L’Hémophilie au quotidien

En France, 15 000 personnes sont touchées par une maladie de la coagulation, dont 7 000 hémophiles environ. L’hémophilie est une maladie génétique qui touche principalement les hommes et se caractérise par des hémorragies spontanées ou prolongées du fait d’un manque chez les malades de ce que l’on appelle des « facteurs de coagulation ». La maladie de Willebrand est une maladie hémorragique assez proche de l’hémophilie et concerne autant les hommes que les femmes.

Dans les deux cas, on distingue des cas mineurs, modérés ou sévères. Pour l’hémophilie, 50% des cas sont mineurs et 35% sont sévères et la proportion des cas sévères est moindre pour la maladie de Willebrand.

Le traitement médical consiste à administrer, par injection, les facteurs de coagulation qui font défaut aux malades, soit à la demande en cas d’hémorragie, soit en traitement prophylactique, c’est-à-dire de façon préventive.

Ce qui est moins connu concernant l’hémophilie ou la maladie de Willebrand, c’est que la plupart des saignements sont internes, parfois très douloureux et peuvent immobiliser les patients durant 3 à 4 jours. Enfants, les malades arrivent en général à ressentir ces saignements internes entre 5 et 7 ans. Quand ils ne sont pas dus à un choc, les saignements sont spontanés et peuvent survenir au niveau de l’appareil digestif, des muscles et souvent au niveau articulaire. Les saignements articulaires, s’ils sont répétitifs, sont particulièrement délétères car ils abîment le cartilage et fragilisent les articulations. À force, ces saignements vont causer des problèmes arthrosiques précoces, vers 20 ou 25 ans parfois, ce qui oblige à envisager des chirurgies pour poser des prothèses ou peut causer des handicaps importants. En avançant en âge, ce type de problème entraîne une sédentarité plus importante que chez le reste de la population, ce qui peut provoquer des comorbidités comme le surpoids, la sédentarité, du diabète, des problèmes cardiaques, etc. Enfin, certains patients doivent aussi gérer un VIH, une hépatite C, voire les deux, à la suite de transfusions lors de l’affaire du sang contaminé dans les années 80.

INTERVIEW D’EDOUARD HAMELIN, TRÉSORIER DE L’ASSOCIATION FRANÇAISE DES HÉMOPHILES (AFH), LUI-MÊME HÉMOPHILE A SÉVÈRE

Est-ce qu’en France, la prise en charge est bonne pour les patients hémophiles et ceux souffrant de maladies hémorragiques rares ?

Ce qui fait la particularité des hémophiles et d’autres patients affectés par des maladies hémorragiques rares, comme la maladie de Willebrand par exemple, c’est déjà qu’en France, nous avons facilement et gratuitement accès aux soins et aux traitements, ce qui n’est pas le cas des ¾ des autres malades touchés par ces pathologies dans le monde. Notre réseau de soin est de bonne qualité, alors que le coût des traitements est cher, qu’il concerne finalement peu de patients et a besoin encore d’être soutenu par d’importants travaux de recherche pour améliorer les traitements actuels. Pour maintenir ce bon accès aux soins et aux traitements de qualité pour les malades, il est également nécessaire d’assurer un niveau de formation élevé pour les professionnels de santé. On s’en aperçoit notamment lors des partenariats que nous mettons en place avec des pays en voie de développement, puisque nous nous rendons alors compte que leur fournir des traitements ne suffit pas si les médecins et les soignants ne connaissent pas bien ces maladies et leur prise en charge.

Quels sont les principaux combats menés aujourd’hui par votre association pour défendre les droits des malades ?

Nous avons effectué un gros travail, toujours en cours, à travers les programmes d’éducation thérapeutique incluant ce que nous appelons des « patients/parents-ressources ». Ces programmes visent à rendre les patients ou leurs parents, quand il s’agit d’enfants atteints par la maladie, en capacité d’être en dialogue à la fois serein et efficace avec les professionnels de santé. L’idée est que la communauté rassemblée autour de ces maladies puisse faire face à l’annonce du diagnostic, à l’accès à l’innovation, aux échanges avec les professionnels de santé qui ne connaissent pas ou connaissent mal ce type de pathologies. Quand un malade se retrouve aux urgences, la prise en charge est parfois compliquée et si le patient lui-même ou ses parents ont pu bénéficier des conseils de l’association, tout se passe en général beaucoup mieux.

