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Le vrai/faux sur les régimes « santé »

Existe-t-il un régime alimentaire « santé » idéal ? 66 Millions d’IMpatients démêle le vrai du faux sur les régimes « santé » avec le docteur Jean-Pierre Thierry, médecin en santé publique. Interview.

66 Millions d’IMpatients : existe-t-il un régime alimentaire idéal pour la santé ?

Dr Jean-Pierre Thierry : « Un tel régime est très difficile à définir. Les deux pays qui ont la plus faible mortalité cardiovasculaire dans le monde sont la France et le Japon, et leurs habitants ne mangent pas du tout la même chose. Les sujets de vigilance communs restent cependant la consommation d’alcool, de sucre, l’alimentation industrielle et de tout ce qui fait l’objet d’excès. »

On dit que le sucre nourrirait les cancers ?

Dr Jean-Pierre Thierry : « La preuve est mal établie qu’il s’agisse de prévention ou lorsque la maladie est déclarée. Il y a cependant deux hypothèses qui soutiennent cette théorie :

  • D’une part, le fait que les personnes qui mangent beaucoup de sucre font partie des catégories socio-professionnelles les plus défavorisées, celles-ci même faisant moins bien attention à leur santé (elles peuvent également consommer plus de tabac ou d’alcool).
  • D’autre part, le fait que l’apport trop important en sucre favorise l’obésité. Or l’obésité se caractérise, entres-autres, par un plus grand nombre de cellules. Et ce plus grand nombre expliquerait statistiquement le plus grand risque de cancer chez ces personnes. »

Le sucre, plus que le gras, est responsable des maladies cardiovasculaires ?

Dr Jean-Pierre Thierry : « Effectivement, il existe une corrélation établie entre la consommation de sucre et le risque de développer des maladies cardiovasculaires, sachant que le diabète de type 2 et l’obésité, aussi bien que l’hypertension et l’absence d’exercice physique sont des facteurs de risques importants. L’épidémie de diabète de type 2 et d’obésité est la conséquence de l’introduction à grande échelle des sodas, sucreries mais aussi consécutives à des recommandations nutritionnelles qui visait les graisses, avec pour effet d’augmenter la part de sucres libres et de glucides à la fin des années 1970. Ces recommandations ont été influencées par les lobbies du sucre et particulièrement par l’industrie céréalière américaine qui misait sur le développement de nouveaux débouchés, par exemple le sirop fabriqué à base de maïs que l’on retrouve très largement aujourd’hui dans l’alimentation industrielle « pauvre en graisse » (il faut compenser pour le rendre agréable au goût). Le gras a été alors pointé du doigt dans le développement de maladies cardiovasculaires, ce qui est scientifiquement faux à l’échelle d’une population.

En France, où l’on mange traditionnellement « gras », il y a un taux très bas de maladies cardiovasculaires ischémiques (infarctus du myocarde). Ce sont des points bien expliqués dans les documentaires « Sugarland » de Damon Gameau et dans « Le Grand Bluff » d’Anne Georget. Les américains ont parlé de « paradoxe français » mais ils ont préféré l’expliquer par la consommation de vin rouge, ce qui est toujours difficile à démontrer, plutôt que revenir sur leur dogme du « cholestérol » avec le lien éventuel entre la proportion de « gras » dans l’alimentation. D’ailleurs, la tendance actuelle est de baisser l’apport en glucides (sucres et féculents), notamment grâce à la réintroduction de lipides, c’est à dire du gras en quantité normale comme dans le régime méditerranéen, pour prévenir, voire rendre réversible un diabète de type 2 au début. Il est donc urgent d’arrêter les sodas, les crèmes glacées, les friandises, de réserver les gâteaux pour le repas en famille du dimanche, de réduire sa consommation de pain, de pâtes, au profit de fruits et surtout de légumes et surtout d’éviter les plats industriels qui contiennent énormément de sucres cachés. En Europe, les recommandations alimentaires officielles ont été alignées sur la recommandation américaine des années 1970 mais le virage a été entamé pour faire baisser la part de sucres dans nos apports nutritionnels. »

Chaque jour ou presque, une nouvelle étude met en avant les dangers ou les vertus de tel ou tel aliment sur notre santé. Comment faire le tri face à ces informations ?

