Après un infarctus, le cœur se rééduque

Environ 140 000 personnes sont victimes d’un infarctus chaque année. Si l’on peut se réjouir que la mortalité ait beaucoup baissé ces dernières années, notamment grâce aux campagnes de prévention, il faut toutefois réapprendre à vivre après un accident cardiaque. Pour le patient, c’est même souvent un nouveau chapitre de son existence qui va s’écrire. À cet égard, la réadaptation cardiaque est importante pour aborder la suite, et éviter les récidives. Elle reste pourtant mal connue et sous-utilisée.

Marc Resche, 73 ans, est le président de l’Association des malades et opérés cardiovasculaires (AFDOC). Il y a dix ans, ce Grenoblois, alors ancien gros fumeur, mais sujet à l’apnée du sommeil, fait une crise d’angor qui l’oblige à être hospitalisé en urgence en soins intensifs. Le diagnostic de la coronographie est sans appel : double pontage et valvuloplastie. « L’intervention a duré 6 h 30. On laisse pas mal de tonicité sur la table d’opération », commente-t-il. Le discours dominant après un tel événement est encore, à l’époque, « du lit au fauteuil », notamment chez les patients. Marc Resche choisit toutefois la réadaptation cardiaque, dans un centre dédié, plutôt que le repos.

Bien lui en a pris : « À l’issue de la première semaine en centre de réadaptation, j’ai pu sortir pour le week-end, raconte-t-il. Avec mon épouse et ma fille, nous nous sommes rendus sur les hauteurs de Grenoble, pour une promenade, ce qui représentait un dénivelé de 500 m environ. Dès le premier pas, le souffle m’a manqué. Je suis resté très en arrière, mais j’ai fait la balade et repris progressivement mon souffle. C’est exactement ce qui se passe avec les séances de réadaptation cardiaque : chaque jour qui passe vous apporte une amélioration, et vous le sentez immédiatement. » De son propre aveu, il lui a fallu six mois pour retrouver sa capacité respiratoire et sa tonicité. Aujourd’hui, c’est vingt minutes de Pilates tous les matins, de la marche et du vélo.    

Une boîte à outils personnalisée

Après un infarctus, le patient peut se sentir désorienté, éventuellement stressé aussi, plus encore si l’accident cardiaque a été sévère. « Le patient se retrouve face à une maladie chronique, l’objectif est d’éviter qu’elle évolue », indique le Dr Catherine Monpère, spécialiste de la réadaptation cardiovasculaire et coprésidente de la commission Cœur de femmes de la Fédération française de cardiologie (FFC). En jeu, rien moins que l’adhésion du patient aux traitements médicaux, qui compte pour 50 % dans la stabilité de la maladie, et aux modifications de son mode vie (activité physique, alimentation, tabagisme, etc.), pour l’autre moitié. La réadaptation cardiaque, dont les programmes reposent sur une approche globale, visent précisément à « donner au patient un mode d’emploi pour lui permettre de maintenir son cœur en bonne santé et éviter la récidive », reprend Catherine Monpère.

En pratique, explique le Dr Monpère, le dispositif dépendra de la gravité et de la taille de l’infarctus. « S’il y a peu de séquelles, on s’orientera vers une prise en charge en ambulatoire, voire au domicile grâce au développement récent de la télé-réadaptation, avec un coaching à distance. En cas d’altération majeure de la fonction cardiaque, on privilégiera une hospitalisation complète dans un service médical et de réadaptation (SMR) ».1 Soit un total de quatre semaines destinées à offrir au patient un accompagnement personnalisé, c’est-à-dire adapté à son profil physiopathologique, mais qui prenne aussi en considération les autres facteurs de risque et son contexte familial, professionnel et psychologique. Bref, du cas par cas, sur la base d’une prise en charge pluridisciplinaire.

Le reconditionnement à l’effort

Parallèlement à la surveillance médicale, le reconditionnement à l’effort constitue l’un des piliers essentiels de la réadaptation cardiovasculaire. La suite avec la cardiologue : « Il repose sur deux axes essentiels et complémentaires : l’endurance, avec une durée minimale de 30 minutes d’exercice (marche rapide, vélo, natation, etc.) pour faire travailler tous les mécanismes au niveau musculaire, vasculaire et respiratoire, et le renforcement musculaire (petits haltères, bracelets lestés, etc.). » Il est primordial que le patient trouve une activité adaptée à ses capacités et à son goût, car seul le plaisir le motivera pour conserver une pratique régulière et durable. Il n’est pas interdit non plus, bien au contraire, de diversifier les exercices. Tout compte, dès lors que l’on est en mouvement, même le jardinage, le ménage et le bricolage.