Concernant l’innovation, puisque heureusement pour nous, depuis quelques années, les industries pharmaceutiques se tournent vers les maladies rares, en tant que patients, nous avons besoin de connaître les enjeux et les risques, d’autant que les professionnels de santé eux-mêmes ne peuvent pas toujours suivre les avancées sur les nouveaux traitements.

Nous travaillons également au maintien des centres de soins et de leur extension à des zones qui ne sont pas encore couvertes comme dans certaines régions d’outre-mer.

L’Association française des hémophiles (AFH) s’assure aussi d’un niveau de sécurité optimal sur l’ensemble des traitements proposés. Dès lors que nous avons un doute, nous nous rapprochons des différentes autorités compétentes et interrogeons, le cas échéant, l’industrie pharmaceutique. Nous veillons aussi à ce que les nouveaux traitements soient disponibles rapidement sur le marché français.

Vous observez également de près ce qui touche à la thérapie-génique ?

Tout à fait, car la thérapie-génique est une innovation potentiellement majeure et nous avons à cœur à l’AFH d’informer au maximum notre communauté sur ce sujet, de les former à ces nouvelles technologies, de leur faire passer le message de ce qui se passe dans les autres pays, car il y a de fortes chances que l’on nous propose bientôt cette thérapie.

Il est également nécessaire que nous fassions prendre conscience aux autorités et notamment aux autorités de santé, qu’il faut nous y préparer ensemble car le mode d’administration et les coûts de ces traitements seront très différents de ce que l’on connaît actuellement. On peut imaginer qu’une seule injection coûtera l’équivalent de 10 années de traitement avec un résultat plus ou moins incertain dans les premiers temps, puisque nous manquons de recul sur cette forme de thérapie. Cela obligera à revoir le financement des traitements et nous espérons que tout le monde sera prêt à les mettre en œuvre au moment venu.

Tous les hémophiles, même les cas sévères, peuvent mener une vie normale ?

Aujourd’hui on peut vivre tout à fait normalement en étant hémophile du fait que les traitements sont plus efficaces et mieux maitrisés. Un malade hémophile vit mieux aujourd’hui qu’il y a 20 ou 30 ans, grâce notamment à la généralisation des traitements en prophylaxie, c’est-à-dire pris de manière préventive. Cela permet notamment aux malades de pouvoir pratiquer plus facilement une activité physique en réduisant les risques de saignements.

En outre, les personnes hémophiles ou souffrant de maladies hémorragiques rares ont désormais accès à la grande majorité des professions, à l’exception de certaines qui sont trop à risques comme militaire ou pompier (même si dans ces corps de métier, certaines fonctions sont ouvertes aux personnes hémophiles).

Il n’y a plus, non plus, d’interdiction de pratiquer le sport à l’école, même si certains sports de contacts violents sont à éviter. Il fut un temps où les enfants hémophiles n’avaient pas toujours accès à la cour de récréation. Désormais c’est exceptionnel et dans de tels cas, nous pouvons intervenir pour aider les familles en envoyant un courrier ou en appelant l’établissement scolaire en question. Cela ne veut pas dire pour autant qu’un enfant hémophile dans une cour de récréation ne mérite pas une surveillance un peu plus soutenue que pour ses camarades et il important de prévenir l’équipe enseignante et de lui expliquer comment réagir si besoin.

Bien sûr, il y a beaucoup de domaines où il faut encore nous battre et faire parler de l’hémophilie et des maladies hémorragiques, car ce sont des maladies qui font peur, surtout parce qu’elles sont méconnues en réalité.

Y a-t-il pourtant des limites imposées par la maladie ?

