Certains métiers, comme dans l’industrie, l’artisanat, la santé humaine et animale, la coiffure et l’esthétique, le nettoyage et les pressings, etc. présentent un risque plus ou moins important d’exposer la femme enceinte ou allaitante à des polluants chimiques qui peuvent compromettre la survie ou la santé de l’enfant à naître ou du nourrisson s’il est allaité.
Rappelons que :
- La barrière du placenta ne suffit pas à préserver le futur bébé d’éventuelles contaminations chimiques
- Les contaminants chimiques peuvent passer à travers le lait maternel
Le premier trimestre est la période qui présente le plus de risques pour l’embryon, notamment parce que c’est le moment où les organes et les membres se forment. Une exposition à des produits toxiques peut alors entraîner des malformations, des retards de croissance, des altérations du système nerveux chez le bébé.
La loi prévoit des aménagements ou changements de poste pour les femmes enceintes et allaitantes exposées à des risques pour l’enfant qu’elle porte ou qu’elle allaite. Cependant, pour en bénéficier et ne prendre aucun risque, mieux vaut prévenir le plus rapidement possible son médecin du travail. L’employée peut alors être réaffectée à un autre poste, ne présentant pas de danger par rapport à sa grossesse, sans diminution de salaire. Si l’employeur n’a pas de poste à lui proposer, la salariée sera suspendue et bénéficiera d’une garantie de salaire.
S’INTERROGER SUR SON NIVEAU D’EXPOSITION AVANT LA CONCEPTION
En réalité, une éventuelle exposition à des contaminants chimiques doit être prise en compte en amont de la conception chez un couple qui désire un enfant, car certains produits chimiques peuvent diminuer la fertilité, autant chez la femme que chez l’homme et empêcher de concevoir un bébé ou de mener une grossesse à terme sans risque pour l’enfant.
Le code du travail précise d’ailleurs que l’employeur « organise, en liaison avec le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou, à défaut, les délégués du personnel et le médecin du travail, l’information et la formation à la sécurité des travailleurs susceptibles d’être exposés à l’action d’agents cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction. ». Il est également inscrit que : « L’information des travailleurs porte sur les effets potentiellement néfastes de l’exposition aux substances chimiques sur la fertilité, sur l’embryon en particulier lors du début de la grossesse, sur le fœtus et pour l’enfant en cas d’allaitement. Elle sensibilise les femmes quant à la nécessité de déclarer le plus précocement possible leur état de grossesse et les informe sur les possibilités de changement temporaire d’affectation et les travaux interdits prévus respectivement aux articles L. 1225-7 et D. 4152-10. ».
QUAND ET À QUI PARLER DE SA GROSSESSE SI L’ON OCCUPE UN POSTE REPRÉSENTANT UN RISQUE D’EXPOSITION À DES CONTAMINANTS CHIMIQUES ?
Bien que la femme enceinte bénéficie de son droit au silence et n’est pas obligée de révéler à son employeur ou futur employeur qu’elle est enceinte (article L.1225-2 du code du travail), il est dans son intérêt, et surtout celui de l’enfant qu’elle porte, de le faire si ce travail l’expose à des risques de contamination par des produits chimiques.
Il est dans tous les cas important de prévenir le médecin du travail, qui est quoi qu’il en soit tenu au respect du secret médical. Il connaît l’environnement de la salariée, saura évaluer les risques encourus durant la grossesse et pourra proposer les mesures de prévention nécessaires, comme un aménagement ou un changement de poste le temps de la grossesse ou de l’allaitement, sans que cela n’entraîne de diminution de salaire. L’employeur devra tenir compte des propositions du médecin du travail ou justifier les motifs de son éventuel refus.
En outre, l’article R4152-1 du code du travail précise que : « Les femmes enceintes ainsi que les mères dans les six mois qui suivent leur accouchement et pendant la durée de leur allaitement bénéficient, conformément à l’article R. 4624-19, d’une surveillance médicale renforcée. »
PICTOGRAMMES À REPÉRER
La réglementation européenne oblige les fabricants à apposer différents pictogrammes précisant le type et le niveau de danger potentiel de leurs produits.
Celui ci-contre mérite une attention particulière puisqu’il indique que le produit en question est TRÈS DANGEREUX POUR LA SANTÉ et que :
- Le produit peut provoquer le cancer
- Il peut modifier l’ADN
- IL PEUT NUIRE À LA FERTILITÉ OU AU FŒTUS
- Il peut altérer le fonctionnement de certains organes
- Il peut être mortel en cas d’ingestion et de pénétration dans les voies respiratoires
- Il peut provoquer des difficultés respiratoires ou des allergies respiratoires (ex. : asthme)
Retrouvez dans ce document du Ministère de l’environnement la liste des pictogrammes et leurs significations.