Dr Jean-Pierre Thierry : « La grande majorité des corrélations entre un aliment particulier et une maladie ne reposent pas sur un bon niveau de preuve. En matière d’épidémiologie nutritionnelle tout et son contraire est publié régulièrement, comme on l’a vu avec l’impact de la viande rouge récemment. Cet article publié sur le site de l’Association française pour l’information scientifique illustre parfaitement le sujet et met en avant le travail de John Ioannidis, professeur de médecine et chercheur au Meta-Research Innovation Center at Stanford (METRICS). Il s’insurge contre les allégations avancées sur la consommation soi-disant protectrice ou délétère de tel ou tel aliment sur notre santé et précise « Comment analyser les effets d’un aliment chez des populations exposées à de nombreux facteurs environnementaux, ayant des particularités génétiques diverses, des âges et des profils métaboliques variés ? Et comment généraliser ensuite les résultats ? » 
C’est vrai dans les limites d’une alimentation raisonnable, car évidemment il y a la relation « effet/dose ». Par exemple, si l’on boit 10 litres d’eau par jour on tombera malade. C’est pareil pour le café ou pour de nombreux aliments. »

Le gluten ou le lait sont-ils des aliments « inflammatoires » ?

Dr Jean-Pierre Thierry : « Non mais certaines personnes présentent des « intolérances » et peuvent être conduites à limiter ou éviter d’en consommer et il y a une composante héréditaire. L’intolérance au lactose touche plus souvent les populations asiatiques. Elle est due à un déficit en enzyme et n’est pas inflammatoire. L’intolérance au gluten peut se traduire par une maladie chronique intestinale auto-immune, la maladie cœliaque. On observe qu’un grand nombre de personnes se déclarant intolérant au gluten n’ont pas été diagnostiqué comme tel mais achète désormais des produits « sans gluten », souvent plus chers. On retrouve ici aussi beaucoup de marketing. »

On entend pourtant parler de cas de guérison pour certains patients grâce à un changement de régime alimentaire, voire un jeûne ?

Dr Jean-Pierre Thierry : « Il est certain que des changements d’habitudes alimentaires permettent de mieux se porter, à commencer par la modération de la consommation d’alcool ou de sucres et glucides en trop grande quantité. Aussi, au cours de sa vie, on se rend compte que nous supportons moins certains aliments qui jusque-là ne nous posaient aucun problème. Au cas par cas, certains individus présentent des allergies alimentaires et d’autres pas, même au sein d’une seule et même famille. Des cas isolés ne peuvent pas faire l’objet d’une généralisation. Concernant le jeûne alimentaire, il est très à la mode. Peut-être fait-il du bien à certains, notamment pour perdre du poids, mais il ne convient pas à tout le monde et dans tous les cas, il n’y a pas d’études scientifiques qui permettent de le recommander médicalement. Il est donc important de manger équilibré, de s’écouter et se connaître, mais aussi de faire en sorte que l’alimentation reste à la base d’une forme de sociabilité dans un cadre familial ou professionnel. On peut aussi recommander de prendre la prochaine publication sur l’effet d’un aliment sur la santé avec une bonne dose de scepticisme et de ne pas se faire dicter sa conduite par des peurs infondées et exploitées par le marketing. »

Pour aller plus loin

  • Les directs de l’AFA (Association François Aupetit – Crohn et rectocolite hémorragique) « Le rôle de l’alimentation dans les MICI » (Maladies Inflammatoires Chroniques de l’Intestin) avec le professeur Xavier Hébuterne du CHU de Nice. Voir la vidéo
  • Polyarthrite TV de l’AFPric (Association Française sur la Polyarthrite rhumatoïde et les rhumatismes inflammatoires chroniques) « Alimentation et polyarthrite » avec Sophie Ripaux, diététicienne en rhumatologie à l’hôpital Cochin. Voir la vidéo

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