C’est vrai que cela dépend du degré de sévérité et de séquelles engendrés par la maladie. Les malades accusent souvent une grande fatigue et c’est certain que lorsque l’on est atteint d’une forme sévère, cela occasionne parfois des absences à l’école et au travail. La maladie oblige à choisir une activité professionnelle qui corresponde quand même aux limites imposées au cas par cas. J’ai rencontré par exemple un patient hémophile qui voulait être pâtissier, qui a entamé sa formation mais a arrêté au bout d’un an, car c’était physiquement trop difficile du fait qu’il devait rester debout toute la journée et répéter des gestes qui sollicitaient trop ses articulations sensibles. Il faut poursuivre ses rêves bien sûr, mais les adapter un peu. Certains patients trop atteints ne peuvent parfois pas travailler du tout et peuvent alors prétendre en général à une allocation adulte handicapé.

Certains sports sont également déconseillés comme les sports de combats ou les sports où il peut y avoir des contacts violents comme le rugby.

Comment réagir auprès d’une personne hémophile qui saigne ?

Il ne faut pas s’inquiéter outre mesure si, par exemple, une personne hémophile se coupe ou se blesse et saigne de façon superficielle. Le sang mettra plus de temps à coaguler puis la plaie à cicatriser mais il n’y a pas de caractère urgent.

En revanche, pour une blessure plus grave, soit la personne est consciente et elle saura vous dire quoi faire, soit la personne a perdu connaissance et il faut alors réagir très vite et se rendre dans un hôpital le plus proche et le plus grand possible. Le temps de réaction est essentiel d’une part parce que les traitements sont d’autant plus efficaces qu’ils sont administrés rapidement, d’autre part parce que si on a à faire à une hémorragie grave comme un traumatisme crânien, il y aura moins de séquelles si l’on réagit vite.

Est-ce important de promouvoir l’activité physique auprès des malades hémophiles et de ceux souffrant de maladies hémorragiques rares ?

C’est important de pouvoir faire en sorte que les personnes hémophiles et ceux atteints de maladies hémorragiques puissent maintenir ou augmenter leur niveau d’activité sportive, car le fait d’entretenir un bon capital musculaire permet de mieux protéger les articulations, particulièrement sensibles puisque c’est souvent au niveau articulaire qu’ont lieu les saignements et que cela attaque le cartilage. Les hématomes musculaires quant à eux ne laissent en revanche, a priori, pas de séquelles.

En outre, bien sûr, réduire son activité physique par peur des saignements peut entraîner des comorbidités classiques dues à la sédentarité comme le diabète, le surpoids, l’obésité, les troubles cardiovasculaires.

Le fait que les saignements attaquent le cartilage au niveau des articulations entraîne des séquelles lourdes pour les patients au niveau articulaire ?

Effectivement, il n’est pas rare que les patients hémophiles subissent, même assez jeune dans leur vie d’adulte, des chirurgies pour se faire poser des prothèses. Il y a un phénomène qu’on explique encore mal et qui a pour conséquence que les patients souffrent de saignements répétés sur des articulations « cibles » qui vont donc, au bout d’un moment, être fragilisées au point de devoir envisager une chirurgie et une prothèse. C’est en partie dû à un cercle vicieux du fait que plus le cartilage est abîmé, plus il y a de « rugosités » au niveau de l’articulation et plus elle saignera facilement. A priori, les nouvelles générations de malades seront moins sujettes à ces problèmes grâce à l’évolution des traitements.

TÉMOIGNAGE DE CORALIE, 21 ANS, RÉGION DE BORDEAUX

Je souffre d’une maladie de Willebrand. C’est génétique dans ma famille. Mon père en est atteint et me l’a transmise, à moi et à mon frère. Cependant, dans leur cas, la maladie est moins sévère que pour moi.

J’essaye aujourd’hui de commencer à gérer ma vie et ma maladie toute seule même si mes parents sont toujours très présents, car je suis constamment extrêmement fatiguée.

