Elevage animal : les antibiotiques, c’est vraiment plus automatique

Limiter la consommation d’antibiotiques chez l’animal, les vétérinaires français y sont parvenus. Le résultat d’un encadrement très contraignant de leur exercice via un plan d’actions pluriannuel lancé en 2012. Pour une fois, la France se trouve plutôt parmi les pays bons élèves. Reste à maintenir les efforts.

Si les tentatives de régulation de la consommation des antibiotiques utilisés en médecine humaine ne portent pas leurs fruits, la démarche est beaucoup plus concluante du côté de nos amis les bêtes.

L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation de l’environnement et du travail (Anses) a rendu public ce matin les chiffres de la consommation d’antibiotiques en médecine vétérinaire.

En 2017, les chiens et les chats, les lapins, les veaux, vaches et autres cochons ont consommé en France 499 tonnes d’antibiotiques. C’est près de deux fois moins qu’en 2011 (910 tonnes) indiquent les données publiées par l’Anses. A titre de comparaison, les Français ont ingurgité 700 tonnes d’antibiotiques l’année dernière.

Des résultats bien au-delà des objectifs

A l’origine de ces résultats plus que probants, le premier plan Ecoantibio 2012-2016 lancé en novembre 2011 par le ministère en charge de l’agriculture afin de diminuer de façon importante l’emploi d’antibiotiques par les animaux. Objectif affiché de ce plan d’action (un second est en cours depuis 2017) : réduire d’au moins 25 % l’usage des antibiotiques en 5 ans.

« Avec une attention toute particulière portée à l’utilisation des antibiotiques d’importance critique en médecine vétérinaire et humaine », précise Jean-Yves Madec, directeur scientifique en charge de l’antibiorésistance à l’Anses. Pour le spécialiste, l’objectif global du premier plan a largement été atteint. « En 5 ans, on a enregistré une diminution de l’exposition animale aux antibiotiques de 37 % ».

Le plan Ecoantibio a également vu la création de 4 régions pilotes dans lesquelles un vétérinaire référent, nommé par ses instances professionnelles et le ministère de l’agriculture est chargé d’apporter la bonne parole. Ce projet vise à maintenir sur la durée la sensibilisation des vétérinaires au bon usage des antibiotiques ou encore à conseiller les praticiens demandeurs sur les meilleures stratégies d’antibiothérapie.

Haro sur les antibiotiques les plus sensibles

« On s’en sort mieux dans l’élevage animal parce que la profession est soumise à un encadrement très strict notamment en ce qui a trait aux règles de prescription », explique au micro de 66 Millions d’IMpatients Brice Maytie, docteur en médecine vétérinaire et référent antibiotiques des Pays de la Loire, l’une des 4 régions pilotes.

Exemple avec la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt du 13 octobre 2014 qui a fixé un objectif de réduction de 25 % en 3 ans de l’utilisation des antibiotiques appartenant aux familles des Fluoroquinolones et des Céphalosporines de 3e et 4e générations.

En pratique, le texte de loi impose aux vétérinaires une batterie de tests pour justifier le recours à ces catégories d’antibiotiques jugés sensibles (car très pourvoyeurs de résistance). Depuis l’entrée en vigueur de ces contraintes, « leur consommation a diminué de 60 à 80% », indique Brice Maytie.

L’exercice vétérinaire strictement encadré

Autre mesure ajoutée dans l’arsenal des outils visant à limiter l’utilisation de médicaments antimicrobiens : l’interdiction imposée aux laboratoires de pratiquer des remises arrière au profit des vétérinaires et limiter de ce fait l’intérêt financier de prescrire à tour de bras. Pourquoi ? Parce que cette mesure participe à renchérir le coût de ces médicaments pour les vétérinaires et, in fine, pour les éleveurs.

La généralisation de la vaccination (quand elle est indiquée et possible) et l’amélioration des conditions d’hygiène en élevage ont aussi largement contribué à diminuer le recours aux antibiotiques dans le monde animal. A noter que ces contraintes s’appliquent à tous les vétérinaires, l’objectif étant aussi de mettre la pression sur les professionnels installés en ville qui soignent les animaux domestiques.

« Entre 2012 et 2017, toutes catégories confondues, la consommation d’antibiotique a diminué de 42,8% dans la filière volaille, 41,5% dans l’élevage de porcs et 24,3% chez les bovins« . Nos amis les chiens, quant à eux, ingurgitent 20% d’antibiotiques en moins qu’il y a 5 ans. Des résultats qui tranchent avec ce qu’on observe en médecine humaine.

Diminution observée de l’antibiorésistance

A-t-on mesuré les effets de ces diminutions sur la résistance aux antibiotiques ? Oui, répond Jean-Yves Madec : « dès qu’on lève la pression sur la consommation, on voit que la prévalence des bactéries résistantes recule. Les données obtenues dans le cadre de Résapath, un réseau de surveillance de l’antibiorésistance des bactéries pathogènes présentes dans différentes espèces animales, le montrent sans l’ombre d’un doute ».

En médecine humaine, la France figure parmi les pays les plus consommateurs d’antibiotiques. Ses résultats en matière de consommation en médecine animale la situent en revanche très en dessous de la moyenne européenne, loin devant l’Espagne, l’Italie, le Portugal ou encore l’Allemagne. De fait, de nombreux pays continuent d’afficher un niveau élevé de consommation d’antibiotiques à usage vétérinaire. « Aux États-Unis, pointe par exemple l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), à côté d’une utilisation à visée thérapeutique, les antibiotiques sont aussi utilisés de façon systématique à faibles doses comme facteurs de croissance, une pratique interdite en Europe depuis 2006 ».

Pour Jean-Yves Madec, la question est maintenant de savoir si les vétérinaires français sauront maintenir leurs efforts dans la durée. C’est précisément l’esprit du nouveau plan Ecoantibio 2017-2021 qui vise, explique l’Anses, « à inscrire dans la durée la baisse de l’exposition des animaux aux antibiotiques. Il prévoit des actions de communication et de formation, l’accès à des alternatives aux antibiotiques, et l’amélioration de la prévention des maladies animales ».

Que faire à notre niveau pour appuyer la tendance ?

Limiter la consommation de viande ne permet pas de se prémunir contre la mise en contact avec des bactéries résistantes, explique Jean-Yves Madec. Et pour cause : « Les bactéries qu’elles soient résistantes ou non aux antibiotiques se trouvent partout dans notre environnement ».

Le scientifique précise également que la viande qu’on trouve dans le commerce ne contient en principe pas d’antibiotiques. En consommer n’est pas de nature à nous exposer à un surcroît d’agents antimicrobiens et donc à augmenter la pression de sélection sur les bactéries résistantes.

Cela étant dit, privilégier les aliments d’origine végétale participe mécaniquement à réduire la taille des cheptels et indirectement à limiter le recours aux antibiotiques. A condition que tout le monde s’y mette ! On sait aussi que réduire les apports en viande est meilleur pour la santé et permet de contenir la production de gaz à effet de serre générée par l’industrie de l’élevage. Vous reprendrez bien une cuillérée de pois chiche ?

A l’occasion de la semaine mondiale du bon usage des antibiotiques, organisée à l’initiative de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) du 12 au 18 novembre, 66 Millions d’Impatients publie un dossier complet sur le sujet. Pour retrouver les différents éléments constituants ce dossier, c’est par ici : 

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