Autour du cardiologue, des kinésithérapeutes et des enseignants spécialisés en activité physique adaptée (APA), gravitent également des infirmières formées en éducation thérapeutique du patient (ETP), des tabacologues, des nutritionnistes et des psychologues. « Cette dernière profession est indispensable, souligne le Dr Monpère. C’est un aspect du suivi de plus en plus prégnant : on voit vraiment une souffrance grandir chez les patients, et plus ils sont jeunes, plus les répercussions sont majeures, avec des retentissements familiaux, professionnels, etc., qui engagent leur avenir. » Sans oublier le stress lié à la peur de la récidive. « Le stress est devenu un facteur de risque parmi les plus importants, dans la survenue d’un accident cardiaque, mais aussi après un infarctus (ou un AVC), car il augmente le risque de complications, renchérit le Pr Alain Furber, cardiologue au CHU d’Angers et président de la FFC. Outre des variations de fréquence cardiaque, un stress chronique chez un patient pris en charge entraîne souvent un problème d’observance. Enfin, le stress peut aussi être l’expression d’une maladie sous-jacente, comme la dépression qu’il faut alors traiter. »

Une perte de chance

La réadaptation cardiovasculaire permet en trois à quatre semaines d’avoir une meilleure élasticité des artères et une amélioration des capacités respiratoires et du tonus musculaire. Tout bon pour le cœur qui, pour un même travail, est moins sollicité. En résumé, un cœur en forme est un cœur qui s’économise. Et puis, plus généralement, ajoute le Pr Furber, « la réadaptation cardiovasculaire rassure le patient, en lui montrant qu’il peut fournir un effort sans éprouver aucune gêne ». Et les chiffres sont là pour attester de ses bienfaits. Ne pas en profiter équivaut à une vraie perte de chance, nous dit le Dr Monpère : « La réadaptation permet de réduire le risque de mortalité cardiovasculaire par récidive de 26 % et, en termes médico-économiques, le nombre de ré-hospitalisations de 18 % ».

Malgré tous ses atouts, la réadaptation cardiaque est peu répandue, faute de places disponibles, mais aussi d’information. « À peine 30 % des hommes éligibles et seulement 25 % des femmes sont adressés en réadaptation », regrette le Dr Monpère. Le déploiement de la télé-réadaptation devrait contribuer à y remédier. En attendant, rien n’empêche de bouger davantage. Marc Resche s’emploie à répandre ce message. Avec d’autres bénévoles de l’association, le président de l’AFDOC mène des actions de sensibilisation dans des établissements de santé, auprès des personnes qui ont été victimes d’un accident cardiovasculaire. « Cette initiative s’adresse bien sûr aux patients, mais aussi à leurs proches, car tout le monde est concerné après un tel événement, précise-t-il. C’est souvent l’occasion de redire que l’activité physique n’est pas du sport. Cette confusion, encore très présente dans les esprits, constitue un frein à l’acceptation des bonnes pratiques. » Le programme s’appelle « La reprise de la vie courante ». Où l’on entend bien que la vie, c’est le mouvement.

En savoir plus

Pour joindre l’AFDOC, écrire sur l’adresse suivante : afdoc@afdoc.fr.

Après un infarctus, les clubs Cœur et Santé en relais

Une fois le programme de réadaptation cardiaque terminé, que faire ? Tout dépendra bien sûr des attentes de chacun mais, encourage le Dr Monpère, « pour les patients qui ont un risque résiduel important ou qui, peut-être plus timorés, souhaitent bénéficier d’un encadrement doté d’une expertise cardiaque, les Clubs Cœur et Santé de la FFC sont tout à fait indiqués ». On en compte 280 sur tout le territoire : chaque département en a au moins un, et chaque club a son cardiologue référent tandis que les activités proposées (natation, vélo, gymnastique, marche, yoga, etc.) sont supervisées par des éducateurs sportifs formés à l’activité physique adaptée. Certains clubs Cœur et Santé ont déjà obtenu le label sport santé. Enfin, le tarif d’inscription est accessible – se renseigner aussi auprès de sa complémentaire santé, de plus en plus de mutuelles prennent en charge le sport santé. Autres options, les clubs sportifs qui ont le label sport santé ou encore les maisons sport santé. « Nous conseillons aux patients qui ont besoin d’être encadrés ou soutenus de s’adresser à ces structures », confirme le président de l’AFDOC, Marc Resche.

En savoir plus : www.fedecardio.org

1 Les SMR ont remplacé, dans la terminologie, les services de soins de suite et de réadaptation (SSR).

Laisser un commentaire public

Votre commentaire sera visible par tous. Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Logo Santé Info Droits

Êtes-vous satisfait
du site internet de
France Assos Santé ?

Donnez votre avis, en moins de 10 min !

ENQUÊTE

Non merci, je ne veux pas donner mon avis

Partager sur

Copier le lien

Copier