Déjà plus jeune, la fatigue était un des problèmes les plus difficiles à supporter, en plus des saignements et des hospitalisations fréquentes. Je n’ai pas besoin de recevoir un coup pour saigner et je souffre donc de saignements spontanés internes qui ont lieu au niveau digestif ou, suite à des chocs, au niveau des articulations. Selon la gravité de mes saignements, je dois me rendre à l’hôpital pour me faire transfuser ou pour me reposer le temps que l’on me fasse des perfusions avec mes facteurs de coagulation. Il faut parfois réagir assez vite et partir rapidement à l’hôpital qui se trouve à une cinquantaine de kilomètres de chez moi. Je vais plutôt souvent à l’hôpital, ce qui a eu des conséquences à l’école car j’ai été beaucoup absente. Cela a été compliqué de suivre ma scolarité, de passer mon brevet et mon bac.

Je ne saigne pas tous les jours. C’est plutôt par périodes. Dans mon cas, j’ai remarqué que je saignais davantage en automne et au printemps, et il arrive alors que je saigne plusieurs fois par jour. Désormais je suis sous prophylaxie, c’est-à-dire que j’ai un traitement par perfusions préventives de facteurs de coagulation que je fais chez moi 3 fois par semaine et qui m’aident à gérer les saignements.

Quand j’ai des saignements au niveau des intestins, je le remarque assez facilement car je souffre beaucoup et mon ventre gonfle au point de prendre 2 tailles de pantalon. Les saignements au niveau des articulations ont plutôt lieu à la suite de chocs et surviennent plus souvent au genou. Dans ce cas, il y a un gonflement, un échauffement et c’est douloureux. Je suis obligée de maintenir ma jambe tendue avec une attelle. Pour calmer les douleurs au niveau des articulations, je prends du paracétamol et, pour les intestins, c’est parfois si douloureux que je prends un dérivé de morphine.

J’ai réussi à obtenir mon baccalauréat avec beaucoup de difficultés à cause de mes absences répétées. Aujourd’hui j’aimerais faire des études d’infirmière mais pour l’instant j’ai mis ce projet entre parenthèses car je saigne tellement et suis si fatiguée depuis un an qu’il a fallu que je fasse une pause.

Côté loisirs, je fais un sport qui est plutôt contre-indiqué par rapport à ma maladie, car je suis passionnée d’équitation. Cela me permet de m’évader et d’oublier que je suis malade. Mon médecin a adapté mes traitements en fonction de mes compétitions.

Aujourd’hui, je parle facilement de ma maladie mais cela n’a pas toujours été le cas. Je peux encore avoir des réticences à en parler à mon copain par exemple, mais depuis 3 ou 4 ans, je me confie quand même davantage à mes amis ou ma famille. À l’école, j’ai souffert de brimades parfois violentes à partir de la 4ème et surtout en terminale. Certains disaient de moi que j’avais le SIDA notamment, ce qui n’était pas facile à vivre. Je reconnais que j’étais renfermée et que je n’ai pas cherché à me faire des amis à l’école. En réalité, mes amis proches étaient à l’extérieur de l’école.

Je ne songe pas encore à prendre un appartement toute seule, car j’ai besoin de savoir qu’il peut y avoir près de moi une personne qui pourrait m’emmener rapidement à l’hôpital si nécessaire. Je pourrais envisager par exemple de prendre un appartement avec mon frère, ou dans quelques années avec mon compagnon.

