque

Outre le risque de prise de surpoids, d’obésité, de syndrome métabolique, de diabète de type 2, de troubles cardiovasculaires, entre autres, lié à une forte consommation d’ingrédients au goût sucré, il est une pathologie qui, depuis quelques années, gagne du terrain, au point d’être devenu aux États-Unis la première cause de greffe de foie et en France la deuxième cause de cirrhose après l’alcool. Son nom, l’hépatite métabolique ou MASH (ex-NASH), pour maladie du foie associée à un dysfonctionnement métabolique, encore connue sous l’appellation immédiatement parlante de maladie du foie gras. Les explications du Dr Pascal Mélin, du service de médecine interne et hépatologie du CH de Saint-Dizier (Haute-Marne) : « Le fructose est un sucre que nous ne pouvons pas métaboliser directement, il est donc obligé de passer par le foie qui le transforme en triglycérides, c’est-à-dire en graisses. En cas de surconsommation de sucres ajoutés, les graisses vont s’accumuler dans le foie, avec des conséquences néfastes sur le long terme ». Ce trop-plein de gras que l’organisme ne peut pas absorber va entraîner une inflammation qui, elle-même, peut provoquer une réaction du corps de type fibrose du foie, laquelle avec le temps, et en l’absence de changements de ses habitudes alimentaires, peut se muer en cirrhose.

« Aujourd’hui, 8 millions de Français ont de la graisse dans leur foie, dont 10 % développent une MASH. En clair, 800 000 personnes sont en train d’entrer dans une maladie de destruction du foie et 200 000 sont dans un état de pré-cirrhose ou cirrhose. Et, chaque année, 4 000 personnes vont faire un cancer du foie », alerte le Dr Mélin. Le cancer (carcinome hépatocellulaire) est en effet une complication fréquente de la cirrhose. Si jusqu’à un certain stade, la maladie est réversible (nouveau régime alimentaire, activité physique), faut-il encore la repérer. C’est l’autre problème de la MASH : hormis un surpoids important ou une obésité, elle est asymptomatique. Aucun signal, par exemple, dans les bilans sanguins. Seule une biopsie peut la diagnostiquer, ce qui signifie que la maladie est souvent découverte trop tard. « Le sucre est à mettre au même niveau que l’alcool en termes d’impact sanitaire. C’est un problème de santé publique majeur », estime le président de la Fédération SOS Hépatites & maladies du foie.

La règle des « 3 V »

La bonne nouvelle, c’est que cette maladie du foie gras est évitable. Le mois de juin sans sucres ajoutés est l’occasion de faire de la pédagogie, entre apprentissage et bon sens. Une cannette de soda de temps en temps, ça passe, une bouteille de 1,5 l par jour, bonjour les dégâts ! Même consigne pour les pâtisseries industrielles, le pain blanc, etc., tout ce qui se rapporte à ce que l’on appelle les aliments ultra-transformés (AUT), dont on sait par ailleurs, signale Thomas Laurenceau, « qu’ils sont générateurs de maladies métaboliques ». Et chez soi, yaourt (nature) ou gâteaux maison, on supprime ou on réduit de 30 à 50 % la quantité de sucre. « C’est aussi bon », assure Thomas Laurenceau. En parallèle, il faut être vigilant en ce qui concerne l’étiquette qui recense les différents ingrédients. « Les sucres présents dans le produit ne sont pas forcément réunis sous le terme générique sucres, prévient le Dr Mélin. Ils peuvent être disséminés en divers endroits, selon qu’il s’agit de sirop, de maltose ou de glucose. Résultat, le sucre peut être l’ingrédient principal sans pour autant figurer en haut de la liste. » En clair, il faut être vigilant. D’autant plus que le sucre, tout comme le sel, est aussi un conservateur et un exhausteur de goût – sous forme de jus de citron, de miel, etc.

« Pour échapper aux sucres ajoutés et désamorcer la bombe MASH, il faut adopter la règle des 3 V, pour vrai, végétal, varié », recommande Thomas Laurenceau, citant le nutritionniste Anthony Fardet. De ce point de vue, la Fédération SOS Hépatites & maladies du foie est en concordance avec les messages de santé publique. « Le but de notre action n’est pas d’interdire le sucre, du reste partout, mais de s’interroger sur le contenu de nos assiettes et de réfléchir à des alternatives dans notre quotidien. L’image du sucre antalgique, doux, réconfortant est trompeuse », renchérit le Dr Mélin. Comme pour tous les défis, le collectif compte énormément, tant en termes de soutien que d’astuces pour des recettes ou passer un cap difficile. Car, oui, chez certaines personnes, le sucre peut induire une forme de dépendance. Raison pour laquelle la fédération met à la disposition des personnes qui se retrouveraient en difficulté une ligne d’écoute. Au bout, une équipe médicale à même de les aider. Le sucre, un plaisir irremplaçable ? Et si on en parlait justement.

Un nouvel enjeu

Après les maladies virales, dont l’hépatite C, en voie d’éradication, place, au moins en partie, aux maladies comportementales. C’est la nouvelle voie sur laquelle s’engage la Fédération Hépatites & Maladies du foie en s’intéressant à la MASH et, globalement, aux dégâts occasionnés par la surconsommation de sucres, en particulier ajoutés. « C’est une nouvelle approche pour nous, quasi une nouvelle philosophie, déclare Thomas Laurenceau. La MASH est une maladie systémique qui touche des populations très disparates. En abordant la thématique de l’alimentation, on n’est plus du tout dans le réflexe communautaire comme dans les maladies virales. » Cette mobilisation embrasse de nombreuses pathologies, telles que le diabète, les maladies cardiovasculaires, la dépression, etc. En ligne de mire, de possibles rapprochements inter-associatifs. Outre un éventuel effet boule de neige, cet entrecroisement permettra peut-être aussi, selon le Dr Pascal Mélin, « d’aborder la prise en charge des patients à travers plusieurs prismes, comme la diabétologie, mais aussi l’addictologie, selon leur profil ».

En savoir plus

Le Guide Anti-Nash. Questions/Réponses sur la maladie du foie gras, Fédération Hépatites & Maladies du foie gras, 10 € (2023).

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