Polymédication des seniors : quelles mesures adopter ?

Polymédication des seniors : quelles mesures adopter ?

Face à l’ampleur du problème de la consommation de médicaments par les personnes âgées les différents acteurs se mobilisent. Le Collectif sur le bon usage du médicament a publié lors de son colloque annuel en 2018 une dizaine de propositions. L’Assurance maladie de son côté mène diverses actions dont les effets devraient être connus dans le courant de l’année.

« Médecins, pharmaciens, sages-femmes, infirmier(e)s, kinésithérapeutes : le bon usage est l’affaire de tous les acteurs qui prescrivent les médicaments, les dispensent ou accompagnent les patients », écrivait le Collectif sur le bon usage du médicament à l’issue de sa réunion annuelle en mars 2018.

Pour ce collectif, composé de syndicats de médecins et de pharmaciens, de représentants de l’industrie pharmaceutique, de sociétés savantes ou d’assureurs santé, « un dialogue de confiance entre le patient et les professionnels de santé mais aussi entre professionnels de santé est la clé pour avertir, conseiller et détecter les signes d’alerte devant faire évoquer un accident médicamenteux ».

Les pouvoirs publics invités à communiquer

Encore faudrait-il que tout ce petit monde s’attelle à la tâche. Parmi les mesures à mettre en place afin de limiter la iatrogénie liée à la polymédication de nos aînés, le collectif estime notamment qu’il est urgent de relancer les campagnes d’information grand public sur le bon usage du médicament.

« Ces campagnes ont le mérite d’ouvrir les débats et de susciter des actions en relais. La campagne sur les antibiotiques avait permis d’alimenter le dialogue patient-médecin. Les médecins ayant tendance à prescrire un médicament à la demande, ces campagnes permettent d’agir sur le demandeur ».

Diminuer la pression médicamenteuse sur les seniors passe aussi par l’édition de logiciels d’aide à la prescription plus performants qu’ils ne le sont aujourd’hui. Ces logiciels devraient intégrer les données fournies par l’Agence nationale de sécurité du médicament et les sociétés savantes afin d’alerter sur les interactions médicamenteuses contre-indiquées détectées parmi tous les médicaments prescrits, quel que soit le prescripteur.

Les pistes d’amélioration ne manquent pas

De fait, la plupart des logiciels dont disposent aujourd’hui les médecins n’alertent que sur les interactions détectées parmi les médicaments qu’il a lui-même prescrits. D’où l’intérêt également « d’accélérer, via le Dossier médical partagé, la mise à disposition des outils de partage des données patients entre professionnels de santé et œuvrer à leur bonne utilisation ».

Renforcement de la formation des professionnels de santé, création d’un observatoire du bon usage, mise en place d’un numéro vert à l’intention des médecins et des pharmaciens en cas de situations complexes… En tout, le collectif a formulé une dizaine de propositions.

Depuis sa création en 2015, ses promoteurs ont mis en place différentes mesures qui ont permis, estiment-ils, d’obtenir des résultats significatifs en termes de santé publique et d’économies pour l’Assurance maladie. Une étude commandée à IMSHealth, une société spécialisée dans la surveillance de la consommation médicamenteuse, montre ainsi que le nombre de médicaments différents prescrits par semestre aux personnes de plus de 65 ans est passé de 10,5 en moyenne au 1er semestre 2014 à 9,4 au 1er semestre 2016. Quant au nombre de boîtes délivrées par semestre à ce même public, il est passé de 44,4 en moyenne au 1er trimestre 2015 à 42,5 au 1er semestre 2016.

Du mieux sur la consommation de benzodiazépines

Cet été, l’Assurance maladie pointait de son côté une amélioration des pratiques depuis 2012 et la mise en place d’un dispositif de rémunération des médecins sur objectif de santé publique (ROSP), qui se traduit par une diminution du nombre de patients consommant certains médicaments à risque iatrogénique élevé et/ou à une réduction des durées de traitement.

Selon le rapport d’activité de la Caisse nationale d’Assurance maladie pour l’année 2018, la part des patients de plus de 65 ans traités par benzodiazépines à demi-vie longue dans l’année flirtait à fin 2016 avec les 10%. Près de 15% des patients ayant débuté un traitement par benzodiazépines l’ont continué au-delà des douze semaines préconisées.

En 2017, indique l’Assurance maladie, « les traitements par psychotropes chez les patients âgés de plus de 75 ans, pouvant entraîner une dépendance et être à l’origine d’une iatrogénie importante, sont en légère diminution. Il est observé également un meilleur respect des durées de traitement par benzodiazépines hypnotiques permettant de limiter les risques liés à la prise prolongée de ces médicaments, en particulier le risque de chutes ».

Premiers effets du bilan de médication

Dans le cadre de la dernière convention entre l’Assurance maladie et les syndicats de pharmaciens, les professionnels d’officines se sont vu confier la mission de procéder à des « bilans de médication » qui sont proposés aux patients polymédiqués âgés de moins de 65 ans en affection de longue durée ou de plus de 75 ans. « L’objectif, explique l’Assurance maladie, est de lutter contre le risque iatrogénique induit par la situation de polypathologies de ces patients, souvent associée à une polymédication ».

Le bilan de médication consiste en un accompagnement réalisé par le pharmacien d’officine auquel le patient s’adresse. Il vise à recenser l’ensemble des traitements prescrits, à échanger autour de la prise des traitements, de leur bon usage au quotidien voire éventuellement à adapter les traitements du patient. Les recommandations du pharmacien sont intégrées au Dossier médical partagé et envoyées au médecin traitant.

« L’impact attendu des actions mises en œuvre en 2019 [ROSP et bilan de médication, ndlr], écrivait en juillet 2018 l’Assurance maladie, vise à obtenir une diminution de 1 % du nombre d’unités galéniques prescrites chez les patients de plus de 65 ans, ainsi que de 1 % des hospitalisations pour cause de iatrogénie. Elles permettront une économie totale de près de 100 millions d’euros en 2019 ».

Au programme pour l’année 2019

L’Assurance maladie a par ailleurs récemment lancé des campagnes de sensibilisation à l’intention des médecins prescripteurs, via des visites en cabinet, sur les inhibiteurs de la pompe à protons du fait de durées de traitements trop longues pouvant avoir des effets potentiellement néfastes.

Les efforts de l’Assurance maladie porteront également sur les antihypertenseurs afin de promouvoir l’utilisation des spécialités ayant le moins d’effets indésirables ainsi que sur les médicaments laxatifs. Objectif : limiter le recours répété à un médicament susceptible de ralentir le transit intestinal du patient âgé.

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