TÉMOIGNAGE DE NICOLAS, 43 ANS, PARIS

On a diagnostiqué chez moi une hémophilie sévère à l’âge de 6 mois car j’ai eu un hématome au bras. L’hémophilie a alors été rapidement suspectée puisque mon père et mon oncle étaient également hémophiles sévères. Je pense que j’ai pris conscience de la maladie quand j’ai eu 2 ou 3 ans. Dans ma famille, on n’en parlait pas tant que ça. Mon père savait gérer sa maladie mais tout se passait plutôt entre lui et ses médecins. Je n’ai pas le sentiment que ma famille ait été très impliquée pour m’aider à gérer ma maladie, à l’exception de ma mère qui m’a soutenu quand j’étais enfant pour que j’obtienne le plus tôt possible les meilleurs traitements. Elle ne voulait pas que j’aie de lourds problèmes de santé comme mon père a pu en avoir et elle a fait en sorte que je puisse grandir sans trop de séquelles articulaires ou musculaires. Cela a créé des tensions entre mon père et moi car je comprenais que ma mère ne voulait pas que j’ai le corps de mon père qui a beaucoup souffert au niveau articulaire. Je dirais qu’au niveau familial, il était surtout important de conserver la normalité de notre environnement malgré l’hémophilie. On m’a donc incité par exemple à pratiquer beaucoup de sport jusqu’au jour où l’on m’a posé un interdit, à savoir que je ne pourrai pas faire de football comme mon frère. Evidemment, à compter du moment où l’on m’a dit que je ne pouvais pas jouer au foot, j’ai cherché des copains pour en faire !

Puis la vie a basculé pour la famille car mon père, mon oncle et moi-même avons contracté le VIH suite à l’affaire du sang contaminé. Pour mon père c’était en 1986 et il est décédé en 1990. De mon côté, j’avais 8 ans quand je l’ai su, les premiers symptômes sont apparus en 1990 et j’ai été mis sous AZT à l’âge de 15 ans. J’avais alors vu les traitements que mon père avait eus et cela ne m’a évidemment pas rassuré. Le VIH était beaucoup plus anxiogène que l’hémophilie au quotidien. En outre, le VIH s’est doublé d’une hépatite C.

Petit, je me cognais souvent car je suis également dyspraxique, ce qui provoquait des saignements parfois douloureux. Arrivé à l’âge adulte, il m’est aussi arrivé, suite à des saignements musculaires, d’être longuement immobilisé. Aujourd’hui je dois surtout surveiller une fragilité articulaire au niveau d’un coude, due à une fracture lorsque j’étais plus jeune qui a provoqué des saignements à répétition. Heureusement, cette fragilité n’en est pas au point d’envisager une chirurgie pour poser une prothèse. Dans l’ensemble, la gestion de l’hémophilie m’a semblé moins pénible que celle du VIH.

Ma scolarité a été très perturbée, à cause des soucis de santé d’une part mais également parce que mon père était diplomate et que l’on voyageait beaucoup. J’ai redoublé deux fois, j’étais très isolé et, malheureusement, après la mort de mon père, mon environnement familial est devenu très toxique car ma mère m’a progressivement rejeté. C’était trop. J’ai eu mon baccalauréat mais, par la suite, je n’ai pas pu entamer d’études supérieures car je ne supportais plus la fatigue et les effets secondaires des maladies et des traitements. En 2006, une page s’est tournée car mon hépatite C a été guérie et ces dernières années les traitements pour le VIH sont devenus plus efficaces et plus faciles à supporter. En 2009 j’ai repris des études et obtenu une licence d’histoire et un master en éducation thérapeutique du patient.

Aujourd’hui je travaille dans le domaine de la santé mais je ne peux pas travailler à plein temps car je suis quand même très fatigable. J’ai d’ailleurs une reconnaissance de handicap à 80% mais cette reconnaissance ne m’aide pas particulièrement à trouver des postes adaptés pour moi. Financièrement, j’ai pu compter sur l’indemnisation obtenue suite à l’affaire du sang contaminé mais, sans cela, je ne sais pas comment je ferais. Une compensation heureuse quand on sait l’état de précarité dans lequel vivent tant de malades en situation de handicap.

Je vis aujourd’hui en concubinage avec une infirmière. Cela m’aide en fait à poser un regard positif sur le monde de la santé. Je fais mon deuil de désir d’enfant à cause du risque de transmission de la maladie qui m’obligerait à passer par une PMA (procréation médicalement assistée) et de mon interrogation sur ma capacité à être parent puisque la maladie me fatigue beaucoup.

