Angine : des prescriptions d’antibiotiques qui passent mal

En dépit de l’existence de tests de détection rapide facilement accessibles permettant d’évaluer dans quelle mesure l’infection est d’origine bactérienne ou non, les médecins ont encore trop souvent tendance à prescrire des antibiotiques inutilement en cas d’angine.

« Les médecins n’ont pas tous pris la mesure du danger que représente la montée de l’antibiorésistance« , écrivait dans nos colonnes en 2014 Françoise Ballereau alors présidente du Medqual, un centre ressources en antibiologie créé en 2003 dans la foulée du Plan National pour préserver l’efficacité des antibiotiques.

La situation ne semble pas avoir beaucoup évolué. En novembre 2017, dans un rapport sur la consommation d’antibiotiques, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) indiquait, « au regard des chiffres de l’année 2016, que la tendance à la hausse de la consommation d’antibiotiques en ville, constatée depuis 2010, après une période de baisse (2000-2005), puis de relative stabilité (2005-2010), se poursuit ».

En ville, des consommations d’antibiotiques toujours en hausse

Entre 2011 et 2016, la consommation d’antibiotiques en ville (hors des établissements hospitaliers, autrement dit) a augmenté de 5,6 %. Selon l’ANSM, 2 prescriptions d’antibiotiques sur 3, toujours en ville, l’ont été pour des affections ORL et des affections des voies respiratoires basses.

Grippe, angine, bronchite… ces maladies courantes font trop souvent l’objet de consommation d’antibiotiques, alors qu’elles sont d’origine virale dans la majorité des cas. Rappelons en effet que ces médicaments ne sont d’aucune utilité contre les infections de ce type. Prenons l’angine par exemple, une affection provoquée par une inflammation d’origine infectieuse des amygdales qui se manifeste par de la fièvre et de vives douleurs au niveau de la gorge, plus intenses au moment de la déglutition.

Cette affection est d’origine bactérienne dans 25 à 40 % des cas chez l’enfant, et seulement, 10 à 25 % chez l’adulte. Elle ne l’est quasiment jamais chez les enfants de moins de trois ans. Pour autant, le diagnostic de cette affection conduit les médecins à prescrire des antibiotiques très fréquemment, beaucoup plus qu’ils ne le devraient.

Angine et antibiotiques : c’est trop souvent automatique

« En France, environ 9 millions d’angines sont diagnostiquées chaque année, écrivions nous dans ces colonnes en 2014, et 6 millions d’entre elles font l’objet d’une antibiothérapie. Un taux de prescription d’environ 70 %, là où sur le papier il devrait être au maximum de 30% ».

Sollicitée par 66 Millions d’IMpatients, l’Assurance maladie n’a pas souhaité commenter ce chiffre. Ses services confirment toutefois que « les antibiotiques ne peuvent rien contre les maladies d’origine virale telles que la rhinopharyngite, la grippe, la bronchite aiguë ou la plupart des angines ».

Depuis 2002, les médecins amenés à traiter ce type d’affection, principalement des généralistes mais aussi des pédiatres et des ORL, disposent d’un « test de détection rapide (TDR) » qui permet en quelques minutes d’identifier la nature de l’infection (bactérienne ou virale) et donc de déterminer le traitement adéquat (antibiothérapie ou non).

Des tests de détection rapide bien trop sous-utilisés

Ce test se présente sous la forme de bandelettes. Il est fourni gratuitement aux médecins sur simple demande de leur part. Très fiable, il demeure toutefois sous-utilisé déplorait déjà en 2010 la Caisse nationale d’Assurance maladie. Pourquoi ? Parce que les médecins préféraient, « dans le doute », prescrire des antibiotiques. En 2017, les médecins français ont commandé seulement 2,5 millions de TDR.

A noter quand même que le taux de recours à ce dispositif augmente quand même chaque année. En 2013, un peu plus d’1,5 million de TDR ont été commandés. Ce chiffre ne cesse de s’accroître depuis. Il reste loin, toutefois, des 9 millions de tests qui devraient en principe être utilisés.

En 2014, MG France, principal syndicat représentant les médecins généralistes, contacté par 66 millions d’impatients, appelait de ses vœux « la mise en place d’une nouvelle campagne de formation et d’information aux prescripteurs sous l’égide des pouvoirs publics ». Histoire de booster l’utilisation de ces TDR et par le fait même de diminuer le recours aux antibiotiques.

Il est urgent que les médecins s’y mettent

Pour ce dossier, nous avons à nouveau sollicité le syndicat qui nous a apporté sensiblement la même réponse (lire à ce propos notre enquête sur les moyens à mettre en œuvre pour endiguer le développement dangereux de la résistance des bactéries aux antibiotiques).

En attendant que les pouvoirs publics se décident éventuellement à communiquer sur ce dispositif, rien n’interdit au syndicat de rappeler à ses adhérents l’existence de ces tests et l’importance de les utiliser avant d’opter pour une antibiothérapie qui la plupart du temps ne sert à rien, sinon à accroître la pression de sélection sur les bactéries résistantes.

A l’occasion de la semaine mondiale du bon usage des antibiotiques, organisée à l’initiative de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) du 12 au 18 novembre, 66 Millions d’Impatients publie un dossier complet sur le sujet. Pour retrouver les différents éléments constituants ce dossier, c’est par ici : 

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