LA LOI PROTÈGE LES FEMMES ENCEINTES EXPOSÉES PROFESSIONNELLEMENT À CERTAINS CONTAMINANTS CHIMIQUES
Une fois la grossesse déclarée, l’employeur a plusieurs obligations relatives à la protection de son employée lorsqu’elle est enceinte ou si elle allaite après l’accouchement et qu’elle est exposée à ces produits :
- Agents classés toxiques pour la reproduction de catégorie 1 A ou 1 B ou catégorie supplémentaire sur ou via l’allaitement selon la classification du règlement CLP (article D. 4152-10 du Code du travail)
- Benzène (article D. 4152-10 du Code du travail)
- Esters thiophosphoriques (article D. 4152-9 du Code du travail)
- Certains dérivés des hydrocarbures aromatiques : dérivés nitrés et chloronitrés des hydrocarbures benzéniques, dinitrophénol, aniline et homologues, naphtylamines et homologues (article D. 4152-10 du Code du travail)
- Mercure et composés du mercure aux travaux de secrétage dans l’industrie de la couperie de poils (article D. 4152-9 du Code du travail)
- Produits antiparasitaires dont l’étiquetage indique qu’ils peuvent provoquer des altérations génétiques héréditaires ou des malformations congénitales, ou classés cancérogènes et mutagènes (article R. 1225-4 du Code du travail)
- Plomb métallique et ses composés (article R. 1225-4 du Code du travail)
LES OBLIGATIONS DE L’EMPLOYEUR PRÉVUES PAR LA LOI
« L’employeur propose à la salariée qui occupe un poste de travail l’exposant à des risques déterminés par voie réglementaire un autre emploi compatible avec son état :
1° Lorsqu’elle est en état de grossesse médicalement constaté ;
2° Lorsqu’elle a accouché, compte tenu des répercussions sur sa santé ou sur l’allaitement, durant une période n’excédant pas un mois après son retour de congé postnatal. »
« La proposition d’emploi est réalisée au besoin par la mise en œuvre de mesures temporaires telles que l’aménagement de son poste de travail ou son affectation dans un autre poste de travail. Elle prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur l’aptitude de la salariée à exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise. Ces mesures temporaires n’entraînent aucune diminution de la rémunération. »
« Lorsque l’employeur est dans l’impossibilité de proposer un autre emploi à la salariée, il lui fait connaître par écrit, ainsi qu’au médecin du travail, les motifs qui s’opposent à cette affectation temporaire.
Le contrat de travail de la salariée est alors suspendu jusqu’à la date du début du congé de maternité et, lorsqu’elle a accouché, durant la période n’excédant pas un mois prévue au 2° de l’article L. 1225-12.
La salariée bénéficie d’une garantie de rémunération pendant la suspension du contrat de travail, composée de l’allocation journalière prévue à l’article L. 333-1 du code de la sécurité sociale et d’une indemnité complémentaire à la charge de l’employeur, selon les mêmes modalités que celles prévues par les dispositions mentionnées à l’article L. 1226-1, à l’exception des dispositions relatives à l’ancienneté. »
DES ÉTUDES ÉLOQUENTES
Une étude menée à Toronto entre 1987 et 1996, observant 125 femmes enceintes et exposées professionnellement à des solvants organiques divers, comparées à un groupe de contrôle de 125 femmes enceintes non exposées professionnellement, a montré que parmi les femmes exposées 13 fœtus souffraient d’anomalies majeures alors que parmi le groupe de contrôle, 1 seul enfant avait été atteint de malformation.
Plus récemment, une étude menée par l’INSERM, révélée en 2009 et portant sur plus de 3000 femmes enceintes, a montré que le risque de malformations congénitales est multiplié par 2,5 si la future mère est professionnellement régulièrement exposée à des solvants.
L’étude a mis en lumière que les métiers les plus exposés étaient ceux du secteur de la santé (infirmières, aides-soignantes), de l’entretien (femmes de ménage), les travailleuses en laboratoire ou les métiers de la coiffure ou de l’esthétique et que les malformations concernées étaient principalement les fentes orales (becs de lièvre), les malformations du rein et des voies urinaires et les malformations génitales du garçon.
EN SAVOIR PLUS :
- Grossesse au travail : attention au produits chimiques – INRS (Institut National de Recherche et de Sécurité)
- Réglementation en cas de grossesse – INRS
- Dépliant : Produits chimiques, protégez votre grossesse – INRS
- Risque chimique et grossesse – Santé au travail Provence
- Grossesse et exposition aux produits chimiques – CNRS (Centre national de la recherche scientifique)
- Retrouvez notre série d’articles dans notre article introductif au DOSSIER :
Femmes enceintes et enfants en danger face aux produits chimiques du quotidien
La moitié des personnes professionnellement actives sont des femmes et environ la moitié d’entre elles sont susceptibles de procréer ou sont enceintes ou allaitantes : le quart des travailleurs sont donc des femmes ayant des spécificités évidentes en matière de risques professionnels, du fait notamment de l’utilisation de substances toxiques pour la reproduction : » La prévention des risques professionnels spécifiques aux femmes » : http://www.officiel-prevention.com/formation/fiches-metier/detail_dossier_CHSCT.php?rub=89&ssrub=206&dossid=210