Je parle plutôt facilement de mes problèmes de santé. Cela fait partie de ma vie, de moi et je ne m’en cache pas, même si je n’en parle pas systématiquement. Je ne peux pas dire que j’ai beaucoup souffert de discrimination, que cela soit pour l’hémophilie ou le VIH. Il se trouve que je suis plutôt sportif et que c’est difficile de ne pas en parler dans ce contexte, d’autant plus que j’ai choisi de pratiquer un sport peu recommandé pour un hémophile puisque je fais de la boxe. Bien évidemment, la pratique est « aménagée » à ma maladie. Je ne fais pas de combat, et on travaille en fait les déplacements, la cardio et le renforcement musculaire en accord avec un médecin en médecine du sport. C’est très bénéfique au niveau de l’hémophilie, car le renforcement musculaire a permis de me gainer et de mieux protéger mes articulations.

Aujourd’hui je suis plutôt positif par rapport à l’avenir. Les progrès médicaux sont encourageants même s’il va peut-être falloir composer avec une moins bonne prise en charge des soins. Est-ce que je pourrai bénéficier des innovations comme les avancées en thérapie-génique ? Il y a des chances ! Je fais surtout en sorte, notamment avec la pratique du sport, de bien vieillir, d’être le plus en forme possible en avançant en âge et d’être aussi le moins coûteux possible. Dans l’ensemble, je suis plutôt confiant concernant l’avenir.

TÉMOIGNAGE DE STÉPHANIE, 36 ANS, VENDÉE

On m’a diagnostiqué fin août 2018 une maladie de Willebrand. Il n’y avait pas d’antécédents familiaux et il y a donc désormais une enquête familiale ouverte pour déterminer quelles sont les personnes de ma famille potentiellement atteintes. Lors de cette découverte de ma maladie, j’ai trouvé que j’avais été bien entourée et bien orientée vers le centre de traitement de l’hémophilie à Nantes.

Je m’en suis rendue compte lors d’une consultation avec un anesthésiste en vue d’une neurochirurgie. Cela a été une grosse surprise. Je n’avais jamais eu de signes particuliers qui auraient pu m’alerter, à part, a posteriori, le fait que j’ai assez facilement des hématomes, particulièrement sur les cuisses. Le résultat du diagnostic me classe parmi les cas modérés de la maladie. C’est vrai que maintenant que j’y fais plus attention, je me rends compte, par exemple, que lorsque j’ai une petite blessure qui saigne, je cicatrise probablement plus lentement que les autres mais jusqu’ici, pour moi, c’était normal. Avec le recul, je comprends mieux pourquoi j’avais systématiquement des bleus au bras, au niveau de la piqûre, lorsque je faisais une prise de sang. Je pensais tout simplement que je « marquais » facilement, et d’ailleurs je croyais que c’était de famille puisque ma mère et mes sœurs ont cette même particularité. Peut-être l’enquête familiale nous apportera-t-elle à toutes des réponses à ces hématomes à répétition.

Maintenant que je sais que je suis malade, la vie va pourtant se dérouler comme avant puisque cela ne m’a jamais gêné jusqu’ici. Il est quand même nécessaire que j’acquière certains réflexes comme de ne pas prendre d’aspirine par exemple, qui est contre-indiqué dans la maladie de Willebrand. J’ai également, bien entendu, prévenu mon médecin traitant.

Je pense que c’est une bonne chose finalement d’avoir été diagnostiquée, car cela va me permettre de prévenir d’éventuels risques, notamment justement dans le cas d’une intervention chirurgicale.

On m’a bien sûr également recommandé d’éviter de pratiquer des sports de contact, mais comme ce n’est a priori pas le genre de sports qui m’attire, j’avoue que j’ai assez peu prêté attention à ces contre-indications.

J’ai une fille de 16 mois qui va également participer à l’enquête familiale dans un ou deux ans. Je ne suis pas très inquiète, même si j’ai déjà noté des petits bleus sur ses jambes, car si elle a également la maladie ce n’est probablement pas une forme sévère, sans quoi on l’aurait déjà remarquée. Je n’ai pas non plus de crainte à l’idée de faire un deuxième enfant, car, pour moi, la maladie est largement vivable.

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